29.06.2013 Views

INTRODUCTION À L'ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES ...

INTRODUCTION À L'ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES ...

INTRODUCTION À L'ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

29<br />

affranchi de sa tâche ancienne de narrer l'élaboration dramatique de la dunesteia, libère<br />

de nouvelles possibilités discursives pour le récit et la narration dramatique des<br />

puissances. Le discours historien ne peut apparaître que sur le fond du reflux des<br />

« mythes de souveraineté » et des représentations de la genèse souveraine d'un ordre<br />

originaire indissociablement cosmique, social et politique. A partir du moment où<br />

disparaît l'horizon d'une telle suprématie « théologico-politique », le temps prend une<br />

épaisseur propre au sein de laquelle les puissances qui s'y affrontent se sécularisent et<br />

s'autonomisent par rapport à la scène originaire de leur avènement mythique. Dans le<br />

cadre de la Grèce classique, et singulièrement dans le contexte des guerres déstabilisant<br />

les institutions de la cité et les équilibres géopolitiques de l'espace méditerranéen, on a<br />

pu remarquer que, tant Hérodote face aux guerres médiques, que Thucydide face à la<br />

guerre du Péloponnèse, ou encore Polybe face aux guerres puniques de la conquête<br />

romaine jusqu'à la destruction de Carthage, tous ces historiens s'intéressaient avant tout<br />

au passé proche et au présent. Historiens « contemporanéistes » en quelque sorte, ils se<br />

montraient avant tout attachés à décrire et à expliquer les bouleversements que donnait<br />

à voir leur temps. Le récit du passé n'avait plus à dire l'origine ; il avait au contraire à<br />

dire ce qui se passait désormais sur fond d'absence d'origine, ou sur fond d'incertitude<br />

d'une origine dont la représentation ne pouvait plus être, comme on l'a vu chez<br />

Thucydide, que légendaire.<br />

La « démythification » du temps généalogique des puissances primordiales, et la<br />

naturalisation du temps dans lequel se déploient les phénomènes cosmologiques et<br />

humains, apparaissent ainsi comme les deux aspects d'un même processus rendant<br />

possible l'apparition du discours historien dans la Grèce classique. C'est la double voie<br />

généalogique par laquelle l'autonomisation du récit du passé, « libéré » de ses fonctions<br />

rituelles, cultuelles, politico-religieuses et sacrées, devient disponible pour prendre de<br />

nouvelles structures et de nouvelles fonctions, didactique et historiographique : la<br />

double voie en somme par laquelle le mythe trouve la possibilité de s'engager dans la<br />

voie d'une mise en discours d'un passé historique.<br />

3.2. Mythe, histoire, progrès. - Existe-t-il des « sociétés sans histoire » ? (Lévi-<br />

Strauss)<br />

Entre le récit mythique et le récit historique, il y aurait donc pas tant un rapport<br />

d'exclusion réciproque (le mythe raconterait des événements passés fabuleux, l'histoire<br />

raconterait des événements passés réels), qu'un rapport d'inversion : la mythologie<br />

renvoie à un temps originaire au sein duquel une série d'actions et de transformations<br />

conduisent à l'établissement d'un ordre définitif (cosmologique, théologique, et<br />

sociopolitique), ordre au sein duquel le temps de l'histoire devient possible, mais temps<br />

historique qui paradoxalement ne pourra introduire aucune transformation de cet ordre ;<br />

l'historiographie renvoie à des événements passés au contraire pour expliquer le<br />

bouleversement de l'ordre actuel, les transformations du présent (ainsi chez Hérodote,<br />

pensée appréhende le même phénomène, par exemple la séparation de la terre et des eaux, simultanément<br />

comme fait naturel dans le monde visible et comme enfantement divin dans un temps primordial. Pour<br />

rompre avec le vocabulaire et avec la logique du mythe, il aurait fallu à Hésiode une conception<br />

d'ensemble capable de se substituer au schéma mythique d'une hiérarchie de Puissances dominée par un<br />

Souverain. Ce qui lui a manqué, c'est de pouvoir se représenter un univers soumis au règne de la loi, un<br />

cosmos qui s'organiserait en imposant à toutes ses parties un même ordre d'isonomia fait d'équilibre, de<br />

réciprocité, de symétrie »).

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!