INTRODUCTION À L'ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES ...
INTRODUCTION À L'ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES ...
INTRODUCTION À L'ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
91<br />
théologiques ou en termes spéculatifs, repose fondamentalement, selon Althusser, sur<br />
l'idée d'une contemporanéité à soi du présent, d'une pleine présence à soi du présent.<br />
Pour le dire en sens inverse, toute tentative pour mettre à distance cette acception de<br />
l'événementialité, aura à charge de mettre aussi à distance cette représentation de la<br />
temporalité historique comme cours unifié, homogène et finalité, et en dernière instance<br />
cette double représentation de l'identité à soi du temps : comme Sujet de l'histoire ou<br />
principe interne de son développement, et comme présent absolu (dans lequel ce sujet ce<br />
manifeste). La mise en question de l'événement sera inséparable d'une problématisation<br />
de la multiplicité ou complexité interne de la temporalité historique comme de chaque<br />
présent, donc des « retards », « avances », « anachronismes » qui sont constitutifs de<br />
tout « présent », et qui rendent compte de l'impossibilité de s'en donner une<br />
représentation totale ou intégralement totalisée et, partant, de l'impossibilité de<br />
prétendre y lire la manifestation d'un sens univoque de l'histoire, telle l'expression d'une<br />
essence simple (origine, fin, sujet) 170 .<br />
Par d'autres biais, et parfois loin des enjeux théoriques de cette analyse, nous<br />
verrons que c'est aussi bien ce système de présupposés, concernant tant la forme du<br />
temps historique que la structure de son objet ou de son contenu, qui s'est trouvé mis en<br />
cause à travers les débats auxquels, de l'intérieur du champ historiographique, la<br />
catégorie d'événement a donné lieu.<br />
1.2. Faits passés et événements historiques : sélectionner, classifier, dater<br />
Pour évoquer ici un premier lieu de ces débats récurrents autour de la catégorie<br />
historiographique d'événement, un lieu à la fois général et emblématique, mentionnons<br />
le problème de savoir ce qui distingue un fait passé et un événement historique. Sans<br />
doute un « fait » quelconque ne suffit-il pas à déterminer un événement ; mais il se<br />
pourrait que n'importe quel « fait » puisse, en fonction de la perspective adoptée (c'està-dire<br />
en fonction du problème posé et de l'horizon de totalisation théorique qu'il<br />
implique), constituer un événement. Cela revient à dire que l'événement est à la fois un<br />
présupposé de la démarche historiographique et un résultat de son opération. Un<br />
présupposé, car il n'y aurait pas d'histoire sans des faits qui événementialisent le cours<br />
du temps en lui imposant un ordre (c'est-à-dire en y démarquant un « avant » et un<br />
« après », donc une irréversibilité du temps historique), et témoignant d'une<br />
classification des causes historiques (car tous les faits peuvent entrer dans les liens de<br />
causalité avec d'autres faits, mais tous les événements historiques ne sont pas causes de<br />
la manière manière ou au même « niveau »). Mais aussi un résultat : car la question de<br />
savoir quels faits ont valeur d'événement historique, renvoie en dernière instance au<br />
problème des critères de pertinence que met en oeuvre l'historien, pour élire certains<br />
épisodes du passé comme significatifs ou comme explicatifs du point de vue de la<br />
séquence historique et de la problématique qu'il adopte (c'est dire qu'il ne s'agit pas<br />
nécessairement d'événements particulièrement visibles ou bruyants : ce qui fait<br />
événement pour l'historien ne correspond pas nécessairement à ce qui fait événement<br />
pour les hommes du passé que l'historien étudie).<br />
Ces deux points de vue sur l'événement, comme présupposé et comme résultat<br />
du travail historien, ne peuvent sans doute jamais aller complètement l'un sans l'autre.<br />
170 Nous retrouvons ici, par une autre biais, ce que Michel DE CERTEAU nous avait permis d'articuler<br />
précédemment (Iè partie, chap. 2) : l'incomplétude du présent, ou l'altérité qui le travaille irréductiblement<br />
et qui l'empêche de coïncider avec lui-même (l'historiographie comme leçon d'hétérologie).