INTRODUCTION À L'ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES ...
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d’une collection monumentale de neuf tomes, dont la parution s’étalera sur toute la première décennie du<br />
XXe siècle : Histoire de France de l’époque gallo-romaine à la Révolution, Lavisse se chargeant luimême<br />
des deux volumes du t. VII : Louis XIV : la Fronde, le Roi, Colbert (1643-1685) et Louis XIV, la<br />
Religion, les Lettres et les Arts, la Guerre (1643-1685), parus en 1905 et 1906. L’œuvre sera complétée<br />
par une seconde série de neuf tomes intitulé Histoire de la France contemporaine, de la Révolution à la<br />
Paix de 1919 (publiés entre 1920 à 1922).<br />
De l’ensemble de ce travail, exemplairement du tome rédigé par Lavisse luimême,<br />
ressortent plusieurs partis pris méthodologiques qui révèlent la thèse et la finalité<br />
profondes de cette vaste entreprise. Premièrement, comme le titre l’indique (Histoire de<br />
France), l’étude privilégie comme objet un Etat-Nation, dont on suppose qu’il existe<br />
depuis le temps de Clovis jusqu’à l’époque de Louis XIV, a fortiori jusqu’aux<br />
gouvernements de Gambetta, Ferry ou Clémenceau. Deuxièmement, la périodisation est<br />
articulée en fonction des règnes, selon un découpage qui correspond à la vieille tradition<br />
des annales, et qui laisse entendre que chaque souverain pèse de manière décisive sur le<br />
cours des événements. Dans le même ordre d’idée, les hommes illustres y jouent des<br />
rôles primordiaux (Sully, Richelieu, Colbert, etc.) : c’est typiquement une histoire des<br />
« grands hommes ». Troisièmement, l’accent est mis sur les faits politiques, militaires et<br />
diplomatiques, le récit enchaînant les événements en respectant une causalité linéaire<br />
assez simpliste où « la politique demeure au poste de commandement », où les<br />
combinaisons ministérielles, les débats parlementaires, les élections législatives tiennent<br />
plus de place que les découvertes scientifiques, les activités industrielles ou les mœurs<br />
paysannes. Les faits économiques, sociaux et culturels ne sont évoqués qu’en position<br />
subordonnée, envisagés dans le cadre d’une stratégie politique (par exemple, dans le<br />
tome VII, les finances, l’agriculture, l’industrie et le commerce sont abordés dans le<br />
chapitre « le gouvernement économique ») 112 . Ces partis pris méthodologiques sont au<br />
service d’une démonstration qui court tout l’ouvrage, et que Lavisse dévoile en<br />
conclusion de la première série : la monarchie capétienne, bien qu’elle ait penché vers<br />
l’absolutisme, a construit une administration, a supprimé les particularismes, a<br />
rassemblé les provinces ; elle a, en un mot, « renforcé l’unité française ».<br />
Tout cela apparaît plus explicitement encore dans le « Petit Lavisse », l’un des<br />
nombreux manuels scolaires d’histoire qui fleurissent, à partir des années 1880, dans le<br />
terreau fertile des réformes de l’instruction publique et des lois Jules Ferry.<br />
Quelques rappels sur le contexte :<br />
– 1875 : adoption des lois constitutionnelles définissant les procédures de désignation et les<br />
règles de fonctionnement des deux chambres et du gouvernement.<br />
– 1877-1879 : élections successives portant des majorités de gauche à la Chambre des députés<br />
puis au Sénat. Mac Mahon doit « se soumettre », puis « se démettre » : la République triomphe.<br />
– Dans les années qui suivent : les ministères « opportunistes » accordent l’amnistie aux<br />
Communards (1880), instaurent les libertés publiques, de réunion, de presse etc. (1881),<br />
légalisent les syndicats (1884), imposent l’école laïque (1880), gratuite (1881) et obligatoire<br />
(1882).<br />
Dans leur œuvre scolaire, les dirigeants « opportunistes » (Jules Ferry, Léon<br />
Gambetta, Charles de Freycinet, Léon Say) sont encouragés et guidés par les<br />
responsables du ministère de l’Instruction publique (Paul Bert, ministre de l’Instruction<br />
publique en 1881-1882 dans le cabinet de Gambetta ; Ferdinand Buisson, Inspecteur<br />
112 Nous verrons plus loin la façon dont les historiens de l'Ecole des Annales prétenderont rompre point<br />
par point avec les postulats de l'« école méthodique » (IIè partie, chap. 2).