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INTRODUCTION À L'ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES ...

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88<br />

a/ Certains événements peuvent y fonctionner comme des événements expressifs,<br />

c'est-à-dire des faits qui s'avèrent significatifs pour autant qu'ils expriment d'une façon<br />

singulièrement marquante une évolution générale de la période historique analysée.<br />

b/ Certains événements fonctionnent comme des événements décisifs ou comme<br />

des événements-coupures, au sens où, tout en étant eux-mêmes produits par des séries<br />

complexes de causes antécédentes, ils produisent une birfurcation imprévisible, voire<br />

improbable, soit au sein de la période historique analysée, soit parce qu'ils permettent de<br />

marquer le terme d'une période ou l'ouverture d'une autre (imposant à l'historien une<br />

autre manière de problématiser son objet, ou l'obligeant à adresser aux archives d'autres<br />

questions). C'est à ce niveau que se pose bien sûr la question de la datation de<br />

l'événement (cf. extrait de Cl. Lévi-Strauss ci-dessous), parce que celui-ci intervient<br />

alors au coeur du problème de la périodisation du cours historique. Mais cela pose dès<br />

lors aussi, en retour, le problème de l'individuation d'un événement, qui excède la simple<br />

question de sa date empirique (où commence et où finit exactement un « événement » ?<br />

Un événement n'a-t-il pas en propre de ne pouvoir être circonscrit dans des limites<br />

temporelles univoques ?).<br />

c/ Certains événements encore peuvent fonctionner comme des événementssymptômes,<br />

au sens que nous avons rencontré précédemment en analysant la<br />

problématique de l'archive dans l'historiographie contemporaine. L'événement devient<br />

ici micro-événement, faille imperceptible aux contemporains et révélant après coup,<br />

malgré elle (et malgré eux), les jeux du pouvoir au sein d'une époque déterminée. On<br />

pourra rapporter à cette conception de l'événement-symptôme cette remarque d'Arlette<br />

Farge :<br />

S'il est vrai que l'écriture de l'histoire requiert de passer du désordre à l'ordre (désordre des<br />

sources, des hypothèses, des documents ; ordre raisonné de la narration), il faut savoir qu'il n'y a<br />

pas d'histoire sans reconnaissance de ce qui fait désordre, énigme, écart, irrégularité, silence ou<br />

murmure, discorde dans le lien entre les choses et les faits, les êtres et les situations sociales ou<br />

politiques 167 .<br />

Dans cette entreprise de rationalisation d'une séquence passée qu'est le travail<br />

historiographique, le concept d'événement comprendrait précisément ces<br />

« irrégularités » ou ces « écarts » qui, dans une époque passée, entraient en tension ou<br />

en discordance avec la rationalité qui dominait cette époque (rationalité discursive,<br />

institutionnelle, sociale ou politique), et qui désormais éclairent (à condition qu'on sache<br />

s'y rendre sensible) d'autant mieux cette rationalité qu'ils lui échappaient.<br />

Nous rencontrerons au fil de ce dernier chapitre ces différentes compréhensions<br />

de l'événement, en parcourant certains débats qui ont mis à l'épreuve la place et la<br />

fonction de cette catégorie d'événement dans l'historiographie du XXe siècle. Mais il<br />

convient de noter au préalable que l'enjeu de ces débats portent au-delà de la seule<br />

discipline historienne, sur des présupposés longtemps impliqués par l'idée d'événement,<br />

et qui reposent même sur des structures intellectuelles héritées de traditions<br />

pluriséculaires, qui continuent de produire leurs effets là même où s'exerce la vigilance<br />

critique la plus aiguisée, parce qu'elles touchent en dernière analyse à la compréhension<br />

de la temporalité historique en tant que telle.<br />

Pour n'en mentionner ici qu'un aspect des plus obvies, on ne peut omettre que la<br />

notion d'événement fut longtemps informée par la pensée théologique chrétienne, qui lui<br />

167 A. FARGE, « Penser et définir l'événement en histoire. Approche des situations et des acteurs<br />

sociaux », Terrain, n° 38, p. 67-78 (p. 71 pour la citation).

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