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INTRODUCTION À L'ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES ...

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l'hégémonie de la forme « communauté nationale » au sein de laquelle il s'est construit<br />

et imposé historiquement. La question reste donc de savoir si et dans quelle mesure il<br />

sera possible, pour relâcher la pression idéologico-politique pesant sur le savoir<br />

historique, de désolidariser le modèle républicain de son axe identitaire « historiconational<br />

», à rebours des incursions répétées du politique dans cette formation de savoir<br />

qui hystérisent les conflits de mémoire et d’historicités.<br />

2) L'in-instituable de l'histoire : l'hétérologie historiographique, l'historien<br />

et ses morts<br />

2.1. L'histoire, un « discours de l'autre » (De Certeau)<br />

Les analyses précédentes ont permis de souligner la façon dont les récits<br />

produits par les historiens, en tant qu'ils s'intégraient dans le système des représentations<br />

collectives, contribuaient à la production des identités collectives. La<br />

professionnalisation de la discipline historienne au sein des institutions publiques de<br />

recherche et de formation, les différentes procédures de rationalisation et de réflexion<br />

critique de la pratique historiographique sur ses propres conditions et ses propres<br />

présupposés, n'annulent pas cette « efficacité idéologique » de l'histoire. Elles peuvent<br />

la contrebalancer, elles peuvent aussi l'accompagner voire la renforcer (comme on l'a vu<br />

en examinant le rôle de l'institution historienne dans la vie politique française sous la<br />

IIIe République). Elles n'exemptent donc pas le savoir historique de son propre<br />

« pouvoir » : celui de produire des récits capables de susciter l'adhésion collective à des<br />

valeurs, des représentations, érigeant le passé en réservoir de symboles et d'idéaux<br />

autour desquels se scelle l'imaginaire d'une identité commune.<br />

Tel est le pouvoir de ce discours prétendant, pour reprendre une expression de<br />

Michel DE CERTEAU, énoncer « le réel », ou parler « au nom du réel » 120 . Et sans la<br />

prise en compte de ce pouvoir du discours historien, on ne comprendrait certes pas<br />

pourquoi d'autres pouvoirs, pouvoirs sociaux et politiques, se préoccuperaient de se<br />

l'assujettir, de le contrôler au moins partiellement, voire de l'instrumentaliser purement<br />

et simplement. Mais cette remarque doit être aussitôt complétée par un corrolaire : le<br />

discours historien entretient un rapport ambivalent avec le « réel » qu'il prétend<br />

instruire, comme avec l'identité commune dont il peut contribuer à forger l'imaginaire.<br />

Michel de Certeau sera ici, à nouveau, un fil conducteur utile, en nous donnant<br />

pour point de départ l'observation suivante : définir l'histoire comme connaissance du<br />

passé, c'est supposer que le passé comme tel peut être objectivé, constitué en objet, ou<br />

en un réservoir, si l'on peut dire, d'une infinité d'objets possibles. Mais c'est préjuger en<br />

réalité ce qui est en question : quel type de réalité est cette dimension temporelle qu'on<br />

appelle le passé ? Pour De Certeau, lecteur de l'historiographie romantique d'un Jules<br />

MICHELET non moins que des écrits du père de la psychanalyse Sigmund FREUD, le<br />

passé ne peut se réduire à une dimension de l'objectivité, ou à un point de réalité que<br />

l'on pourrait viser comme tel. Il est aussi, contradictoirement, ce qui, parce qu'il n'est<br />

plus, ne peut être représenté que dans la dimension de l'absence, du manque, d'une<br />

altérité qu'aucun « savoir » (aucun discours, aucune représentation) ne saurait prétendre<br />

120 Voir M. DE CERTEAU, Histoire et psychanalyse, op. cit., p. 53-57. Cf. également R. BARTHES, « Le<br />

discours de l'histoire », in Le Bruissement de la langue, Paris, Seuil, « Points-Essais », 1984, p. 163-177.

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