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INTRODUCTION À L'ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES ...

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d’histoire, il doit former des républicains convaincus et de vaillants soldats. A cette fin,<br />

tous ces manuels prennent fonds dans les mêmes postulats fondamentaux :<br />

a/ Le premier est celui d’une « France éternelle », de « nos ancêtres les Gaulois »<br />

jusqu’aux citoyens de la Troisième République. Les habitants de ce beau pays<br />

appartiennent à une collectivité qui devient progressivement nationale, ou plutôt, à une<br />

nation éternelle qui prend progressivement conscience d’elle-même. Dès lors, les<br />

particularismes régionaux sont effacés ; les inégalités sociales sont estompées ; les<br />

« autres », individus différents, sont identifiés aux étrangers, aux ennemis, aux<br />

agresseurs. La longue marche vers la formation de l’Etat-Nation se déroule comme une<br />

succession d’événements exceptionnels où s’illustrent des héros vertueux. Le manuel<br />

d’histoire prend l’aspect d’une galerie de tableaux : Vercingétorix à Alésia, Clovis<br />

brisant le vase de Soissons, Charlemagne face aux écoliers, Philippe Auguste à<br />

Bouvines, Saint Louis sous le chêne de Vincennes, Jeanne d’Arc au bûcher, François Ier<br />

à Marignan, le peuple de Paris à la Bastille… Une ligne de partage sépare les « bons »<br />

qui ont renforcé l’autorité de l’Etat et rassemblé les provinces (Du Guesclin, Louis XI<br />

ou Richelieu), et les « mauvais » qui se sont lancés dans des guerres ruineuses et ont<br />

laissé perdre des provinces ou des colonies (Charles XVIII, Louis XII, Louis XV…).<br />

b/ Le second choix idéologique manifeste consiste à faire l’apologie du régime<br />

républicain. L’héritage de la Révolution française est récupéré pour la période 1789-<br />

1792, privilégiant les épisodes modérés et mettant en avant la réunion des états<br />

généraux, la déclaration des Droits de l’Homme, la Fête de la Fédération, glissant en<br />

revanche très allusivement sur les affrontements de la Convention, les brutalités de la<br />

Terreur habilement dissimulés sous les exploits des soldats de l’An II. La Révolution<br />

apparaît ainsi comme une rupture radicale qui fait émerger la souveraineté de la Nation,<br />

instaure le respect de la Loi, introduit la liberté de conscience et la liberté du travail.<br />

L’histoire du XIXe siècle est présentée comme une série de victoire et de défaite entre la<br />

République et ses adversaires (Restauration, Monarchie de Juillet, Second Empire),<br />

avant la victoire définitive de la IIIe République : « Elle a établi la France à son rang de<br />

grande nation ; imposé le service militaire égal pour tous ; restauré les libertés publiques<br />

– presse, réunion, association ; séparé l’Eglise de l’Etat ; et constitué un empire<br />

colonial » (Manuel de Gautier et Deschamps). Bref, la IIIème République garantit une<br />

organisation sociale harmonieuse qui ne saurait être dépassée ; la Commune est décrite<br />

comme un accès de folie, presque incompréhensible ; et la perspective d’un régime<br />

socialiste n’est jamais évoquée.<br />

c/ La troisième option est une exaltation permanente et belliqueuse de la Mère-<br />

Patrie. A la première génération, de 1880 à 1898, la propagande nationaliste est<br />

effrénée, en proportion de l’humiliation ressentie après la défaite de 1870-1871. Dans ce<br />

climat, les manuels d’histoire sélectionnent les faits d’armes illustrant la défense du<br />

territoire contre l’envahisseur, de la révolte de la Gaule jusqu’à la bataille de Valmy.<br />

Jeanne d’Arc devient l’héroïne nationale, le symbole de la résistance : « Jeanne d’Arc,<br />

c’est la figure la plus touchante qui ait jamais paru sur terre. Aucun peuple n’a dans son<br />

histoire une Jeanne d’Arc » (manuel Gautier-Deschamps). Le journal L’Ecole, en mai<br />

1882, recommande les dictées patriotiques, les récits héroïques et les chants martiaux,<br />

comme celui de L’Ecolier-Soldat, enseigné au niveau de l’école maternelle et du cours<br />

élémentaire :<br />

Pour être un homme, il faut savoir écrire<br />

Et tout petit, apprendre à travailler.<br />

Pour la Patrie, un enfant doit s’instruire

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