Subjectivations politiques et économie des savoirs - Service de ...
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– Revue <strong>de</strong> philosophie politique <strong>de</strong> l’ULg – N°5 – Mai 2013 – p. 152<br />
un contrat élaboré en commun. Le moment <strong>de</strong> mise en commun, le moment <strong>de</strong> la<br />
délibération qui précè<strong>de</strong> la promesse, correspond chez H. Arendt au moment <strong>de</strong><br />
quintessence <strong>de</strong> la liberté. Le moment <strong>de</strong> liberté, qui est, selon elle, proprement<br />
« miraculeux », est indissociable <strong>de</strong> l’espace public. 37 Être libre, c’est apparaître <strong>de</strong>vant<br />
ses semblables, c’est voir <strong>et</strong> être vu en action <strong>et</strong> en paroles 38 , ce qui ne peut se faire<br />
qu’entre égaux. En ce sens, la liberté ne peut être que politique, <strong>et</strong> le politique ne peut<br />
qu’être espace <strong>de</strong> liberté. 39 C’est pourquoi la liberté politique « means the right to be a<br />
participator in government, or it means nothing 40 ». La forme historique <strong>de</strong> la polis<br />
correspond à l’espace <strong>de</strong> liberté par excellence pour H. Arendt. 41 La liberté :<br />
n’est rien <strong>de</strong> plus qu’un attribut pour une forme déterminée <strong>de</strong> l’organisation<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> hommes entre eux. Son origine ne rési<strong>de</strong> jamais dans l’intériorité <strong>de</strong><br />
l’homme, qu’il s'agisse <strong>de</strong> sa volonté, <strong>de</strong> sa pensée ou <strong>de</strong> ses sentiments,<br />
mais dans l’espace intermédiaire qui ne naît que là où plusieurs personnes se<br />
r<strong>et</strong>rouvent ensemble <strong>et</strong> qui ne peut durer qu’aussi longtemps qu’elles restent<br />
ensemble. 42<br />
Évi<strong>de</strong>mment, l’espace d’apparence où se déploie la liberté n’est ni garanti par une<br />
autorité extramondaine ni par un recours à un quelconque absolu. Dans c<strong>et</strong>te<br />
définition, la liberté est indissociable du moment politique, <strong>et</strong> seule la promesse « lie<br />
les hommes entre eux ».<br />
Mais H. Arendt donne également une autre définition <strong>de</strong> la liberté. Dans c<strong>et</strong>te secon<strong>de</strong><br />
version, la liberté est définie comme une potentialité <strong>de</strong> l’être humain. Elle est la<br />
capacité <strong>de</strong> commencer quelque chose <strong>de</strong> nouveau. Suivant en cela Saint Augustin, H.<br />
Arendt soutient que la liberté <strong>de</strong> l’être humain est une capacité proprement<br />
ontologique : « l’homme est libre, parce qu’il est un nouveau commencement 43 ». La<br />
liberté est la capacité humaine d’interrompre les processus causaux qui gouvernent la<br />
vie, du moment que s’efface le principe qui prési<strong>de</strong> à chaque nouveau commencement.<br />
« Le miracle qui sauve le mon<strong>de</strong>, le domaine <strong><strong>de</strong>s</strong> affaires humaines, <strong>de</strong> la ruine<br />
normale, "naturelle", c’est finalement le fait <strong>de</strong> la natalité, dans lequel s’enracine<br />
37<br />
38<br />
39<br />
40<br />
41<br />
42<br />
43<br />
H. Arendt, La crise <strong>de</strong> la culture, p. 189.<br />
H. Arendt, On Revolution, p. 237.<br />
H. Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, Paris, Seuil, 1995, p. 92.<br />
H. Arendt, On Revolution, p. 218.<br />
H. Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, Paris, Seuil, 1995, p. 75. Cf. On Revolution, p. 31; H. Arendt,<br />
Condition <strong>de</strong> l’homme mo<strong>de</strong>rne, Paris, Calmann-Lévy, 1997, p. 258.<br />
H. Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, p. 146.<br />
H. Arendt, La crise <strong>de</strong> la culture, Paris, Gallimard, 2000, p. 217 (nous soulignons).