Subjectivations politiques et économie des savoirs - Service de ...
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– Livio Boni : « L’impasse <strong>de</strong> l’être comme passe du suj<strong>et</strong> : figures <strong>de</strong> la subjectivation<br />
chez Alain Badiou » – p. 53<br />
signifiant mathématique), ou artistique (par l’œuvre, <strong>et</strong> la poésie essentiellement) 6 .<br />
D’où le caractère d’opérateur fonctionnel, presque formel, qu’il attribue à la catégorie<br />
<strong>de</strong> « vérité », catégorie vi<strong>de</strong>, qui ne sert qu’à rendre pensables <strong><strong>de</strong>s</strong> coupures<br />
épistémologiques <strong>et</strong> subjectives qui se passent ailleurs, dans d’autres lieux que celui<br />
<strong>de</strong> la pensée philosophique.<br />
C<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière est donc, en un sens, toujours en r<strong>et</strong>ard, toujours en quelque sorte à<br />
distance <strong><strong>de</strong>s</strong> événements qui bousculent l’ordre du savoir, du suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’histoire. Elle<br />
est à l’abri <strong><strong>de</strong>s</strong> ruptures épistémologiques <strong>et</strong> historiques, dans la mesure où, comme<br />
le disait Georges Canguilhem, cela n’a aucun sens <strong>de</strong> dire qu’une philosophie<br />
historiquement donnée soit « fausse », ou « moins vraie », que n’importe quelle autre. 7<br />
Ainsi, par hétéronomisation <strong>de</strong> la philosophie, A. Badiou parvient à sauver quelque<br />
chose <strong>de</strong> la position <strong>de</strong> surplomb <strong>et</strong> d’autonomie <strong>de</strong> la philosophie dans le champ <strong>de</strong> la<br />
pensée (ce qui a longtemps fasciné une large partie <strong>de</strong> sa réception par les<br />
philosophes « purs »). Mais, en même temps, il pose le fait que « ça pense » ailleurs,<br />
<strong>et</strong> même que, en un sens, ça ne pense qu’ailleurs, <strong>et</strong> que, par conséquent, toute<br />
philosophie qui prétend être à la hauteur <strong>de</strong> sa tâche, ou <strong>de</strong> son époque, doit se<br />
m<strong>et</strong>tre sous condition <strong><strong>de</strong>s</strong> vérités extra-philosophiques, qui seules assurent les<br />
événements sur lesquels peuvent s’in<strong>de</strong>xer <strong><strong>de</strong>s</strong> eff<strong>et</strong>s-suj<strong>et</strong>.<br />
C’était une telle défense <strong>de</strong> la philosophie « elle-même », dans ce rôle au fond<br />
dialectique <strong>de</strong> tra-duction <strong>de</strong> vérités hétéronomiques, que prônait le premier Manifeste<br />
pour la philosophie. Le fait qu’A. Badiou se revendique d’un « ultra-platonisme » dans<br />
sa défense <strong>de</strong> la catégorie <strong>de</strong> vérité ne doit cependant pas nous induire en erreur : il<br />
ne s’agit nullement d’une apologie idéaliste <strong>de</strong> l’immuabilité <strong><strong>de</strong>s</strong> vérités, car ces<br />
<strong>de</strong>rnières sont historiquement produites, créées dans leur processus immanent, bien<br />
qu’il revienne à la philosophie <strong>de</strong> leur donner une sorte <strong>de</strong> transposition, d’abri<br />
intemporel, par son travail <strong>de</strong> transfert, <strong>de</strong> traduction, <strong>de</strong> r<strong>et</strong>ranscription dans le cadre<br />
<strong>de</strong> l’Idée.<br />
6<br />
7<br />
D’où la confrontation constante d’A. Badiou, <strong>de</strong>puis Théorie du Suj<strong>et</strong> jusqu’à Conditions, en passant<br />
par L’être <strong>et</strong> l’événement ou le premier Manifeste pour la philosophie (1989), avec Höl<strong>de</strong>rlin <strong>et</strong> la<br />
lecture qu’en fait Hei<strong>de</strong>gger, fondée sur ce qu’il va définir comme une « suture <strong>de</strong> la philosophie à la<br />
poésie » <strong>et</strong> sur une relecture <strong>de</strong> Mallarmé (Cf. Conditions, Paris, Seuil, 1992). J’ai tenté <strong>de</strong> reconstruire<br />
les enjeux <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te confrontation avec la conception hei<strong>de</strong>ggerienne <strong><strong>de</strong>s</strong> rapports entre poésie <strong>et</strong><br />
philosophie, <strong>et</strong> le débat avec Lacoue-Labarthe <strong>et</strong> avec Jacques Rancière à ce suj<strong>et</strong>, dans mon<br />
introduction à l’édition italienne du P<strong>et</strong>it Manuel d’inesthétique (cf. « De-suturare filosofia e poesia.<br />
L’anti-mimesis sottrattiva di Alain Badiou », dans A. Badiou, Inest<strong>et</strong>ica, Milano, Mimesis, 2007, p. 7-<br />
22).<br />
Cf. « Philosophie <strong>et</strong> vérité », entr<strong>et</strong>ien d’A. Badiou avec J. Hyppolite, G. Canguilhem, M. Foucault, P.<br />
Ricœur, Cahiers philosophiques, 1993, p. 79-96 (r<strong>et</strong>ranscription d’un entr<strong>et</strong>ien filmé pour la série « Le<br />
temps <strong><strong>de</strong>s</strong> philosophes », produite par la Télévision française dans les années 60 <strong>et</strong> édité en VHS par<br />
le CNDP en 1993).