Subjectivations politiques et économie des savoirs - Service de ...
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– Yves Citton, Laurent Demoulin, Antoine Janvier <strong>et</strong> François Provenzano : « Exploitation,<br />
interprétation, scénarisation. Entr<strong>et</strong>ien avec Yves Citton » – p. 211<br />
singulièrement isolées <strong><strong>de</strong>s</strong> enjeux sociétaux <strong><strong>de</strong>s</strong> collectivités, ou réduites à la fonction <strong>de</strong><br />
paravent <strong>de</strong> bonne conscience humaniste ?<br />
Au sein même <strong><strong>de</strong>s</strong> « humanités » c<strong>et</strong>te fois, quelle place occupent les « étu<strong><strong>de</strong>s</strong> littéraires » ?<br />
On perçoit globalement dans votre propos une tentative <strong>de</strong> concilier <strong>de</strong>ux modèles<br />
institutionnels différents : celui <strong><strong>de</strong>s</strong> humanities anglo-saxonnes <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> la tradition<br />
universitaire française, dominée par le paradigme historiciste. La question se pose dès lors<br />
<strong>de</strong> préciser le terreau institutionnel (<strong>et</strong> inséparablement épistémologique) <strong>de</strong> ces « pratiques<br />
discursives transdisciplinaires » (AH, pp. 124-125) que vous placez au fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la<br />
formation <strong><strong>de</strong>s</strong> interprètes. On peut <strong>de</strong>viner <strong>de</strong>rrière c<strong>et</strong>te étiqu<strong>et</strong>te une reprise <strong>de</strong> l’héritage<br />
<strong>de</strong> la rhétorique (« l’acquisition <strong>et</strong> le développement <strong>de</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> problématisation,<br />
d’argumentation, <strong>de</strong> réfutation », AH, p. 124), mais ce vaste fonds <strong>de</strong> techniques du discours<br />
semble toujours dominé par le modèle <strong>de</strong> « l’expérience littéraire » : celle-ci doit-elle dès lors<br />
être perçue comme le parangon <strong>de</strong> la discursivité ? À quel titre ?<br />
2. Questionnement idéologique<br />
Le modèle <strong>de</strong> l’individu interprète que vous présentez accentue les dimensions<br />
singularisantes, esthétisantes, subjectives <strong>et</strong> intuitives <strong>de</strong> l’activité interprétative. Il me<br />
semble qu’on peut trouver là l’équivalent, sur le pôle <strong>de</strong> la réception, <strong>de</strong> ce que l’idéologie<br />
littéraire du Romantisme avait défendu comme modèle <strong>de</strong> la production littéraire : le créateur<br />
inspiré cultivant sa singularité à l’écart <strong><strong>de</strong>s</strong> compromissions avec le social <strong>et</strong> guidé<br />
uniquement par l’idéal <strong>de</strong> l’invention originale. Or, votre proj<strong>et</strong> s’in<strong>de</strong>xe également sur une<br />
autre idéologie littéraire, radicalement différente, celle sartrienne <strong>de</strong> l’engagement qui récuse<br />
précisément la primauté <strong>de</strong> l’enjeu esthétique <strong>et</strong> <strong>de</strong> la recherche <strong>de</strong> singularité pour<br />
privilégier les réponses aux enjeux <strong>de</strong> la collectivité. C<strong>et</strong>te dichotomie est certes caricaturale,<br />
mais on ne peut s’empêcher <strong>de</strong> percevoir dans vos pages c<strong>et</strong>te tension entre <strong>de</strong>ux idéologies<br />
littéraires qui présupposent <strong>de</strong>ux modèles opposés <strong>de</strong> la communication littéraire. La<br />
question n’est pas tant : laquelle choisir ?, que : comment modéliser leur dépassement ?<br />
3. Questionnement rhétorique<br />
Parmi les conditions nécessaires à la production du travail interprétatif, vous pointez<br />
particulièrement la « protection d’une énonciation indirecte » (AH, pp. 85s). C<strong>et</strong>te modalité est<br />
illustrée par la pratique <strong>de</strong> l’interprétation <strong><strong>de</strong>s</strong> textes philosophiques, mais est aussi posée<br />
comme une qualité du discours littéraire (mo<strong>de</strong>rne) – on voit donc bien, au passage, que<br />
votre théorie <strong>de</strong> l’interprétation présuppose une théorie <strong>de</strong> la production du discours littéraire<br />
(voir point précé<strong>de</strong>nt), conçu ici comme un lieu <strong>de</strong> reformulation originale <strong><strong>de</strong>s</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong>