embarrassante (celle par les tenants de l’intervention ou par le régime soudanais). La dénonciationdes violences est cependant posée comme un élément visant à atténuer le risque de récupération: « c’est pour ce<strong>la</strong> qu’afin d’équilibrer notre position nous avons été si offensifs en directiondu gouvernement soudanais » (CA 3 septembre 2004).QUAND ASSISTER C’EST PROTÉGER ? MAI 2004…La mention des violences <strong>et</strong> <strong>la</strong> récusation de <strong>la</strong> qualification de génocide de mai-juin 2004 sontdonc à comprendre en lien avec le propos qui est celui de <strong>MSF</strong> depuis le début, à savoir le besoind’augmentation des secours: violences passées (causes de dép<strong>la</strong>cement) <strong>et</strong> présentes (causes de confinement)se conjuguent pour donner lieu à <strong>une</strong> vulnérabilité <strong>et</strong> <strong>une</strong> dépendance à l’aide quasi-totales– <strong>et</strong> que <strong>la</strong> focalisation du débat autour du «génocide» tend à occulter 95 . Dans c<strong>et</strong>te perspective, <strong>la</strong>fourniture de secours adéquats <strong>et</strong> en quantité suffisante est posée comme prioritaire, parce que <strong>la</strong>menace principale sur <strong>la</strong> vie des dép<strong>la</strong>cés au présent procède bien des ma<strong>la</strong>dies (les diarrhées sont«déjà responsables de plus d’un tiers des décès dans les camps») <strong>et</strong> de <strong>la</strong> malnutrition: «dans l’état actuel,[les opérations de secours] ne perm<strong>et</strong>tront pas d’éviter qu’<strong>une</strong> famine provoquée par l’homme ne détruisedes dizaines de milliers de vies» (dernière phrase du rapport Le pire est à venir). Le CP du 26 juill<strong>et</strong>prolonge ce message en insistant sur le manque de distributions alimentaires.Peut-on alors avancer que, selon <strong>MSF</strong>, assister équivaudrait à « protéger » ? Par c<strong>et</strong>te formu<strong>la</strong>tionqui attribue à <strong>MSF</strong> un vocabu<strong>la</strong>ire qu’elle n’utilise précisément pas, il s’agit de voir en quoil’accent sur l’assistance s’articule avec <strong>une</strong> appréhension plus globale de <strong>la</strong> vulnérabilité desdép<strong>la</strong>cés. Plusieurs remarques :A <strong>la</strong> source du positionnement sur les secours, l’évaluation des ‘menaces’ – Ainsi que nousl’avons vu à propos de <strong>la</strong> qualification de génocide, le discours de <strong>MSF</strong> opère un dép<strong>la</strong>cementdu centre de gravité d’où est jaugée <strong>la</strong> situation. Au discours normatif sur <strong>la</strong> nécessité de protéger,elle oppose un discours de praticien de terrain. Ce faisant, elle se p<strong>la</strong>ce certes dans <strong>une</strong> posturede secouriste. Mais si elle insiste tant sur le besoin de secours, ce n’est pas parce qu’ils constituentson ‘fonds de commerce’, mais parce que son diagnostic est celui d’<strong>une</strong> situation paradoxale oùc’est au nom de <strong>la</strong> <strong>protection</strong> contre le génocide que l’on risque de <strong>la</strong>isser mourir, par attrition,le plus grand nombre de gens 96 . En somme, à aucun moment <strong>MSF</strong> ne pense ni ne dit qu’assisterserait protéger, que les secours seraient un moyen au service de l’objectif de <strong>protection</strong>, ou qu’ilfaudrait privilégier l’assistance sur <strong>la</strong> <strong>protection</strong>, ou l’inverse, <strong>et</strong>c. : précisément, <strong>MSF</strong> s’éloignede ce type de formu<strong>la</strong>tions que <strong>la</strong> polysémie du terme «<strong>protection</strong> » ne peut que rendre confuses 97 .Mais son positionnement opérationnel <strong>et</strong> public procède bien d’<strong>une</strong> appréciation des menacesqui pèsent le plus sur <strong>la</strong> vie des gens : <strong>la</strong> <strong>question</strong> des secours est inévitablement entremêlée àcelles de <strong>la</strong> sécurité ou de <strong>la</strong> ‘vulnérabilité’ des popu<strong>la</strong>tions considérées. En ce sens, on peut95. Avant le printemps 2004 <strong>et</strong> l’émergence de ce débat sur le génocide, l’occultation (des violences <strong>et</strong> du besoin de secours)était causée par <strong>la</strong> réticence de <strong>la</strong> ‘communauté internationale’ à reconnaître l’existence d’un conflit (du fait du processusde paix nord-sud en cours).96. A c<strong>et</strong> égard, il faut noter que des tenants de <strong>la</strong> dénonciation d’un génocide ont assez vite rassemblé les deux termes dec<strong>et</strong>te opposition en par<strong>la</strong>nt de «génocide par attrition», suggérant <strong>une</strong> intentionnalité que <strong>MSF</strong> ne constatait pas.97. On notera le déca<strong>la</strong>ge d’avec les ONG humanitaires ayant embrassé <strong>la</strong> « <strong>protection</strong> » comme préoccupation première <strong>et</strong>pour lesquelles les secours, <strong>la</strong> présence, sont orientés <strong>et</strong> déterminés par ‘l’objectif de <strong>protection</strong>’, comme dans Pro-activepresence, déjà cité.99
avancer que sans jamais s’y référer explicitement, <strong>MSF</strong> s’inscrit dans <strong>une</strong> conception finalementassez proche de celle du DIH – où <strong>la</strong> <strong>protection</strong> des popu<strong>la</strong>tions civiles inclut, à côté de l’abstentionde <strong>la</strong> violence par les parties au conflit, <strong>la</strong> délivrance de secours appropriés <strong>et</strong> leur libre passage.Dans <strong>la</strong> conception de l’assistance, les considérations re<strong>la</strong>tives à l’exposition auxviolences – c’est dans <strong>la</strong> façon de penser <strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre en œuvre les secours que <strong>MSF</strong> intègre lesouci de l’exposition à <strong>la</strong> violence : aussi, dès février à Mornay, en pleine urgence, l’équipe s’estelleinquiétée de <strong>la</strong> vulnérabilité des dép<strong>la</strong>cés aux attaques de Jenjaweeds aux abords du wadi ;si leur fournir de l’eau était l’objectif premier, le souci de le faire dans un lieu qui les expose lemoins possible à ces attaques a fait explicitement partie des considérations de l’équipe : «il yavait un double objectif, donner de l’eau aux gens <strong>et</strong> les sortir du wadi» « il y avait quelque chose deréfléchi, de décidé [dans le fait d’éloigner les gens du wadi source de danger] » (entr<strong>et</strong>ien logisticienMornay). De son côté, <strong>la</strong> RCO souligne que « les équipes ont (…) aidé les dép<strong>la</strong>cés à se soustraireà certaines formes de violence. En fournissant de l’eau, évitant ainsi aux femmes <strong>et</strong> aux enfants des’éloigner des sites (…) <strong>MSF</strong>-F a en quelque sorte ‘protégé’ <strong>une</strong> partie des dép<strong>la</strong>cés». Une citationqui nous dit que <strong>la</strong> <strong>protection</strong> n’est pas ici comprise comme un objectif, <strong>et</strong> qu’elle s’exprime enquelque sorte en négatif, comme évitement d’exposition à certaines violences. C<strong>et</strong>te façon d’envisagerles enjeux ‘de <strong>protection</strong>’ est illustrée très exactement par les titres de <strong>la</strong> section où ilssont discutés : « avons-nous exposé les popu<strong>la</strong>tions à des violences supplémentaires?»; «eff<strong>et</strong>sd’exposition, eff<strong>et</strong>s de <strong>protection</strong> » (RCO p. 44) – <strong>et</strong> non « avons-nous protégé » ou « soustrait lespopu<strong>la</strong>tions à des violences ». Elle m<strong>et</strong> bien l’accent sur le souci d’éviter l’impact négatif quepourrait avoir l’action de secours, son impact positif n’étant pas recherché, mais éventuellementconstaté.A <strong>la</strong> suite des remarques sur <strong>la</strong> délivrance d’eau comme élément ayant contribué à soustraire lesdép<strong>la</strong>cés à certaines violences, <strong>la</strong> RCO précise en note de bas de page : «A c<strong>et</strong> égard, on peutregr<strong>et</strong>ter que <strong>MSF</strong> n’ait pas disposé de plus de ressources pour distribuer du fourrage, du chaume <strong>et</strong>du bois de chauffe – dont <strong>la</strong> collecte en brousse exposait aux mêmes violences ». L’équipe s’est explicitementposé <strong>la</strong> <strong>question</strong> de fournir du fourrage aux animaux dès le mois de février ; le manquede moyens, <strong>la</strong> difficulté de mise en œuvre sont les raisons avancées pour expliquer que c<strong>et</strong>tevelléité n’ait pas eu de suites (entr<strong>et</strong>ien log Mornay). On peut effectivement imaginer que, débordées,les équipes successives n’aient pas eu pour priorité c<strong>et</strong>te activité. C’est probablement <strong>la</strong> nonconcordanceentre c<strong>et</strong>te activité <strong>et</strong> le ‘noyau’ de l’action de <strong>MSF</strong> (les secours médicaux) qui estégalement en cause. La fourniture de fourrage n’étant pas un champ habituel <strong>et</strong> légitime d’interventionde <strong>MSF</strong>, il a pu apparaître peu pertinent d’y consacrer spécifiquement des moyens.De fait, d’autres raisons sont ensuite évoquées : l’exposition du personnel <strong>MSF</strong>, que l’on auraitmis en danger en le faisant aller sur les routes chercher du chaume, puis le fait qu’on «n’est pas<strong>une</strong> agence de <strong>protection</strong> » (idem). Ce qui est en jeu ici, c’est bien que contrairement à <strong>la</strong> fournitured’eau qui est <strong>une</strong> réponse à un besoin vital, <strong>une</strong> telle activité aurait été motivée prioritairementpar l’objectif de soustraire des personnes à des violences – un état d’esprit dans lequel<strong>MSF</strong> ne se p<strong>la</strong>ce pas.100Toujours concernant les dangers aux abords des camps, on notera que ce n’est pas <strong>MSF</strong>, mais<strong>une</strong> autre organisation, qui a milité pour <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de patrouilles de l’UA visant à atténuerles risques de violences contre les femmes aux abords du camp de Niertiti (les « firewoodpatrols »). <strong>MSF</strong> ne se positionne pas davantage lorsque ces patrouilles sont interrompues quelqu<strong>et</strong>emps plus tard, l’UA ne vou<strong>la</strong>nt pas en prendre seule <strong>la</strong> responsabilité. C<strong>et</strong>te abstention noussemble là encore à m<strong>et</strong>tre en lien avec <strong>la</strong> distance de <strong>MSF</strong> d’avec les « actions de <strong>protection</strong> »homologuées comme telles 98 . <strong>MSF</strong> soigne, m<strong>et</strong> en œuvre des secours, <strong>et</strong> le fait en s’inquiétant
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