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Judith Soussan, "MSF et la protection, une question réglée?"

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Conformément au souhait des réfugiés, le HCR est déterminé à m<strong>et</strong>tre en œuvre un rapatriementle plus vite possible. Si jusque-là <strong>MSF</strong> ne s’est prononcé sur le destin souhaitable des réfugiés quesous <strong>la</strong> forme de prescriptions en faveur du r<strong>et</strong>our au Rwanda, à présent c’est dans le concr<strong>et</strong> deschoix à faire que c<strong>et</strong>te problématique va se poser. <strong>MSF</strong> construit <strong>une</strong> position critique autour de<strong>la</strong> certitude de l’incapacité d’un grand nombre de réfugiés à survivre à un rapatriement : à nouveau,c’est <strong>la</strong> légitimité née de l’action de secours, de l’évaluation médicale de l’état des personnes, quifonde <strong>la</strong> contestation des modalités du rapatriement tel qu’envisagé par le HCR.Ainsi, le 12 avril, <strong>la</strong> porte-parole <strong>MSF</strong> à Kisangani écrit : «l’ensemble de l’opération de rapatriementsera probablement un beau désastre, un semb<strong>la</strong>nt de ‘solution’ au problème des réfugiés (<strong>la</strong><strong>protection</strong> des réfugiés est bien le dernier des soucis du HCR <strong>et</strong> <strong>la</strong> dimension secours va sans douteen pâtir tant que le rapatriement se déroule) ». D’autres documents, internes ou de lobbying, précisentces inquiétudes <strong>et</strong> demandent que le rapatriement soit volontaire, intervienne seulementaprès évaluation médicale de l’état de santé <strong>et</strong> stabilisation. Après <strong>la</strong> multiplication des incidentsde sécurité entre réfugiés <strong>et</strong> popu<strong>la</strong>tion locale, <strong>MSF</strong> recommande «d’accélérer le rapatriementdes familles valides <strong>et</strong> d’assurer <strong>la</strong> <strong>protection</strong> perm<strong>et</strong>tant d’apporter <strong>une</strong> assistance dans le camp»pour les réfugiés devant d’abord être soignés.De son côté, depuis qu’elle a octroyé l’accès aux réfugiés fin mars, l’AFDL ne cesse de soufflerle chaud <strong>et</strong> le froid concernant les secours (parfois bloqués) <strong>et</strong> le rapatriement (sans cesse repoussé).Le 21 avril, celui-ci est toujours en négociation, <strong>et</strong> les ONG perdent l’accès aux camps suite àun pil<strong>la</strong>ge <strong>et</strong> à des affrontements, vraisemb<strong>la</strong>blement provoqués par les soldats AFDL.QUELLE COMMUNICATION SUR LES MASSACRES? - AVRIL 1997En parallèle, <strong>la</strong> <strong>question</strong> de <strong>la</strong> stratégie devant faire suite aux deux missions exploratoires defin mars, où <strong>la</strong> politique d’élimination est devenue évidente, est en discussion de façon trèsintense en interne.Sur le terrain à Bukavu, différentes positions sont exprimées selon <strong>la</strong> nature de l’activité dans<strong>la</strong>quelle les personnes sont engagées : l’équipe ayant effectué l’explo veut diffuser publiquement lesinformations ; l’équipe qui travaille dans des dispensaires auprès de réfugiés dans <strong>la</strong> zone estime quel’on ne peut m<strong>et</strong>tre en danger l’aide qu’on apporte à 10 000 personnes en prenant le risque d’êtreexpulsés ; <strong>une</strong> autre équipe engagée dans des actions de développement refuse de partir.La décision est prise par le siège (<strong>MSF</strong>-H) d’utiliser les informations rapportées par l’équipeexplo, mais pas publiquement : «Au-delà de <strong>la</strong> faiblesse de l’organisation, il y avait aussi l’idéequ’on ne pouvait pas utiliser le rapport Shabunda publiquement parce qu’on préférait continuer nosopérations même avec un accès limité » (entr<strong>et</strong>ien DirOp <strong>MSF</strong>-H). « Nous pensions que dans un telcas, avec des informations aussi sensibles, des opérations en cours <strong>et</strong> nos équipes sur le terrain, nousdevions gérer tout ce<strong>la</strong> sur un mode confidentiel (…) <strong>la</strong> décision de garder ce<strong>la</strong> confidentiel — c’est<strong>une</strong> demande du terrain au desk (…) le terrain était très inqui<strong>et</strong> » (entr<strong>et</strong>ien membre du HAD).Pourtant quelques jours plus tard, <strong>une</strong> membre du desk urgence arrivée sur le terrain le 14 avrilse rappelle que « l’équipe elle aussi a dit ‘nous devons le rendre public’ (…) J’étais contente <strong>et</strong> fière.Toute l’équipe pensait qu’on devait le faire » (entr<strong>et</strong>ien desk urgences <strong>MSF</strong>-H).C’est sur d’autres arguments que <strong>la</strong> DirCom de <strong>MSF</strong>-US prône <strong>une</strong> gestion prudente des informationsre<strong>la</strong>tives aux massacres : <strong>MSF</strong> «n’est pas Amnesty – nous ne sommes pas là pour transm<strong>et</strong>tre ce que les69

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