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Judith Soussan, "MSF et la protection, une question réglée?"

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par <strong>MSF</strong>-F, conformément à <strong>une</strong> décision comm<strong>une</strong>, mais donnant lieu au mécontentement du<strong>MSF</strong>-H qui est l’auteur du rapport), restrictions de <strong>MSF</strong>-H (sur <strong>la</strong> liste de diffusion aux journalistes),chacun d’eux tour à tour transgressé par <strong>MSF</strong>-France, délibérément <strong>la</strong> plupart du temps.De fait, comme on l’a déjà évoqué, <strong>MSF</strong>-F perçoit <strong>une</strong> urgence à agir : «pour moi, ce rapportdevait être rendu public le plus vite possible (…) <strong>une</strong> information comme celle-là peut circuler dansles e-mails pendant deux mois sans que ça arrête qui que ce soit dans sa journée de travail <strong>et</strong> ça, c’estun coup de poing au ventre » (Responsable juridique <strong>MSF</strong>-F). A <strong>MSF</strong>-B en revanche, l’analyse aposteriori est bien différente : «on n’était pas à 3 jours près sur ce rapport. Il a d’ailleurs servi àquoi ? à rien du tout ! (…) on a dit ce que tout le monde savait déjà. (…) c’était un fait, c’était <strong>la</strong>guerre, on était aussi utilisé au Rwanda », <strong>et</strong> quant à <strong>la</strong> stratégie d’‘advocacy confidentielle’, on a« fait confiance » à <strong>MSF</strong>-H qui est ‘back up section’ (entr<strong>et</strong>ien desk <strong>MSF</strong>-B).Finalement c’est <strong>une</strong> fuite à travers <strong>MSF</strong>-Espagne qui donne lieu à <strong>une</strong> diffusion plus précoce<strong>et</strong> beaucoup plus <strong>la</strong>rge que prévu. Les équipes de terrain sont réduites <strong>et</strong> prêtes à être r<strong>et</strong>irées.LES ÉLÉMENTS MIS EN TENSION DANS LA DISCUSSION DES RESPONSABILITÉS FACE AUX MASSACRESDans ces différences de positionnement entre sections, entre terrain <strong>et</strong> siège <strong>et</strong> entre personnessur le terrain apparaissent différents niveaux de lecture de <strong>la</strong> situation, de perception de notreresponsabilité face aux massacres, <strong>et</strong> face à <strong>la</strong> mise en danger des réfugiés par notre présence :- La discussion des conséquences des actions possibles : le lien entre prise de parole publique<strong>et</strong> condamnation à mort des opérations en cours est fait par tous les acteurs qui s’opposentà <strong>la</strong> prise de parole sur les violences <strong>et</strong> l’utilisation des secours (au cours des discussions terrainsiègeà <strong>MSF</strong>-H, puis plus tard à <strong>MSF</strong>-B) ; argument rhétorique, conviction intime, ou réalité bienpesée ? Toujours est-il que le lien est posé comme évident, automatique <strong>et</strong> non comme re<strong>la</strong>tifau contexte, <strong>et</strong> ce faisant, un dép<strong>la</strong>cement s’opère : ce n’est plus <strong>la</strong> nécessité ou <strong>la</strong> pertinence decommuniquer eu égard à <strong>la</strong> gravité des informations recueillies qui est en débat, mais bien <strong>la</strong>volonté ou non de sacrifier les opérations en m<strong>et</strong>tant en péril <strong>la</strong> sécurité des équipes; les deuxne semblent pas être mises en ba<strong>la</strong>nce. L’option d’<strong>une</strong> transmission confidentielle est donc d’embléepréférée par tous ceux qui participent à <strong>la</strong> discussion début avril, à l’exception de l’équipeayant conduit <strong>la</strong> mission exploratoire. <strong>MSF</strong>-B va plus loin en s’opposant à <strong>la</strong> transmission, mêmeconfidentielle, du rapport Shabunda.- La référence à l’identité ou au ‘mandat’ de <strong>MSF</strong>, lorsqu’elle est convoquée, commande desérier les contenus qui relèvent ou pas de notre champ de prise de parole. L’objection«on n’est pas <strong>une</strong> organisation de droits de l’homme» (DirCom <strong>MSF</strong>-US) indique par défaut l’identitémédicale de <strong>MSF</strong>, dont <strong>la</strong> légitimité à communiquer doit reposer sur des données médicalesdûment vérifiées – ce qui, on l’aura noté, est devenu <strong>la</strong> position prégnante aujourd’hui. A l’inverse,<strong>MSF</strong>-F se réfère implicitement à un mandat humanitaire ici soumis à <strong>une</strong> torsion intolérable,justifiant de réagir immédiatement : «non seulement l’humanitaire n’est pas efficace mais enplus, l’humanitaire sert à tuer » (Resp. Juridique <strong>MSF</strong>-F).- Le statut de <strong>la</strong> véracité face à celui de <strong>la</strong> conviction : comment s’effectue <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce entreexigence de validation d’<strong>une</strong> information très grave <strong>et</strong> bascule dans le sens d’<strong>une</strong> action radicale? D’un côté, l’insistance sur ce qu’est <strong>une</strong> preuve (DirCom <strong>MSF</strong>-US) ou <strong>la</strong> critique du rapportShabunda comme « très mal formulé » (DirOp <strong>MSF</strong>-B) renvoient à <strong>la</strong> double exigence de légitimité<strong>et</strong> de crédibilité, comprises comme dépendantes de <strong>la</strong> capacité à produire des chiffres, des71

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