par <strong>MSF</strong>-F, conformément à <strong>une</strong> décision comm<strong>une</strong>, mais donnant lieu au mécontentement du<strong>MSF</strong>-H qui est l’auteur du rapport), restrictions de <strong>MSF</strong>-H (sur <strong>la</strong> liste de diffusion aux journalistes),chacun d’eux tour à tour transgressé par <strong>MSF</strong>-France, délibérément <strong>la</strong> plupart du temps.De fait, comme on l’a déjà évoqué, <strong>MSF</strong>-F perçoit <strong>une</strong> urgence à agir : «pour moi, ce rapportdevait être rendu public le plus vite possible (…) <strong>une</strong> information comme celle-là peut circuler dansles e-mails pendant deux mois sans que ça arrête qui que ce soit dans sa journée de travail <strong>et</strong> ça, c’estun coup de poing au ventre » (Responsable juridique <strong>MSF</strong>-F). A <strong>MSF</strong>-B en revanche, l’analyse aposteriori est bien différente : «on n’était pas à 3 jours près sur ce rapport. Il a d’ailleurs servi àquoi ? à rien du tout ! (…) on a dit ce que tout le monde savait déjà. (…) c’était un fait, c’était <strong>la</strong>guerre, on était aussi utilisé au Rwanda », <strong>et</strong> quant à <strong>la</strong> stratégie d’‘advocacy confidentielle’, on a« fait confiance » à <strong>MSF</strong>-H qui est ‘back up section’ (entr<strong>et</strong>ien desk <strong>MSF</strong>-B).Finalement c’est <strong>une</strong> fuite à travers <strong>MSF</strong>-Espagne qui donne lieu à <strong>une</strong> diffusion plus précoce<strong>et</strong> beaucoup plus <strong>la</strong>rge que prévu. Les équipes de terrain sont réduites <strong>et</strong> prêtes à être r<strong>et</strong>irées.LES ÉLÉMENTS MIS EN TENSION DANS LA DISCUSSION DES RESPONSABILITÉS FACE AUX MASSACRESDans ces différences de positionnement entre sections, entre terrain <strong>et</strong> siège <strong>et</strong> entre personnessur le terrain apparaissent différents niveaux de lecture de <strong>la</strong> situation, de perception de notreresponsabilité face aux massacres, <strong>et</strong> face à <strong>la</strong> mise en danger des réfugiés par notre présence :- La discussion des conséquences des actions possibles : le lien entre prise de parole publique<strong>et</strong> condamnation à mort des opérations en cours est fait par tous les acteurs qui s’opposentà <strong>la</strong> prise de parole sur les violences <strong>et</strong> l’utilisation des secours (au cours des discussions terrainsiègeà <strong>MSF</strong>-H, puis plus tard à <strong>MSF</strong>-B) ; argument rhétorique, conviction intime, ou réalité bienpesée ? Toujours est-il que le lien est posé comme évident, automatique <strong>et</strong> non comme re<strong>la</strong>tifau contexte, <strong>et</strong> ce faisant, un dép<strong>la</strong>cement s’opère : ce n’est plus <strong>la</strong> nécessité ou <strong>la</strong> pertinence decommuniquer eu égard à <strong>la</strong> gravité des informations recueillies qui est en débat, mais bien <strong>la</strong>volonté ou non de sacrifier les opérations en m<strong>et</strong>tant en péril <strong>la</strong> sécurité des équipes; les deuxne semblent pas être mises en ba<strong>la</strong>nce. L’option d’<strong>une</strong> transmission confidentielle est donc d’embléepréférée par tous ceux qui participent à <strong>la</strong> discussion début avril, à l’exception de l’équipeayant conduit <strong>la</strong> mission exploratoire. <strong>MSF</strong>-B va plus loin en s’opposant à <strong>la</strong> transmission, mêmeconfidentielle, du rapport Shabunda.- La référence à l’identité ou au ‘mandat’ de <strong>MSF</strong>, lorsqu’elle est convoquée, commande desérier les contenus qui relèvent ou pas de notre champ de prise de parole. L’objection«on n’est pas <strong>une</strong> organisation de droits de l’homme» (DirCom <strong>MSF</strong>-US) indique par défaut l’identitémédicale de <strong>MSF</strong>, dont <strong>la</strong> légitimité à communiquer doit reposer sur des données médicalesdûment vérifiées – ce qui, on l’aura noté, est devenu <strong>la</strong> position prégnante aujourd’hui. A l’inverse,<strong>MSF</strong>-F se réfère implicitement à un mandat humanitaire ici soumis à <strong>une</strong> torsion intolérable,justifiant de réagir immédiatement : «non seulement l’humanitaire n’est pas efficace mais enplus, l’humanitaire sert à tuer » (Resp. Juridique <strong>MSF</strong>-F).- Le statut de <strong>la</strong> véracité face à celui de <strong>la</strong> conviction : comment s’effectue <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce entreexigence de validation d’<strong>une</strong> information très grave <strong>et</strong> bascule dans le sens d’<strong>une</strong> action radicale? D’un côté, l’insistance sur ce qu’est <strong>une</strong> preuve (DirCom <strong>MSF</strong>-US) ou <strong>la</strong> critique du rapportShabunda comme « très mal formulé » (DirOp <strong>MSF</strong>-B) renvoient à <strong>la</strong> double exigence de légitimité<strong>et</strong> de crédibilité, comprises comme dépendantes de <strong>la</strong> capacité à produire des chiffres, des71
éléments objectifs, validés. La coexistence paradoxale de <strong>la</strong> conviction que les faits décrits sontréels <strong>et</strong> des réserves sur <strong>la</strong> communication peut s’expliquer selon deux possibles axes : soit <strong>la</strong>peur d’avancer des informations qui pourraient être contestées (encore en référence à l’expériencedésagréable de <strong>la</strong> querelle des chiffres, mentionnée par <strong>la</strong> DirCom <strong>MSF</strong>-USA) ; soit l’évaluationde <strong>la</strong> situation elle-même comme ne justifiant pas d’action radicale, ou pas à tout prix(<strong>MSF</strong>-B ne veut pas m<strong>et</strong>tre en danger ses opérations à Kigali). De l’autre côté, à <strong>MSF</strong>-France,les faits décrits dans le rapport sont traités comme extrêmement graves. L’urgence à en prendreacte de façon radicale (alerter les autres sections, arrêter toutes les opérations avec l’AFDL, …)se présente comme <strong>une</strong> évidence – l’indignation que ce<strong>la</strong> n’ait pas été le cas l’indique. En conséquence,le fait qu’ils ne soient pas chiffrables, plutôt que d’inciter à <strong>la</strong> prudence, exige au contraireque l’institution engage sa responsabilité (sa crédibilité) en les portant publiquement.- La qualification de <strong>la</strong> gravité des faits décrits : <strong>la</strong> centralité de <strong>la</strong> <strong>question</strong> de <strong>la</strong> complicitédans <strong>la</strong> disparition des réfugiés pour <strong>MSF</strong>-F : à l’extrême opposé des positions de <strong>MSF</strong>-H <strong>et</strong> B,<strong>MSF</strong>-France se concentre sur le contenu de l’information, considéré pour ce qu’il est, comme faitprééminent: «c<strong>et</strong>te information était au centre du combat que toutes les sections mènent depuis deux moispour faire savoir que les réfugiés ne sont pas rentrés au Rwanda <strong>et</strong> qu’ils sont en danger dans <strong>la</strong> forêt»(Resp. juridique <strong>MSF</strong>-F). Ici, <strong>la</strong> <strong>protection</strong> des réfugiés est décrite comme <strong>la</strong> tentative de rendrevisible <strong>la</strong> persistance du danger sur <strong>une</strong> popu<strong>la</strong>tion qui est soustraite à <strong>la</strong> vue, qui s’est évaporée dans<strong>la</strong> forêt, <strong>et</strong> à <strong>la</strong> disparition de <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> communauté internationale a voulu s’accommoder enéludant <strong>la</strong> <strong>question</strong> des réfugiés manquants : au-delà de <strong>la</strong> complicité directe à <strong>une</strong> politique demassacres à travers le rôle d’appât, c’est <strong>la</strong> complicité (par l’absence de réaction) à <strong>une</strong> invisibilisation,pré-requis à <strong>la</strong> disparition physique, qui est redoutée. Les faits décrits ne sont pas mis en ba<strong>la</strong>nce avecd’autres éléments, d’où <strong>la</strong> prédisposition implicite à assumer les risques associés aux décisions opérationnelles<strong>et</strong> publiques qui en découleront.- La re<strong>la</strong>tion aux acteurs, <strong>la</strong> topique de <strong>la</strong> démission de <strong>la</strong> communauté internationale: <strong>la</strong> nécessitéperçue par <strong>MSF</strong>-F de ‘ne pas être complice’ semble également renvoyer à l’« intolérable» queserait, depuis <strong>la</strong> Bosnie <strong>et</strong> le Rwanda, <strong>la</strong> démission des Etats occidentaux face à des politiques criminelles69 . En ce sens, le «combat» sus-mentionné qui consiste à contester <strong>la</strong> version auto-satisfaite del’histoire telle que racontée par <strong>la</strong> communauté internationale, de même que les dénonciations de«l’indifférence» de celle-ci (cf supra), sont autant d’efforts en vue d’empêcher que se perpétue c<strong>et</strong>tedémission – d’où l’importance capitale accordée aux informations récoltées <strong>et</strong> à leur diffusionpublique dans le but de bousculer ces Etats. En revanche, à <strong>MSF</strong>-H, <strong>la</strong> position de <strong>la</strong> communautéinternationale apparaît moins radicalement sous le prisme de <strong>la</strong> démission – <strong>et</strong> ce probablement enlien avec les préoccupations re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> sécurité <strong>et</strong> à l’opérationnalité. L’on observe ainsi, dans lep<strong>la</strong>n d’advocacy confidentielle, un souci de sensibiliser <strong>et</strong> influencer des acteurs pris un par un,plutôt que de les dénoncer collectivement pour leur inaction.- Le lien possible avec <strong>la</strong> structuration hiérarchique des différentes sections : dans c<strong>et</strong> épisode,à <strong>MSF</strong>-H, « les décisions ont vraiment été prises par le terrain » (Coordo explo Shabunda), c’està-direceux qui sur le terrain prônaient <strong>une</strong> communication silencieuse, <strong>et</strong> ont représenté <strong>la</strong>majorité. A <strong>MSF</strong>-France en revanche, c’est au niveau du siège que les décisions priment (en lienéventuel avec le fait que <strong>MSF</strong>-F est peu opérationnelle en comparaison des autres ?).7269. Démission, précisément, en réaction à <strong>la</strong>quelle sera construite <strong>la</strong> notion de « responsabilité de protéger » à <strong>la</strong> fin des années1990. Sur l’idée de l’‘intolérable de <strong>la</strong> démission’, on se réfère à <strong>une</strong> analyse avancée par Michel Feher sur les évolutionsdes po<strong>la</strong>rités discursives dans lesquelles s’inscrit l’humanitaire. Sur <strong>la</strong> notion d’intolérable, on s’appuie sur l’importantouvrage de D. Fassin <strong>et</strong> P. Bourde<strong>la</strong>is (dir), Les constructions de l’intolérable, La Découverte, 2005, 228 p.
- Page 1 and 2:
LES CAHIERS DU CRASHMSF ET LA PROTE
- Page 3 and 4:
DANS LA COLLECTIONDES CAHIERS DU CR
- Page 5 and 6:
RemerciementsJe tiens à remercier
- Page 7 and 8:
ANNEXESANNEXE 1: 53Etude de cas - T
- Page 9 and 10:
Variété des registres d’abord :
- Page 11 and 12:
négatives, indiquant l’ambivalen
- Page 14 and 15:
I - L’ÈRE DU TÉMOIN - SENTINELL
- Page 16 and 17:
Il n’est pourtant pas certain que
- Page 18:
Dureté des faits du côté des ré
- Page 21 and 22: Pendant cette période, MSF prend d
- Page 23 and 24: esponsabilités » (CA octobre 1992
- Page 25 and 26: la protection des populations civil
- Page 27 and 28: Ces deux événements uniques, cibl
- Page 29 and 30: témoignage, d’un côté l’assi
- Page 31 and 32: 30valeur encore accordée à la pr
- Page 33 and 34: Conséquence de cette volonté de r
- Page 35 and 36: impose un démarquage mais n’a pa
- Page 37 and 38: (RM 1999-2000). Un questionnement r
- Page 39 and 40: Par suite, chez la majorité de ceu
- Page 41 and 42: les plus instables en leur sein, ce
- Page 43 and 44: des hommes en armes pénétrèrent
- Page 45 and 46: De façon similaire, l’idée qu
- Page 47 and 48: personnes ne pouvant rentrer chez e
- Page 49 and 50: et visée «de protection». La mis
- Page 51 and 52: Fruit d’arbitrages complexes, d
- Page 53 and 54: cet espace qui devient parfois celu
- Page 55 and 56: PROLOGUE - 1996, AVANT L’AVANCEE
- Page 57 and 58: PROLOGUE - 1996, AVANT L’AVANCÉE
- Page 59 and 60: les violences sont évoquées en fi
- Page 61 and 62: - Alors que la pression des ONG (et
- Page 63 and 64: autres occasions : d’une part, l
- Page 65 and 66: ou produites): la moindre évidence
- Page 67 and 68: il a failli) : «face à ce bilan p
- Page 69 and 70: détourné : « Deux jours plus tar
- Page 71: éfugiés ont à dire» «MSF n’a
- Page 75 and 76: La tension entre présence et parol
- Page 77 and 78: l’apogée des tensions inter-sect
- Page 79 and 80: et les limites du processus de rapa
- Page 81 and 82: EPILOGUEDE LA CONSOLIDATION DES INF
- Page 84 and 85: ANNEXE N ° 2 / ÉTUDEDECASINTERVEN
- Page 86 and 87: Comme dans le document sur la « Tr
- Page 88 and 89: d’assistance dans les villages pr
- Page 90 and 91: MORNAY, AU CŒUR DES VIOLENCES, UNE
- Page 92 and 93: Cet appel à prendre ses responsabi
- Page 94 and 95: C’est ensuite autour du poids res
- Page 96 and 97: déplacés fuient les «attaques de
- Page 98 and 99: importants. Selon leur conception d
- Page 100 and 101: embarrassante (celle par les tenant
- Page 102 and 103: de leur impact sur la population ;
- Page 104 and 105: (p.57-60). La question a donc été
- Page 106 and 107: situation. Nous prolongerons les re
- Page 108 and 109: LE DÉBAT AUTOUR DES VICTIMES PRIOR
- Page 110 and 111: ANNEXE N ° 3 / ÉTUDEDECASPRISE EN
- Page 112 and 113: La présente étude de cas porte su
- Page 114 and 115: Promesses non tenues - un semblant
- Page 116 and 117: logistique. Le projet Kayna, dont l
- Page 118 and 119: part, en dehors de ces moments sail
- Page 120 and 121: 2 - ACTES, PRATIQUES, AUTOUR DE / F
- Page 122 and 123:
violer / être exclue par mon mari
- Page 124 and 125:
Concrètement, nous parlons ici de
- Page 126 and 127:
collective », de sensibiliser diff
- Page 128 and 129:
à des appels : le 12 mai, Oxfam ap
- Page 130 and 131:
éclairer la suite. Il nous semble
- Page 132 and 133:
A chaque fois, ils voient mal quell
- Page 134 and 135:
le coordinateur Nord Kivu disait é
- Page 136 and 137:
ANNEXE N ° 4OCCURRENCES DE MOTS-CL
- Page 138 and 139:
le problème réel n’est pas celu
- Page 140 and 141:
CA 2 mars 2001 :Guinée-Sierra Leon
- Page 142 and 143:
faut dénoncer les atteintes au dro
- Page 144 and 145:
coller le plus possible au médical
- Page 146 and 147:
OCCURRENCES DU MOT «CIVILS / POPUL
- Page 148 and 149:
RM 2000-2001 :« L’intervention m