Sur le terrain, des opérations sont montées dans les différents lieux où le rapatriement a lieu :il n’y a pas là matière à désaccord, il faut bien porter assistance aux réfugiés ma<strong>la</strong>des, exténués,là où ils sont, dans <strong>la</strong> zone au sud de Kisangani (camp de transit de Lu<strong>la</strong>, près de Biaro – tauxde mortalité de 70/10 000/jour… quand on sait que le seuil d’urgence est communément établià 1/10 000/jour), dans les sites autour de Mbandaka, pour certains très difficiles d’accès ; puisau Rwanda même où les activités de <strong>MSF</strong>-B sont renforcées.C’est sur les positionnements que se creusent les différences :- <strong>MSF</strong>-France estime que le rapatriement n’est pas <strong>une</strong> solution, le Rwanda étant directementimpliqué dans <strong>la</strong> politique d’élimination des réfugiés (cf <strong>la</strong> prise de position contre le rapatriementlors du CA du 25 avril sus-mentionné) : il faut donc dire «haut <strong>et</strong> fort qu’il ne faut pas que lesréfugiés rentrent au Rwanda » (Resp. juridique <strong>MSF</strong>-F) <strong>et</strong> avoir <strong>une</strong> réflexion de fond en vue d<strong>et</strong>rouver <strong>une</strong> solution. Selon c<strong>et</strong>te responsable, <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration de Mme Ogata du 28 avril indiquel’abandon par le HCR de ses principes fondateurs : dans ce virage «d’<strong>une</strong> gravité exceptionnelle »,le HCR a institutionnalisé, à travers «<strong>une</strong> nouvelle doctrine », le fait de pouvoir sacrifier les prérequisdu volontariat <strong>et</strong> de <strong>la</strong> sécurité à <strong>la</strong> nécessité du rapatriement (message Resp. juridique,6 mai 1997). <strong>MSF</strong>-F prend position publiquement : le 3 mai, elle dénonce «l’opération médiatique» des rebelles zaïrois qui organisent «le rapatriement forcé » des réfugiés de Biaro pour« convaincre <strong>la</strong> communauté internationale que le problème est en train de se résoudre » (cité parl’AFP) ; puis elle « demande que les rapatriements soient immédiatement stoppés » (CP <strong>MSF</strong>-F du7 mai).- <strong>MSF</strong>-Belgique (qui est devenue entre-temps « back up section » en remp<strong>la</strong>cement de<strong>MSF</strong>-H) demande d’emblée aux autres sections de ne pas suivre <strong>MSF</strong>-France. Sa position estque « <strong>MSF</strong> n’est pas contre le rapatriement, puisque c’est le seul moyen restant qui perm<strong>et</strong>te de sortirces gens du piège de Kisangani <strong>et</strong> de Biaro <strong>et</strong> de les sauver » ; elle s’appuie sur le fait que des réfugiésont eux-mêmes exprimé le souhait, quitte à mourir, de le faire au Rwanda. Elle a publiéquelques jours plus tôt (le 5 mai, à <strong>la</strong> suite de <strong>la</strong> mort des 91 réfugiés) un communiqué décrivant<strong>la</strong> situation désespérée à Biaro <strong>et</strong> demandant à l’AFDL de créer des conditions acceptablespour le rapatriement. Par ailleurs <strong>MSF</strong>-B au Rwanda est « partenaire des autorités pour le tri médicaldans les camps où transitent tous les réfugiés ». L’idée est d’essayer de « trouver un équilibre entreles observations critiques, <strong>la</strong> communication des informations humanitaires <strong>et</strong> l’advocacy afin d’essayerd’améliorer les conditions de déroulement du rapatriement » (point communication <strong>MSF</strong>-B,7 mai).Le 11 mai, cependant, les positions de <strong>MSF</strong>-F <strong>et</strong> <strong>MSF</strong>-B convergent autour du refus de l’ultimatumdonné par l’AFDL aux ONG pour évacuer Biaro <strong>et</strong> de <strong>la</strong> demande d’un «accès sans entraves» (CP <strong>MSF</strong>-F, <strong>MSF</strong>-B, <strong>MSF</strong>-USA). Le 26, dans un CP commun, <strong>MSF</strong>-F <strong>et</strong> B demandent desmoyens pour réinstaller des réfugiés se trouvant dans les zones marécageuses, très difficiles àassister, vers d’autres camps plus faciles d’accès. Mais dès le 28, à nouveau, les divergences réapparaissent: <strong>MSF</strong>-F, par <strong>la</strong> voix de son ex-président, fustige le HCR qui, « au lieu de faire valoirle droit d’asile <strong>et</strong> les garanties de <strong>protection</strong> des réfugiés au Rwanda même, s’empresse sous <strong>la</strong> pressioninternationale d’organiser ce rapatriement », renvoyant les réfugiés vers leurs «oppresseurs »qui « cassent du réfugié par milliers »(Le Monde du 28 mai). L’équipe <strong>MSF</strong>-B de Kinshasa estoutrée par ces déc<strong>la</strong>rations <strong>et</strong> prédit <strong>une</strong> détérioration immédiate de sa sécurité.Pourtant, sur le terrain (Kisangani, Mbandaka près du Congo-Brazzaville, couvrant respectivement5000 <strong>et</strong> 2000 réfugiés), il semble que les équipes constatent elles-mêmes les eff<strong>et</strong>s néfastes77
<strong>et</strong> les limites du processus de rapatriement tel que mis en œuvre par le HCR <strong>et</strong> l’AFDL: elles fontface au zèle des officers du HCR se présentant dans les structures <strong>MSF</strong> à <strong>la</strong> recherche de patientsà évacuer : « ce HCR mouche du coche a passablement agacé les médicaux <strong>MSF</strong> <strong>et</strong> exigeait <strong>une</strong> résistancequotidienne». Des patients disparaissent effectivement, probablement emmenés par le HCR.Plus généralement, les « bases de ce transport (le terme est plus approprié [que celui de rapatriement,nd<strong>la</strong>]) restent malsaines » : menace directe ou indirecte sur les réfugiés, absence d’autrealternative proposée par le HCR (les réfugiés acceptant donc par résignation, fatigués de <strong>la</strong> traque<strong>et</strong> des attaques à répétition), transport des réfugiés vers <strong>une</strong> autre source de danger (ils demandent,inqui<strong>et</strong>s, au personnel <strong>MSF</strong> si les humanitaires sont présents dans les comm<strong>une</strong>s au Rwandaoù il y aurait « 300 à 400 arrestations par jour » selon le CICR)(rapport information officer,31 mai 1997).Le desk <strong>MSF</strong>-B continue cependant de penser que plutôt que de critiquer le HCR, <strong>MSF</strong> devraitse positionner avec lui comme «partenaires dans <strong>la</strong> crise des réfugiés », car tous sont dans lemême embarras face à c<strong>et</strong>te situation (document desk <strong>MSF</strong>-B, 5 juin 1997).ELÉMENTS D’UN CONTENU, OU COMMENT PROTÉGERBeaucoup d’éléments dans c<strong>et</strong>te discorde concernant le rapatriement renvoient à deslogiques déjà décrites précédemment, qu’il s’agisse des modalités de <strong>la</strong> prise de parole ou descritères d’arbitrage entre action médicale <strong>et</strong> action de lobbying. Dans tous les cas, ils révèlentun contenu différent autour d’<strong>une</strong> même préoccupation, sauver le plus de gens possibles.Face à <strong>une</strong> même situation <strong>et</strong> avec <strong>une</strong> préoccupation identique, comment expliquer des désaccordssi aigus entre les deux sections ?Nous prolongerons ici les remarques faites plus haut sur les variations autour du souci d’<strong>une</strong>action qui protège, en tentant de remonter aux motifs <strong>et</strong> manières d’agir. Nous ne cessons de leconstater en dérou<strong>la</strong>nt c<strong>et</strong>te histoire : les divergences entre <strong>MSF</strong>-F <strong>et</strong> <strong>MSF</strong>-B renvoient àl’opposition entre, d’<strong>une</strong> part, radicalité dénonciatrice, <strong>et</strong> de l’autre, pragmatisme-prudence(<strong>une</strong> tension dont on peut penser qu’elle court tout au long de l’histoire de <strong>MSF</strong>, divisant maisaussi traversant de façon mouvante les individus <strong>et</strong> les institutions). C<strong>et</strong>te opposition recouvreà <strong>la</strong> fois <strong>une</strong> analyse divergente <strong>et</strong> des façons de faire différentes, les deux étant probablementliées dans <strong>une</strong> causalité circu<strong>la</strong>ire : les pratiques mode<strong>la</strong>nt le regard, <strong>et</strong> vice versa. Ici, au termede plusieurs mois de cristallisation des positions, ces différences ressortent de façon particulièrementsail<strong>la</strong>nte :78- du côté de <strong>MSF</strong>-France, on observe <strong>une</strong> qualification globale de <strong>la</strong> situation comme politiqued’élimination, dont on a identifié les responsables. La conséquence en est <strong>la</strong> perception d’unimpératif de ‘faire quelque chose contre’ : dénoncer les responsables «pour tenter de m<strong>et</strong>tre fin àl’abattage » (RM du président, mai 1997), se démarquer des politiques qu’ils m<strong>et</strong>tent en œuvreou qui les servent (à ce moment, les rapatriements). La parole dénonciatrice est donc espéréecomme parole agissante en vue de <strong>la</strong> « défense des popu<strong>la</strong>tions en danger », jusqu’à en être parfois<strong>la</strong> seule expression : « à plusieurs reprises, <strong>la</strong> dénonciation ou <strong>la</strong> prise de position a été le dernierrempart contre <strong>la</strong> perte de sens <strong>et</strong> peut-être <strong>la</strong> dernière façon d’être utile à quelque chose » (ibidem).Le recours à <strong>la</strong> parole est donc impérieux pour deux séries de raisons : externes (tenter d’influersur <strong>la</strong> situation), <strong>et</strong> internes (tenter de préserver le sens de l’action). On remarquera cependantque l’on n’aboutit pas à <strong>une</strong> décision radicale de r<strong>et</strong>rait du pays ; <strong>la</strong> position décrite ne semble
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LES CAHIERS DU CRASHMSF ET LA PROTE
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