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Judith Soussan, "MSF et la protection, une question réglée?"

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<strong>et</strong> les limites du processus de rapatriement tel que mis en œuvre par le HCR <strong>et</strong> l’AFDL: elles fontface au zèle des officers du HCR se présentant dans les structures <strong>MSF</strong> à <strong>la</strong> recherche de patientsà évacuer : « ce HCR mouche du coche a passablement agacé les médicaux <strong>MSF</strong> <strong>et</strong> exigeait <strong>une</strong> résistancequotidienne». Des patients disparaissent effectivement, probablement emmenés par le HCR.Plus généralement, les « bases de ce transport (le terme est plus approprié [que celui de rapatriement,nd<strong>la</strong>]) restent malsaines » : menace directe ou indirecte sur les réfugiés, absence d’autrealternative proposée par le HCR (les réfugiés acceptant donc par résignation, fatigués de <strong>la</strong> traque<strong>et</strong> des attaques à répétition), transport des réfugiés vers <strong>une</strong> autre source de danger (ils demandent,inqui<strong>et</strong>s, au personnel <strong>MSF</strong> si les humanitaires sont présents dans les comm<strong>une</strong>s au Rwandaoù il y aurait « 300 à 400 arrestations par jour » selon le CICR)(rapport information officer,31 mai 1997).Le desk <strong>MSF</strong>-B continue cependant de penser que plutôt que de critiquer le HCR, <strong>MSF</strong> devraitse positionner avec lui comme «partenaires dans <strong>la</strong> crise des réfugiés », car tous sont dans lemême embarras face à c<strong>et</strong>te situation (document desk <strong>MSF</strong>-B, 5 juin 1997).ELÉMENTS D’UN CONTENU, OU COMMENT PROTÉGERBeaucoup d’éléments dans c<strong>et</strong>te discorde concernant le rapatriement renvoient à deslogiques déjà décrites précédemment, qu’il s’agisse des modalités de <strong>la</strong> prise de parole ou descritères d’arbitrage entre action médicale <strong>et</strong> action de lobbying. Dans tous les cas, ils révèlentun contenu différent autour d’<strong>une</strong> même préoccupation, sauver le plus de gens possibles.Face à <strong>une</strong> même situation <strong>et</strong> avec <strong>une</strong> préoccupation identique, comment expliquer des désaccordssi aigus entre les deux sections ?Nous prolongerons ici les remarques faites plus haut sur les variations autour du souci d’<strong>une</strong>action qui protège, en tentant de remonter aux motifs <strong>et</strong> manières d’agir. Nous ne cessons de leconstater en dérou<strong>la</strong>nt c<strong>et</strong>te histoire : les divergences entre <strong>MSF</strong>-F <strong>et</strong> <strong>MSF</strong>-B renvoient àl’opposition entre, d’<strong>une</strong> part, radicalité dénonciatrice, <strong>et</strong> de l’autre, pragmatisme-prudence(<strong>une</strong> tension dont on peut penser qu’elle court tout au long de l’histoire de <strong>MSF</strong>, divisant maisaussi traversant de façon mouvante les individus <strong>et</strong> les institutions). C<strong>et</strong>te opposition recouvreà <strong>la</strong> fois <strong>une</strong> analyse divergente <strong>et</strong> des façons de faire différentes, les deux étant probablementliées dans <strong>une</strong> causalité circu<strong>la</strong>ire : les pratiques mode<strong>la</strong>nt le regard, <strong>et</strong> vice versa. Ici, au termede plusieurs mois de cristallisation des positions, ces différences ressortent de façon particulièrementsail<strong>la</strong>nte :78- du côté de <strong>MSF</strong>-France, on observe <strong>une</strong> qualification globale de <strong>la</strong> situation comme politiqued’élimination, dont on a identifié les responsables. La conséquence en est <strong>la</strong> perception d’unimpératif de ‘faire quelque chose contre’ : dénoncer les responsables «pour tenter de m<strong>et</strong>tre fin àl’abattage » (RM du président, mai 1997), se démarquer des politiques qu’ils m<strong>et</strong>tent en œuvreou qui les servent (à ce moment, les rapatriements). La parole dénonciatrice est donc espéréecomme parole agissante en vue de <strong>la</strong> « défense des popu<strong>la</strong>tions en danger », jusqu’à en être parfois<strong>la</strong> seule expression : « à plusieurs reprises, <strong>la</strong> dénonciation ou <strong>la</strong> prise de position a été le dernierrempart contre <strong>la</strong> perte de sens <strong>et</strong> peut-être <strong>la</strong> dernière façon d’être utile à quelque chose » (ibidem).Le recours à <strong>la</strong> parole est donc impérieux pour deux séries de raisons : externes (tenter d’influersur <strong>la</strong> situation), <strong>et</strong> internes (tenter de préserver le sens de l’action). On remarquera cependantque l’on n’aboutit pas à <strong>une</strong> décision radicale de r<strong>et</strong>rait du pays ; <strong>la</strong> position décrite ne semble

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