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Judith Soussan, "MSF et la protection, une question réglée?"

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personnes ne pouvant rentrer chez elles sans encourir un risque (par exemple pour le soutienà des solutions d’éloignement identifiées par <strong>la</strong> victime mais nécessitant un coup de pouce, <strong>et</strong>c.),<strong>et</strong> le recueil de données inclut désormais des <strong>question</strong>s qui concernent explicitement l’existencede menaces persistantes sur le patient (« <strong>la</strong> personne a-t-elle un endroit sûr où r<strong>et</strong>ourner ?»). Cefaisant, le siège signifie que le renvoi d’un patient vers <strong>une</strong> source de danger fait partie de sespréoccupations. On peut voir dans c<strong>et</strong>te évolution <strong>une</strong> conséquence de l’individualisation dusoin, qui porte avec elle l’extension des responsabilités autour du patient. Elle amène <strong>MSF</strong> àapprocher des problématiques sociales, de <strong>protection</strong>, où l’on remonte en quelque sorte d’uncran dans <strong>la</strong> chaîne de causalité, puisqu’à côté de <strong>la</strong> prise en charge des conséquences de violences,on tente d’en empêcher <strong>la</strong> répétition sur un individu 56 .Des initiatives visant à soustraire un groupe entier de personnes à des violences craintes ontégalement eu lieu dans l’histoire de <strong>MSF</strong>. On se souvient que l’équipe de Srebrenica évacua avecelle des patients de l’hôpital au moment de <strong>la</strong> chute de l’enc<strong>la</strong>ve ; l’équipe de <strong>MSF</strong>-H dans le Kivufit de même avec des enfants de son centre de nutrition au début de <strong>la</strong> crise dans l’est du Zaïrefin 1996. Quelques mois plus tôt, courant 1996, <strong>une</strong> action simi<strong>la</strong>ire avait eu lieu de <strong>la</strong> partd’<strong>une</strong> équipe <strong>MSF</strong>-H dans <strong>la</strong> même région. C<strong>et</strong>te fois, il ne s’agissait pas de patients mais decivils tutsis assistés dans un vil<strong>la</strong>ge ; le massacre d’<strong>une</strong> partie d’entre eux <strong>et</strong> l’absence de réactiondu HCR alerté par l’équipe décidèrent celle-ci à procéder elle-même à l’évacuation d’<strong>une</strong>partie des survivants dans des camions, avec l’accord du siège.Dans les années récentes, un seul exemple d’évacuation de personnes menacées a eu lieu à notreconnaissance, celui de réfugiés nord-coréens ma<strong>la</strong>des ou «dont nous pouvions penser raisonnablementqu’[ils] étaient en danger de mort», que <strong>MSF</strong> a aidés à «franchir les frontières illégalement (…) à arriveren Corée du sud <strong>et</strong> pouvoir enfin être à l’abri» (RM 2002-2003). «Inhabituelles», délicates (certainesopérations échouèrent <strong>et</strong> les personnes furent interceptées), ces décisions ont été décrites a posterioricomme le produit de <strong>la</strong> confrontation avec des situations concrètes, où intervient <strong>une</strong> sollicitation 57 .Il faut également noter qu’elles visaient ici encore des personnes auxquelles le proj<strong>et</strong> était destiné (desréfugiés) donc auxquelles nous nous sentions liés du fait de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion d’assistance; en outre, cesinitiatives furent probablement favorisées par le caractère atypique du proj<strong>et</strong>, qui inscrivait d’emblée<strong>MSF</strong> hors du cadre de référence ‘c<strong>la</strong>ssique’. De telles actions d’évacuation collective de personnesfurent <strong>et</strong> demeurent exceptionnelles.Le lien de responsabilité entre <strong>MSF</strong> <strong>et</strong> des civils en général (ni des patients, ni des personnesassistées) est certainement plus ténu. Il n’exclut néanmoins pas que face à <strong>une</strong> situation aiguë,des actes visant de façon volontariste à soustraire des personnes à des violences aient lieu. Parailleurs, confrontées à des personnes s’étant réfugiées d’elles-mêmes dans leur clinique du faitde violences sévissant alentour, il est plus probable encore que les équipes <strong>MSF</strong> opteraient spontanémentpour <strong>la</strong> décision de les y garder – ce fut le cas à Rutshuru en 2005 alors que des combatsimportants avaient lieu (<strong>et</strong> que l’équipe expatriée avait d’abord évacué) ou à Bentiu alors qu’<strong>une</strong>milice ratissait <strong>la</strong> ville en quête de personnes à recruter de force. Dans ce dernier cas, c<strong>et</strong>te miseà l’abri ‘passive’ devint l’obj<strong>et</strong> d’<strong>une</strong> négociation tendue avec le chef de milice exigeant que les56. Il est intéressant de noter qu’à l’heure où beaucoup de proj<strong>et</strong>s «violence sociale <strong>et</strong> exclusion » ont été fermés, <strong>la</strong> prise encharge ‘de qualité’ des victimes de violence ramène de fait <strong>MSF</strong> vers les problématiques que posaient ces programmes –complexité <strong>et</strong> entremêlement des dynamiques à l’œuvre, caractère chronique des problématiques (pauvr<strong>et</strong>é, fragmentationdes liens sociaux <strong>et</strong> familiaux, multiplicité des formes de violences, impunité, <strong>et</strong>c.) – m<strong>et</strong>tant à l’épreuve sa capacitéà penser des modes opératoires différents.4657. « Nous n’avons pas choisi de prendre l’initiative de ces opérations (…) mais nous avons choisi de ne pas dire non quand des individus,des familles ou des groupes ont fait appel à nous pour les aider » (Rapport moral 2002-03).

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