son interruption est <strong>la</strong> porte ouverte à tous les abus. En pointillé, on voit ici <strong>une</strong> évidence d’êtreauprès des popu<strong>la</strong>tions les plus vulnérables, les plus menacées, pour atténuer c<strong>et</strong>te vulnérabilité,ces violences.- La perte de l’accès (comme moyen de savoir ce qui se passe <strong>et</strong> comme dernier rempart contrele déchaînement de violence) associée à ce que l’on sait déjà des risques de massacres, aboutit à<strong>la</strong> conviction de l’imminence de massacres : tout se passe comme si <strong>MSF</strong> était témoin à l’avancedes exactions à venir. C<strong>et</strong>te imminence crée, comme observé précédemment, le caractère impérieuxdu faire ou dire quelque chose pour en empêcher l’advenue. Il y a bien là l’idée qu’il est ‘de <strong>la</strong>responsabilité de <strong>MSF</strong>’ d’essayer de contribuer à empêcher, prévenir des violences prévisibles.- En l’occurrence, ici, le faire étant impossible (s’il y avait un accès, on s’engouffrerait sans doute),c’est le dire, <strong>la</strong> prise de parole, qui répond à <strong>la</strong> situation intenable de «rester les bras croisés ».- C<strong>et</strong>te prise de parole renvoie à <strong>une</strong> double responsabilité de <strong>la</strong> communauté internationale,celle de «protéger les popu<strong>la</strong>tions en danger <strong>et</strong> garantir le déploiement des secours» : il ne s’agitpas seulement de perm<strong>et</strong>tre l’accès aux ONG (à qui revient <strong>la</strong> responsabilité des secours). Ils’agit de m<strong>et</strong>tre en œuvre « <strong>une</strong> action de <strong>protection</strong> efficace ». En ce sens, c<strong>et</strong> appel diffère de <strong>la</strong>première prise de parole (CP du 31 octobre) où <strong>la</strong> création de zones protégées n’était demandéequ’au regard du déploiement des secours.- Le lien entre réalisme <strong>et</strong> exigences face à <strong>la</strong> communauté internationale est ambigu : sil’expérience négative du passé proche – l’inaction des Etats occidentaux lors du génocide de1994 – est fortement présente à l’esprit de tous, c<strong>et</strong>te ombre portée sur le présent ne semblecependant pas avoir pour eff<strong>et</strong> de <strong>question</strong>ner radicalement <strong>la</strong> pertinence de l’appel à <strong>une</strong> intervention.Ainsi, c<strong>et</strong> appel, bien que problématique (<strong>et</strong> débattu comme tel), s’impose finalementcomme le seul recours. La faible probabilité que <strong>la</strong> communauté internationale m<strong>et</strong>te effectivementen p<strong>la</strong>ce <strong>une</strong> action, <strong>et</strong> surtout que celle-ci soit conforme aux attentes précises de <strong>MSF</strong>,loin d’affaiblir <strong>la</strong> demande d’«action de <strong>protection</strong>», ne fait que <strong>la</strong> renforcer : dans les CP, <strong>la</strong> référenceà 1994 <strong>et</strong> plus précisément à l’opération Turquoise comme «action humanitaire r<strong>et</strong>ardée sedéroul[ant] en lieu <strong>et</strong> p<strong>la</strong>ce d’<strong>une</strong> action de <strong>protection</strong> efficace », vise à raviver le spectre de l’inactioncoupable (l’humanitaire «alibi »), <strong>et</strong> à demander <strong>une</strong> action conforme aux exigences de <strong>la</strong>situation (protéger).- Au-delà de <strong>la</strong> demande d’<strong>une</strong> action immédiate, <strong>MSF</strong> se positionne également sur des solutionsglobales, durables : le CP de <strong>MSF</strong>-H « alerte » sur <strong>la</strong> nécessité d’<strong>une</strong> re<strong>la</strong>nce du processusde rapatriement avec des garanties de sécurité, ainsi que sur le problème du mé<strong>la</strong>nge entreInterahamwe <strong>et</strong> ‘vrais’ réfugiés. La <strong>question</strong> de <strong>la</strong> « normalisation par le r<strong>et</strong>our organisé au Rwanda »est discutée dans ses aspects judiciaires, sécuritaires, <strong>et</strong>c. Ainsi, <strong>la</strong> réflexion <strong>et</strong> le positionnementsur les aspects politiques du règlement d’<strong>une</strong> situation semblent entrer dans le champ légitimede responsabilité que se donne <strong>MSF</strong> ; ils sont en discussion de façon extensive en interne, danschac<strong>une</strong> des sections.- L’articu<strong>la</strong>tion entre <strong>la</strong> lecture de <strong>la</strong> situation <strong>et</strong> le souci de <strong>protection</strong> est centrale : dansl’obsession de l’accès comme dans <strong>la</strong> «guerre de l’information » menée sur <strong>la</strong> <strong>question</strong> des réfugiésmanquants, apparaît l’enjeu prépondérant de voir <strong>et</strong> de savoir : accès à l’information, qualificationdes situations, sont au fondement même de <strong>la</strong> responsabilité envers les popu<strong>la</strong>tions, àl’opposé de l’empressement des autres acteurs à déc<strong>la</strong>rer le suj<strong>et</strong> clos <strong>une</strong> fois pour toutes.- On remarquera que l’on voit également à l’œuvre, dans le document <strong>MSF</strong>-H en faveur d’<strong>une</strong>intervention, des arguments rhétoriques qui sont couramment utilisés dans de nombreuses61
autres occasions : d’<strong>une</strong> part, l’invalidation des objections liées à l’incertitude sur les résultats<strong>et</strong> aux eff<strong>et</strong>s pervers (les « futility » <strong>et</strong> « perversity » du discours réactionnaire selon A.O.Hirschmann 67 ) ; d’autre part, <strong>la</strong> position du problème en termes radicaux où l’on doit choisirentre <strong>la</strong> figure de l’honnête homme <strong>et</strong> celle du ‘sa<strong>la</strong>ud’.A travers ces différents niveaux de discours (interne <strong>et</strong> public), sont déjà présents <strong>la</strong> plupart destermes des dilemmes successifs qui vont se poser à <strong>MSF</strong> par <strong>la</strong> suite.2 - ENTRE SECOURS ET APPAT : FIN NOVEMBRE 1996 - MARS 1997La période qui s’ouvre après c<strong>et</strong>te esca<strong>la</strong>de (<strong>et</strong> sa r<strong>et</strong>ombée) autour d’<strong>une</strong> intervention estcaractérisée par <strong>une</strong> tension permanente entre d’<strong>une</strong> part, <strong>la</strong> délivrance de secours aux réfugiésen fuite que <strong>MSF</strong> tente désespérément de localiser puis de sauver, <strong>et</strong> d’autre part l’ambiguïté deces secours dont on perçoit en pointillés, par intermittence, l’utilisation qui en est faite par lesrebelles de l’AFDL, le tout dans un contexte d’urgence sanitaire aiguë, d’accès partiel, réversible,temporaire, de difficultés logistiques immenses, d’extrême confusion sur les informations, <strong>et</strong>d’absence criante de <strong>la</strong> communauté internationale.PREMIERS DOUTES SUR LES EFFETS PERVERS, PREMIÈRES OPÉRATIONS D’ENVERGURENOVEMBRE - DÉCEMBRE 1996La première autorisation à explorer les environs de Bukavu (dans un rayon de 30 km) a lieule 23 novembre. <strong>MSF</strong> se précipite <strong>et</strong> tente d’emblée d’aller le plus loin possible ; elle dépasse <strong>la</strong>limite des 30 km <strong>et</strong> par suite, les ONG se voient attribuer des «facilitateurs » AFDL. Par ailleurs,l’équipe est informée sur un massacre par l’AFDL d’environ 500 réfugiés/dép<strong>la</strong>cés, ayant eu lieule 17 novembre. Après avoir alerté, sans résultat, le HCR <strong>et</strong> le CICR, le coordinateur <strong>MSF</strong> serend lui-même sur les lieux. Il discute avec les rescapés, blessés : des réfugiés qui n’avaient pasfui, espérant se rendre <strong>et</strong> rentrer au Rwanda. Ils lui racontent comment les soldats de l’AFDL,après avoir fait mine de les enregistrer, « leur ont <strong>la</strong>ncé des grenades dessus <strong>et</strong> les ont mitraillés ».Le coordinateur rédige un rapport, qu’il envoie à Amsterdam. Il est décidé de le transm<strong>et</strong>tre àAmnesty International afin d’éviter que le nom de <strong>MSF</strong> soit cité, «en raison des difficultés d’accèsà <strong>la</strong> zone ». Par ailleurs, l’équipe est de plus en plus inquiète du rôle que jouent les « facilitateurs»: «Dès le début on a commencé à soupçonner que ces informateurs al<strong>la</strong>ient informer de tout(…) On al<strong>la</strong>it dans des endroits où on avait entendu dire qu’il y avait des réfugiés. Le premier jour,on voyait des réfugiés <strong>et</strong> le deuxième il y avait des problèmes de sécurité, <strong>et</strong> on ne pouvait plus y aller.Ça nous est arrivé 3 ou 4 fois » (entr<strong>et</strong>ien coordinateur <strong>MSF</strong>-H Bukavu). La coordination de Kigaliest mise au courant.6267. Voir A.O. Hirschmann, Deux siècles de rhétorique réactionnaire, Paris, Fayard, 1991. Voir l'article que lui a consacréM. Potte Bonneville, « Perversity, futility, jeopardy » dans Vacarme n°19, printemps 2002
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violer / être exclue par mon mari
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A chaque fois, ils voient mal quell
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le coordinateur Nord Kivu disait é
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