situation. Nous prolongerons les remarques faites plus haut en tentant de préciser quelqueséléments fondant <strong>la</strong> distance de <strong>MSF</strong> d’avec les discours ou les actions «de <strong>protection</strong> ».Discours de <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>et</strong> fausses promesses – L’insuffisance / inadéquation de l’assistance<strong>et</strong> l’insécurité sont donc ici les deux vol<strong>et</strong>s peu glorieux d’<strong>une</strong> ‘politique de <strong>la</strong> <strong>protection</strong>’ quiest en réalité <strong>une</strong> politique des « fausses promesses de <strong>protection</strong> » : c’est d’abord c<strong>et</strong>te duplicitéqui est dénoncée, comme porteuse d’illusions <strong>et</strong> de radicalisation 104 . En réalité, le positionnement– interne <strong>et</strong> externe – ne nous semble pas si limpide. En interne, <strong>la</strong> disqualification de <strong>la</strong>« <strong>protection</strong> » par l’intervention militaire a été p<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it entérinée par différents écrits (rapportmoral 2004-05, La Mancha, «L’humanitaire <strong>et</strong> <strong>la</strong> tentation des armes », références au Libéria, auRwanda), tout en demeurant source de discussions d’<strong>une</strong> part sur notre légitimité à nous prononcersur c<strong>et</strong>te <strong>question</strong>, d’autre part sur un jugement condamnant à l’avance <strong>et</strong> par principe touteintervention. En externe, l’abstention de juger de l’opportunité ou pas d’<strong>une</strong> intervention estposée, <strong>et</strong> c’est <strong>la</strong> dénonciation de <strong>la</strong> duplicité qui est mise en avant. Mais dans <strong>la</strong> trib<strong>une</strong> duMonde perce un doute assumé sur <strong>la</strong> réussite d’<strong>une</strong> intervention, si elle avait lieu. En somme,<strong>MSF</strong> décrit l’intervention à <strong>la</strong> fois comme <strong>une</strong> promesse à <strong>la</strong> réalisation improbable <strong>et</strong> un proj<strong>et</strong>à <strong>la</strong> réussite douteuse.Par ailleurs, l’insistance avec <strong>la</strong>quelle <strong>MSF</strong> veut s’assurer de ne pas être convoyeur de ces faussespromesses de <strong>protection</strong>, corré<strong>la</strong>tive de sa prudence par rapport à sa propre action (<strong>et</strong> auxespoirs suscités par sa présence) nous semble indiquer à nouveau <strong>la</strong> marque qu’ont impriméeSrebrenica <strong>et</strong> Kibeho dans <strong>la</strong> ‘culture institutionnelle’.Discours de <strong>la</strong> <strong>protection</strong>, cohérence <strong>et</strong> confusion des rôles – Dans ces conditions, <strong>la</strong>promotion de <strong>la</strong> « <strong>protection</strong> » par l’ONU <strong>et</strong> les ONG apparaît à <strong>MSF</strong> comme particulièrementproblématique. Elle implique que <strong>la</strong> <strong>protection</strong> serait un objectif partagé dont les actionsrespectives de ces agences seraient les déclinaisons concrètes (documenter, intervenir militairement,politiquement, …). Pour <strong>MSF</strong>, c<strong>et</strong>te conception intégrée, révé<strong>la</strong>trice du discours onusien de <strong>la</strong>« cohérence » (voir document principal) est dangereuse pour deux séries de raisons. D’<strong>une</strong> part,elle <strong>la</strong>isse penser que tout serait <strong>protection</strong>, que tous les objectifs seraient concordants <strong>et</strong> serenforceraient mutuellement (respect des droits de l’homme, efforts politiques en vue de <strong>la</strong> paix,imposition par <strong>la</strong> force de ces deux visées, <strong>et</strong> délivrance d’aide humanitaire). Or, derrière c<strong>et</strong>teapparente unité, chaque objectif est plus ou moins concrétisé selon qu’il est plus ou moinsrecherché en tant que tel. <strong>MSF</strong> s’inquiète donc des conséquences de c<strong>et</strong>te approche sur <strong>la</strong> capacitéà délivrer des secours, ayant constaté par le passé (en Ango<strong>la</strong> <strong>et</strong> en Sierra Leone) comment ceuxcipeuvent faire les frais des arbitrages politiques. D’autre part, <strong>la</strong> promotion de l’intervention« à but de <strong>protection</strong> » crée <strong>une</strong> confusion des rôles <strong>et</strong> des enjeux entre politiques <strong>et</strong> humanitaires,qui affecte directement <strong>la</strong> capacité de ces derniers à être respectés des différents acteurs armés.Selon <strong>MSF</strong>, il s’agit donc encore de r<strong>et</strong>ourner l’équation : alors que l’insécurité devient l’argumentmajeur avancé par ceux – y compris les ONG – qui demandent <strong>une</strong> intervention (m<strong>et</strong>tant à jourle lien entre protéger <strong>et</strong> sécuriser), <strong>MSF</strong> affirme dans son positionnement externe que c<strong>et</strong>teinsécurité est au contraire <strong>la</strong> conséquence du discours de <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>et</strong> de <strong>la</strong> confusion desrôles. On rejoint ici <strong>la</strong> problématique c<strong>la</strong>ssique de <strong>la</strong> neutralité dans le cadre militaro-humanitaire,104. En ce sens, <strong>MSF</strong> voit <strong>la</strong> non-réalisation des «appels à protéger les civils» comme étant non pas un raté ou un r<strong>et</strong>ard àm<strong>et</strong>tre en œuvre, mais comme <strong>la</strong> preuve même de c<strong>et</strong>te duplicité. Tout se passe comme si le discours de <strong>la</strong> <strong>protection</strong>était le nouvel habit de l’ «humanitaire-alibi», mais avec <strong>une</strong> complexité plus grande encore : au lieu de ‘donner du riz’,les Etats de <strong>la</strong> ‘communauté internationale’ désunie donnent à leurs opinions publiques (<strong>et</strong> aux victimes) du discoursde <strong>protection</strong> à se ‘m<strong>et</strong>tre sous <strong>la</strong> dent’ : un discours plus mouvant, plus ambitieux que le discours des secours des années1990, <strong>et</strong> qui de ce fait satisfait le besoin ressenti d’<strong>une</strong> action réelle, par opposition à <strong>une</strong> action-«feuille de vigne» (<strong>la</strong>«fig leaf» souvent mentionnée dans les fora sur <strong>la</strong> <strong>protection</strong>).105
qui n’a cessé de nourrir les positionnements de <strong>MSF</strong> depuis le droit d’ingérence des années 1990jusqu’aux interventions sécuritaires-humanitaires des dernières années.« Actions de <strong>protection</strong> » contre sécurité des patients – <strong>MSF</strong> se démarque également, à unniveau plus local, des « actions de <strong>protection</strong> » mises en œuvre par différentes ONG. C<strong>et</strong>te différencese manifeste en particulier à propos des victimes de violences sexuelles, dont on a vu qu’ellesdeviennent au Darfour l’un des piliers de <strong>la</strong> campagne de dénonciation des violences <strong>et</strong> d’appelà <strong>une</strong> intervention armée. Nombreuses sont les organisations, onusiennes <strong>et</strong> non-gouvernementales,qui investissent de ce fait ce champ en vogue où abondent les financements. Ellesse concentrent sur des actions de ‘lobbying/advocacy’ <strong>et</strong> de prévention – <strong>MSF</strong> demeurant <strong>la</strong> seuleà prodiguer des soins 105 . Ces agences demandent à <strong>MSF</strong> de leur référer des patientes afin decompiler des témoignages de victimes en vue de <strong>la</strong> production de rapports. Documenter, fairesavoir, dénoncer, voilà <strong>une</strong> action «de <strong>protection</strong> » telle que <strong>MSF</strong> peut <strong>la</strong> concevoir. Pour autant,les équipes vont cesser en 2005 d’orienter des patientes vers ces ONG, réalisant que ce faisant,elles les exposaient doublement: d’<strong>une</strong> part, en leur demandant de répéter <strong>une</strong> fois de plus <strong>une</strong>histoire extrêmement douloureuse à un «<strong>protection</strong> officer » souvent seulement soucieux de récupérerle plus d’informations possible ; d’autre part en accroissant le risque de stigmatisation,donc de mort sociale <strong>et</strong> familiale dans le contexte soudanais 106 .Ainsi, appelée à choisir entre <strong>la</strong> <strong>protection</strong> de ses patient(e)s (ici, accès au soin, sécurité <strong>et</strong> confidentialité)<strong>et</strong> <strong>la</strong> participation à <strong>une</strong> activité homologuée «de <strong>protection</strong> » qui en réalité les m<strong>et</strong>individuellement en danger, <strong>MSF</strong> tranche pour ses patients. Choix relevant d’<strong>une</strong> règle générale,ou lié au caractère jugé non impérieux de <strong>la</strong> publicisation de l’enjeu à ce moment ? Si l’on peuttenter <strong>une</strong> réponse, celle-ci est nécessairement nuancée : d’abord, le soin est <strong>et</strong> demeure l’actionpremière. Ensuite, <strong>la</strong> dénonciation des viols au Darfour n’est sûrement pas exclue en soi : lerapport de <strong>MSF</strong>-H de mai 2005 sur les violences sexuelles est assumé 107 . Par ailleurs, on sesouvient qu’en 2004, l’équipe était allée jusqu’à fournir des interprètes en vue de l’interview deses patientes par <strong>la</strong> BBC. Peut-être c<strong>et</strong>te initiative a-t-elle été réévaluée par <strong>la</strong> suite <strong>et</strong> participéde <strong>la</strong> prise de conscience du danger que l’on faisait peser sur les personnes ainsi interviewées.La décision de suspendre les orientations de victimes est ainsi à rep<strong>la</strong>cer au sein de l’arbitrageentre l’intérêt d’informer sur ces violences <strong>et</strong> les exigences autres – préserver l’accès aux patientesdans le cadre de <strong>la</strong> primauté accordée au soin, préserver <strong>la</strong> confidentialité, se démarquer dudiscours de <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>et</strong> de l’intervention. Ici, dans un contexte sur-politisé <strong>et</strong> sur-médiatisé(où est absent l’enjeu de rendre visible des violences ignorées), ces exigences l’emportent sur <strong>la</strong>participation à <strong>une</strong> documentation <strong>et</strong> <strong>une</strong> dénonciation des violences.106105. Le sitrep d’août 2004 nous donne <strong>une</strong> idée des arbitrages opérés localement afin de pouvoir soigner ces personnes: constatant<strong>la</strong> difficulté à les faire venir, l’équipe de coordination indique que le ministère de <strong>la</strong> santé à El Geneina a déc<strong>la</strong>réque «<strong>MSF</strong> can continue to treat those women as long as we do not use the results publicly»; elle explique qu’elle va accepterce ‘marché’, <strong>la</strong> priorité étant d’accéder à ces femmes <strong>et</strong> de les traiter, à un moment où on ne les voit presque plus.106. Information mentionnée lors de <strong>la</strong> Semaine proj<strong>et</strong>s, mai 2006.107. En 2005, <strong>MSF</strong>-Hol<strong>la</strong>nde publie un rapport sur les violences sexuelles au Darfour qui fera grand bruit, <strong>et</strong> à <strong>la</strong> suite duqueldeux membres de l’équipe sont arrêtés <strong>et</strong> inculpés par les autorités soudanaises (c<strong>et</strong> épisode contribue d’ailleurs à <strong>une</strong>‘renommée’ de <strong>MSF</strong> auprès des organisations de droits de l’homme qui repose sur un malentendu, <strong>MSF</strong> étant du coupperçue comme <strong>la</strong> plus brave des organisations anti-génocide, anti-n<strong>et</strong>toyage <strong>et</strong>hnique <strong>et</strong> pro-intervention…). A <strong>MSF</strong>-Fon critique <strong>la</strong> forme du rapport, mais « nous ne pouvons que nous féliciter que ce suj<strong>et</strong> (peut-être ma<strong>la</strong>droitement chiffré) aitpu trouver un écho » (CA 23 juin 2005)
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