exploratoires se multiplient dans chacun des pays où l’on est déjà imp<strong>la</strong>nté; des soins ambu<strong>la</strong>toiressont mis en p<strong>la</strong>ce afin d’atteindre les vil<strong>la</strong>geois cachés dans <strong>la</strong> brousse en RCA, comme hier lesréfugiés rwandais dans <strong>la</strong> forêt zaïroise. Le refus d’accès à des zones de combat ou de violencessuscite alors l’inquiétude des membres de <strong>MSF</strong>, qui voient dans le huis-clos <strong>une</strong> condition favorisantle développement des violences. Dans des situations où un tel déni d’accès se prolongeait, <strong>MSF</strong>a régulièrement recouru à des prises de paroles publiques – ainsi pendant <strong>la</strong> seconde guerr<strong>et</strong>chétchène, au Libéria en 2003, au Sri Lanka en 2006 ou en RCA en 2007. Elle l’a fait davantageencore lorsque l’accès à des popu<strong>la</strong>tions précédemment assistées a été perdu : pendant <strong>la</strong> traquedes réfugiés rwandais en 1996-97, au Darfour après <strong>la</strong> ferm<strong>et</strong>ure du camp de Nya<strong>la</strong> en 2004, ouencore lorsque des popu<strong>la</strong>tions étaient «prises au piège des combats » au Libéria en 2003. Dansces prises de parole, <strong>la</strong> demande d’accès à des popu<strong>la</strong>tions était à chaque fois couplée à l’expressiond’<strong>une</strong> inquiétude concernant des violences craintes ou en cours.Mais l’accès n’est jamais ‘d’un bloc’, ainsi que l’illustrent les arbitrages fréquents entre accèsacquis <strong>et</strong> accès recherché, <strong>et</strong> entre silence <strong>et</strong> parole. Ainsi au Darfour fin 2003, début 2004, l’accèsexiste mais de façon infime : les expatriés sont peu nombreux, visas <strong>et</strong> autorisations de circulersont donnés au compte-goutte. <strong>MSF</strong> va cependant juger préférable à ce moment de garderle silence sur les entraves à l’accès <strong>et</strong> les violences, dans l’espoir de préserver <strong>et</strong> consolider saprésence (l’accès acquis), dans un contexte où elle estime sa capacité de négociation trop faible.A partir de l’établissement de <strong>la</strong> présence (au sens d’action médicale c<strong>et</strong>te fois), nous pouvonsnous tourner vers les pratiques concrètes en lien avec des violences, des pratiques tantôt visibles,tantôt discrètes; marginales, exceptionnelles ou courantes; institutionnalisées ou non; déployéesen direction d’individus ou de groupes – autant de niveaux d’analyse possibles qui les relient àdiverses logiques d’action. Dans un parcours nécessairement contrasté, nous tenterons d’en extrairequelques éléments de constance.SÉCURISER LE SOINAu-delà de <strong>la</strong> différence de contextes <strong>et</strong> d’époques, les études de cas font émerger de façonsail<strong>la</strong>nte un même constat – celui que <strong>la</strong> préoccupation pour le sort des gens dans <strong>la</strong> violencese manifeste d’abord dans les modalités de l’action (<strong>la</strong> mise en œuvre des secours), donnant lieuà des pratiques qui ne se disent pas comme «pratiques de <strong>protection</strong> », mais procèdent toutesd’un souci de ne pas exposer à <strong>la</strong> violence/des violences.C<strong>et</strong>te préoccupation s’exprime dans l’effort généralisé de faire respecter <strong>la</strong> neutralité de l’espaceoù sont prodigués les soins. Ainsi que l’indiquent les panneaux « no weapon », affichés aux portesdes hôpitaux <strong>et</strong> cliniques <strong>MSF</strong>, éviter <strong>la</strong> présence d’hommes en armes dans leur enceinte est <strong>une</strong>bataille parfois quotidienne menée par les équipes sur le terrain. L’enjeu fut poussé à son extrêmependant le génocide au Rwanda, où préserver l’immunité de l’hôpital relevait de l’exploit : l’équipeput se féliciter qu’au moins « auc<strong>une</strong> exaction n’a[it] été commise dans l’hôpital » (CA mai 1994).Ailleurs, aujourd’hui, un effort simi<strong>la</strong>ire peut être observé dans de nombreuses situations moinsaiguës – comme par exemple dans le cadre des cliniques mobiles en Colombie, que l’équipes’emploie à « démilitariser » en obtenant que les milices n’y soient plus présentes. La vivacité denos réactions est l’<strong>une</strong> des façons pour nous de signifier à ces acteurs que <strong>la</strong> transgression del’espace d’immunité de l’hôpital ne saurait être tolérée. Ainsi en Somalie en 1993, où <strong>MSF</strong> demanda<strong>une</strong> enquête à <strong>la</strong> suite du bombardement de l’hôpital où travail<strong>la</strong>ient ses équipes ; ou lorsque41
des hommes en armes pénétrèrent en nombre dans <strong>une</strong> structure <strong>MSF</strong> pour y chercher des gens :protestations de l’équipe (Rutshuru, 2005), ferm<strong>et</strong>ure temporaire de <strong>la</strong> clinique (Bentiu, 2003),<strong>et</strong>c. Un souci de non-militarisation qui peut cependant masquer le fait que <strong>la</strong> sécurité ne serésume pas à l’absence d’armes : <strong>la</strong> découverte que des viols étaient perpétrés <strong>la</strong> nuit au sein del’hôpital d’Adre (Tchad) l’a récemment rappelé. Par ailleurs, obj<strong>et</strong> d’efforts permanents <strong>et</strong> incorporépar tous, le souci de préserver un espace sans armes peut se muer en réflexe dont on perdde vue <strong>la</strong> finalité (<strong>la</strong> sécurité du personnel <strong>et</strong> des patients). Un incident récent au cours duquell’accès à l’hôpital <strong>MSF</strong> fut refusé à un ministre de <strong>la</strong> santé parce qu’il était accompagné de gardesdu corps (pour visiter son chauffeur grièvement blessé) a récemment soulevé c<strong>et</strong>te <strong>question</strong>.A des échelles différentes, chacun de ces exemples illustre l’enjeu de maintenir un minimum desécurité non négociable sous peine que l’action médicale ne devienne <strong>une</strong> mise en danger –minimum requis qu’auc<strong>une</strong> règle de conduite ne saurait néanmoins garantir entièrement.Dans <strong>la</strong> même logique, <strong>la</strong> prise en charge de victimes de violence a donné lieu depuis quelquesannées à des pratiques ou des ‘façons de faire’ souvent en lien avec l’exigence de qualité <strong>et</strong> d’accès auxsoins, <strong>et</strong> qui toutes visent à ce que le moment du soin n’ajoute pas à <strong>la</strong> violence déjà subie 49 .Dans les proj<strong>et</strong>s incluant <strong>une</strong> prise en charge des victimes de violence sexuelle (ou ‘VVS’), l’exigencede <strong>la</strong> confidentialité s’est ainsi peu à peu imposée comme impérative pour l’accès auxvictimes. Parce qu’il s’agit de victimes <strong>et</strong> non de ma<strong>la</strong>des, parce qu’elles sont victimes d’<strong>une</strong>violence particulière, invisible <strong>et</strong> stigmatisante, <strong>la</strong> publicité du préjudice subi leur apparaît comme<strong>une</strong> mise en danger. Il y a là un enjeu inédit pour les équipes <strong>MSF</strong> dont l’expérience a longtempsété celle de camps de réfugiés ou d’hôpitaux où elles effectuent <strong>une</strong> prise en charge ‘quantitative’m<strong>et</strong>tant souvent à mal <strong>la</strong> confidentialité des entr<strong>et</strong>iens. Des exemples y compris récentsmontrent <strong>la</strong> difficulté à tenir ensemble les deux exigences de <strong>la</strong> publicité de l’offre de soins <strong>et</strong>de <strong>la</strong> confidentialité du soin lui-même. Le constat d’<strong>une</strong> faible fréquentation de <strong>la</strong> consultationVVS a pu ainsi pousser <strong>une</strong> équipe à demander à des « elders » d’établir des listes de patientesviolées. Martelée aux équipes de terrain, l’exigence de confidentialité est de plus en plus intégréecomme impérieuse mais demeure bien souvent vécue comme un casse-tête opérationnel 50 .Une fois celui-ci dénoué, c’est dans l’interaction avec des agences « de <strong>protection</strong> » cherchant àproduire des rapports sur les viols qu’ont émergé de nouveaux enjeux. <strong>MSF</strong> doit-elle contribuerà documenter les viols <strong>et</strong> ‘témoigner’ (ainsi que le font de nombreuses agences), ou préserveravant tout <strong>la</strong> confidentialité ? Dans les cas étudiés, chaque fois que ces deux exigences ont étéperçues comme non compatibles, nous avons opté pour <strong>la</strong> deuxième, nous inscrivant en fauxpar rapport à des activités homologuées « de <strong>protection</strong> » dont nous contestions qu’elles apportaienten fait un mieux pour <strong>la</strong> sécurité de <strong>la</strong> personne. C<strong>et</strong>te position est c<strong>la</strong>irement à m<strong>et</strong>treen lien avec l’individualisation du rapport aux patients suscitée par ce type de prise en charge.C<strong>et</strong> enjeu de confidentialité se pose également à propos des certificats établis pour les victimesde violences 51 . Pratique médico-légale qui a fait l’obj<strong>et</strong> d’efforts du siège en vue de convaincreles médecins qu’elle faisait partie de leur responsabilité, <strong>la</strong> certification pose en même temps leproblème de <strong>la</strong> mise en danger potentielle de <strong>la</strong> personne du fait des informations consignées.4249. Un entremêlement qui nous rappelle que <strong>la</strong> récusation d’un ‘rôle protecteur’ n’a nullement évacué les enjeux autour de<strong>la</strong> sécurité des personnes, mais les a ramassés autour du patient.50. Un casse-tête dont il a été pris acte, avec l’ouverture en 2007 d’un poste spécifiquement dédié aux VVS, longtemps aprèsque les autres sections ont mis en p<strong>la</strong>ce un tel support.51. L’enjeu est né autour des violences sexuelles. Pertinent pour les blessés, il n’avait cependant pas émergé en trente ans deprise en charge.
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violer / être exclue par mon mari
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A chaque fois, ils voient mal quell
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le coordinateur Nord Kivu disait é
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