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Judith Soussan, "MSF et la protection, une question réglée?"

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exploratoires se multiplient dans chacun des pays où l’on est déjà imp<strong>la</strong>nté; des soins ambu<strong>la</strong>toiressont mis en p<strong>la</strong>ce afin d’atteindre les vil<strong>la</strong>geois cachés dans <strong>la</strong> brousse en RCA, comme hier lesréfugiés rwandais dans <strong>la</strong> forêt zaïroise. Le refus d’accès à des zones de combat ou de violencessuscite alors l’inquiétude des membres de <strong>MSF</strong>, qui voient dans le huis-clos <strong>une</strong> condition favorisantle développement des violences. Dans des situations où un tel déni d’accès se prolongeait, <strong>MSF</strong>a régulièrement recouru à des prises de paroles publiques – ainsi pendant <strong>la</strong> seconde guerr<strong>et</strong>chétchène, au Libéria en 2003, au Sri Lanka en 2006 ou en RCA en 2007. Elle l’a fait davantageencore lorsque l’accès à des popu<strong>la</strong>tions précédemment assistées a été perdu : pendant <strong>la</strong> traquedes réfugiés rwandais en 1996-97, au Darfour après <strong>la</strong> ferm<strong>et</strong>ure du camp de Nya<strong>la</strong> en 2004, ouencore lorsque des popu<strong>la</strong>tions étaient «prises au piège des combats » au Libéria en 2003. Dansces prises de parole, <strong>la</strong> demande d’accès à des popu<strong>la</strong>tions était à chaque fois couplée à l’expressiond’<strong>une</strong> inquiétude concernant des violences craintes ou en cours.Mais l’accès n’est jamais ‘d’un bloc’, ainsi que l’illustrent les arbitrages fréquents entre accèsacquis <strong>et</strong> accès recherché, <strong>et</strong> entre silence <strong>et</strong> parole. Ainsi au Darfour fin 2003, début 2004, l’accèsexiste mais de façon infime : les expatriés sont peu nombreux, visas <strong>et</strong> autorisations de circulersont donnés au compte-goutte. <strong>MSF</strong> va cependant juger préférable à ce moment de garderle silence sur les entraves à l’accès <strong>et</strong> les violences, dans l’espoir de préserver <strong>et</strong> consolider saprésence (l’accès acquis), dans un contexte où elle estime sa capacité de négociation trop faible.A partir de l’établissement de <strong>la</strong> présence (au sens d’action médicale c<strong>et</strong>te fois), nous pouvonsnous tourner vers les pratiques concrètes en lien avec des violences, des pratiques tantôt visibles,tantôt discrètes; marginales, exceptionnelles ou courantes; institutionnalisées ou non; déployéesen direction d’individus ou de groupes – autant de niveaux d’analyse possibles qui les relient àdiverses logiques d’action. Dans un parcours nécessairement contrasté, nous tenterons d’en extrairequelques éléments de constance.SÉCURISER LE SOINAu-delà de <strong>la</strong> différence de contextes <strong>et</strong> d’époques, les études de cas font émerger de façonsail<strong>la</strong>nte un même constat – celui que <strong>la</strong> préoccupation pour le sort des gens dans <strong>la</strong> violencese manifeste d’abord dans les modalités de l’action (<strong>la</strong> mise en œuvre des secours), donnant lieuà des pratiques qui ne se disent pas comme «pratiques de <strong>protection</strong> », mais procèdent toutesd’un souci de ne pas exposer à <strong>la</strong> violence/des violences.C<strong>et</strong>te préoccupation s’exprime dans l’effort généralisé de faire respecter <strong>la</strong> neutralité de l’espaceoù sont prodigués les soins. Ainsi que l’indiquent les panneaux « no weapon », affichés aux portesdes hôpitaux <strong>et</strong> cliniques <strong>MSF</strong>, éviter <strong>la</strong> présence d’hommes en armes dans leur enceinte est <strong>une</strong>bataille parfois quotidienne menée par les équipes sur le terrain. L’enjeu fut poussé à son extrêmependant le génocide au Rwanda, où préserver l’immunité de l’hôpital relevait de l’exploit : l’équipeput se féliciter qu’au moins « auc<strong>une</strong> exaction n’a[it] été commise dans l’hôpital » (CA mai 1994).Ailleurs, aujourd’hui, un effort simi<strong>la</strong>ire peut être observé dans de nombreuses situations moinsaiguës – comme par exemple dans le cadre des cliniques mobiles en Colombie, que l’équipes’emploie à « démilitariser » en obtenant que les milices n’y soient plus présentes. La vivacité denos réactions est l’<strong>une</strong> des façons pour nous de signifier à ces acteurs que <strong>la</strong> transgression del’espace d’immunité de l’hôpital ne saurait être tolérée. Ainsi en Somalie en 1993, où <strong>MSF</strong> demanda<strong>une</strong> enquête à <strong>la</strong> suite du bombardement de l’hôpital où travail<strong>la</strong>ient ses équipes ; ou lorsque41

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