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Judith Soussan, "MSF et la protection, une question réglée?"

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C’est vers les « victimes directes » que se porte en particulier l’attention de <strong>MSF</strong>, au prix d’un effortopérationnel remarquable. Parler de violence(s), c’est donc, au-delà du contexte général conflictuel,pointer <strong>une</strong> atteinte physique concrète, à l’encontre d’<strong>une</strong> personne précise – blessés, victimesde violence sexuelle. L’essor de <strong>la</strong> chirurgie <strong>et</strong> <strong>la</strong> généralisation de <strong>la</strong> prise en charge des victimesde violences sexuelles, <strong>la</strong> mise au premier p<strong>la</strong>n de ces activités, devant celles précédemmentdéployées (nutrition, eau, soins de santé primaire), sont <strong>la</strong> manifestation concrète de cechangement ; il faut ne pas passer à côté de ces victimes longtemps demeurées hors d’atteinte.Concernant les victimes de violence sexuelle, <strong>la</strong> stratégie pertinente est celle qui doit, de façonpro-active, leur perm<strong>et</strong>tre de venir malgré les obstacles des dangers, du manque d’argent, de <strong>la</strong>stigmatisation. En ce sens, tout un ensemble de conditions favorables à <strong>la</strong> venue des victimesde violence sexuelle est assuré, <strong>et</strong> fait l’obj<strong>et</strong> de constantes discussions <strong>et</strong> améliorations :campagnes de sensibilisation nombreuses, confidentialité, amélioration du protocole de priseen charge prophy<strong>la</strong>ctique <strong>et</strong> médicale, paiement du coût du transport… Quant aux blessés, lepositionnement juste est celui qui perm<strong>et</strong>tra de ne pas les «rater », en particulier les blesséscivils. Ainsi peut-on lire dans les différents sitreps : «possible affrontement au sud de KB, en principenous serons bien situés s’il y a des blessés » (sitrep août 2005) ; lors des événements de novembre2006, il est noté : «l’équipe de Kayna a réussi à aller à Nyanzale; ils ont raté un blessé à Kabatisur le chemin du r<strong>et</strong>our. Il va falloir y r<strong>et</strong>ourner demain». <strong>MSF</strong> insiste pour prendre en charge ellemêmeà l’hôpital de Rutshuru les quelques blessés civils présents dans l’hôpital militaire, <strong>et</strong> envisage<strong>une</strong> « intervention chirurgicale sur le site de Kitchenga où se trouvent 66 blessés de guerre (maisseulement 1 civil) », avant de remarquer qu’<strong>une</strong> limite à c<strong>et</strong>te approche est le « risque de faire <strong>une</strong>intervention qui ne touche finalement que les belligérants (pour l’instant il n’y a que des belligérantsblessés, mais rien ne dit qu’il n’y aura pas des civils si le conflit reprend) ». Dans les « phrases dumois » de novembre 2006 : « on espérait avoir des blessés <strong>et</strong> malheureusement on n’a eu que 9 blessésmilitaires… » (sitrep événements NY, novembre 2006).Notons que ce dép<strong>la</strong>cement est en cohérence avec l’évolution plus globale du proj<strong>et</strong> <strong>MSF</strong> vouluepar ses dirigeants : ainsi le rapport moral 2003-2004 (mai 2004) fait-il apparaître pour <strong>la</strong> premièrefois <strong>une</strong> rubrique « Prise en charge médicale des personnes victimes de violences » avec commenarratif : « C’est un peu ma<strong>la</strong>droit comme formu<strong>la</strong>tion. J’entends par là les blessés de guerre, les personnessévèrement traumatisées sur le p<strong>la</strong>n psychique, les femmes victimes de viols au cours des campagnesmilitaires » (rapport moral du président, mai 2004). L’ouverture en direction de ces «victimesdirectes de <strong>la</strong> violence » n’est pas pour autant <strong>une</strong> éviction des ‘victimes c<strong>la</strong>ssiques’. Dép<strong>la</strong>cés,ma<strong>la</strong>des, personnes touchées par des épidémies demeurent dans le champ d’interventionde <strong>MSF</strong> – avec, il est vrai, un cib<strong>la</strong>ge accru sur ce qui peut faire <strong>une</strong> différence en termes demortalité : accent sur les urgences, sur les épidémies de ma<strong>la</strong>dies létales, engagement dans lessoins secondaires, r<strong>et</strong>rait re<strong>la</strong>tif des soins de santé primaires. De fait, «on a voulu recentrer l’actionde <strong>MSF</strong> sur <strong>la</strong> production de secours en situation de crise »(entr<strong>et</strong>ien J.-H. Bradol, juill<strong>et</strong> 2006).AU CŒUR DE LA VIOLENCE, DANS LE CONFLIT116<strong>MSF</strong> se trouve donc en 2007 avec un proj<strong>et</strong> d’assistance médicale qui prend acte d’<strong>une</strong> réalitéoù coexistent différents types de logiques violentes : d’<strong>une</strong> part, les pics du conflit (affrontementsentre groupes rebelles <strong>et</strong> Monuc ou FARDC, ou rebelles entre eux) sont des momentssail<strong>la</strong>nts où s’intensifient les violences contre les popu<strong>la</strong>tions des zones disputées – pil<strong>la</strong>ges,viols, attaques – en lien avec les combats qui font généralement peu de blessés civils. D’autre

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