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Judith Soussan, "MSF et la protection, une question réglée?"

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(on était en plein dans ce qu’on est, notre responsabilité). …». Et conclut : « Chaque fois qu’il y a eudes blessés on y est allés. J’ai travaillé à fond dans ce sens-là » (entr<strong>et</strong>ien).Les blessés de guerre nous rappellent que le débat autour des «victimes prioritaires », même s’i<strong>la</strong> pour obj<strong>et</strong> <strong>la</strong> délivrance de soins, s’inscrit dans l’infinie discussion sur le contenu de ce ‘cœurde métier’ <strong>MSF</strong> qu’est <strong>la</strong> guerre – <strong>question</strong>nement autour de <strong>la</strong> vulnérabilité, des vulnérabilitésidentifiées comme pertinentes à prendre en charge pour <strong>MSF</strong>, mais aussi de <strong>la</strong> pertinence politiquedes choix opérés. Blessés de guerre contre femmes <strong>et</strong> enfants, dép<strong>la</strong>cés <strong>et</strong>/ou rebelles isolés,popu<strong>la</strong>tions « sacrifiées » ou menacées, victimes de violence sexuelles versus victimes de ma<strong>la</strong>die,c<strong>et</strong>te ‘lutte de c<strong>la</strong>ssements’ autour des victimes prioritaires <strong>et</strong> victimes secondaires m<strong>et</strong> bien entension différentes catégories de «personnes protégées » (au sens du DIH). Le débat de <strong>la</strong> mise àp<strong>la</strong>t a sûrement ouvert un espace de réflexion perçu comme nécessaire (<strong>la</strong> reconduction duthème à différentes occasions l’atteste) sur les arbitrages entre ces victimes – où peut être <strong>question</strong>née<strong>la</strong> légitimité évidente de certaines victimes <strong>et</strong> l’attention insuffisante à d’autres. Ainsi,sans jamais recourir à <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>et</strong> au DIH comme références, <strong>MSF</strong> s’inscrit pourtant dansun cadre qui leur est lié, où l’action est pensée, au moins en partie, en fonction d’<strong>une</strong> appréciationde différents degrés de vulnérabilité.*****La responsabilité que se donne <strong>MSF</strong> face aux violences dans le cadre de <strong>la</strong> crise du Darfour,on le voit ici encore, ne recouvre jamais un champ pré-défini qui existerait à côté du soin, ni <strong>une</strong>nsemble pré-défini d’actions qui en soi relèveraient de <strong>la</strong> « <strong>protection</strong> ».Ce que l’on fait ou ne fait pas, ce à quoi on appelle, ce que l’on dit ou dénonce ou s’abstient dedénoncer, ne peut être compris qu’à l’a<strong>une</strong> du calcul où intervient l’évaluation re<strong>la</strong>tive <strong>et</strong> variabledes besoins vitaux, de leur couverture, du degré de violence, des stratégies des acteurs deviolence, du (des) rôle(s) qu’y jouent les secours, de <strong>la</strong> publicité de <strong>la</strong> crise <strong>et</strong> de l’opportunitéde l’augmenter, des discours environnants <strong>et</strong> de leur impact sur les opérations de secours, <strong>et</strong>c.En particulier, au sein d’<strong>une</strong> crise abondamment pensée <strong>et</strong> décrite à l’a<strong>une</strong> de <strong>la</strong> catégorie de <strong>la</strong>« responsabilité de protéger », le démarquage de <strong>MSF</strong> est patent <strong>et</strong> durable. Et l’assistance, le soindemeurent l’axe autour duquel s’organisent les arbitrages – contre <strong>une</strong> logique que l’on a puqualifier, il y a dix ans, de « défense des popu<strong>la</strong>tions en danger»… contre c<strong>et</strong>te logique, tout contre 109 ?Le débat sur les « victimes prioritaires » vient opportunément rappeler que si <strong>MSF</strong> s’écarte duchamp sémantique de <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>et</strong> promeut son identité de secouriste, il serait illusoire decroire qu’<strong>une</strong> pure logique de soin soit au principe des responsabilités qu’elle se donne <strong>et</strong> présideaux arbitrages qu’elle opère.108109. Cf l’article de D. Fassin, « Les ONG contre l’Etat, tout contre », in Politique non gouvernementale, Vacarme n°34, hiver2005-06.

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