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Judith Soussan, "MSF et la protection, une question réglée?"

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PROLOGUE - 1996, AVANT L’AVANCÉE DE L’AFDL, DEJA L’INQUIETUDEAvant le début de l’avancée de l’Alliance des Forces Démocratiques pour <strong>la</strong> Libération duCongo (AFDL) en octobre 1996 dans l’est du Zaïre, <strong>MSF</strong>-Hol<strong>la</strong>nde est <strong>la</strong> seule section <strong>MSF</strong>présente dans <strong>la</strong> région orientale du Kivu.Alors que <strong>la</strong> région voit s’exacerber les tensions entre Rwandophones hutus <strong>et</strong> tutsis, ces derniersétant particulièrement menacés, début 1996, <strong>la</strong> tendance à <strong>MSF</strong>-H est plutôt au départ des camps.La nouvelle coordinatrice entend parler de massacres dans le Masisi : «J’ai répondu: ‘OK, voyonsun peu ce qui se passe, essayons d’obtenir plus d’informations’. Effectivement, il semb<strong>la</strong>it qu’il sepassait beaucoup de choses ».L’équipe, commençant à « circuler plus dans <strong>la</strong> région », recueille des informations qui, quoiqueparcel<strong>la</strong>ires, suffisent à indiquer l’existence de violences présentes <strong>et</strong> <strong>la</strong> possibilité de violencesplus graves à venir (tensions palpables, patients blessés, vil<strong>la</strong>ges parfois totalement encerclés,où les gens sont terrorisés) : l’inquiétude sur le sort des popu<strong>la</strong>tions, si elle a pu s’émousser, està nouveau là.Du fait de <strong>la</strong> perception grandissante d’<strong>une</strong> menace diffuse pesant sur un certain groupe,l’équipe sur p<strong>la</strong>ce tente d’alerter les autres acteurs : ceci se traduit par un «travail d’information<strong>et</strong> d’advocacy » de <strong>la</strong> coordination à Goma <strong>et</strong> au Rwanda (ambassades, agences) ainsi que par desefforts pour impliquer le desk, «mais ce<strong>la</strong> ressemb<strong>la</strong>it beaucoup plus à de <strong>la</strong> diplomatie silencieuse»(coordinatrice <strong>MSF</strong>-H). «L’inquiétude des équipes [ne] cess[ant] d’augmenter», l’équipe <strong>MSF</strong> prône<strong>une</strong> mise à l’abri préventive des Tutsis en faisant appel à <strong>la</strong> responsabilité des autres acteurs : desdiscussions avec d’autres agences sont organisées «à l’initiative de <strong>MSF</strong> <strong>et</strong> du CICR, afin qu’<strong>une</strong>action soit entreprise pour protéger ces personnes »; lors d’<strong>une</strong> telle discussion, <strong>MSF</strong> <strong>et</strong> le CICRattirent l’attention sur les Tutsis de Mokoto <strong>et</strong> de Kichanga, «insistant sur <strong>la</strong> nécessité de lesévacuer » (sitrep coordinatrice <strong>MSF</strong>-H).Lorsque <strong>la</strong> menace diffuse devient réalité (le massacre de Banyarwanda tutsis dans <strong>une</strong> église le12 mai 1996), l’inquiétude se mue en nécessité impérieuse : « puisque nous avions maintenantautant de preuves, nous devions agir » (entr<strong>et</strong>ien coordinatrice <strong>MSF</strong>-H).C<strong>et</strong>te responsabilité «d’agir» se décline en <strong>une</strong> série de pratiques concomitantes ou successives. Surle terrain, il s’agit de <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de secours médicaux aux survivants: «<strong>la</strong> premièreréaction de <strong>MSF</strong> a été de m<strong>et</strong>tre en p<strong>la</strong>ce <strong>une</strong> équipe chirurgicale pour soigner les blessés» ; en coordinationà Goma, <strong>la</strong> tenue de discussions avec le HCR «afin de le convaincre de prendre <strong>la</strong> responsabilitéd’évacuer les 5900 Tutsis qui restaient» (bull<strong>et</strong>in interne <strong>MSF</strong>). Lorsqu’il apparaît c<strong>la</strong>irement que leHCR ne procèdera pas à l’évacuation des rescapés, <strong>une</strong> prise de parole publique (communiqué du21 mai 1996) a lieu : sa fonction est de faire pression sur le siège du HCR, sa forme est celle de l’alerte:«l’idée c’était de témoigner pas de dénoncer», en «exprimant notre inquiétude au suj<strong>et</strong> des Tutsis <strong>et</strong> appe<strong>la</strong>ntles autorités pertinentes <strong>et</strong> l’ONU à les évacuer». Enfin <strong>et</strong> en même temps, fait peu commun, l’évacuationphysique, par <strong>MSF</strong>, d’<strong>une</strong> partie de ces dép<strong>la</strong>cés.56Le lien entre, d’<strong>une</strong> part, c<strong>la</strong>rté de l’information disponible (c’est-à-dire reçue mais surtout,on le voit dans ce cas, d’abord récoltée, puisqu’il aura fallu <strong>une</strong> attitude pro-active de recherchepar <strong>la</strong> nouvelle coordinatrice pour qu’<strong>une</strong> inquiétude se dessine) sur des violences (passées <strong>et</strong>à venir) <strong>et</strong>, d’autre part, perception de l’urgence d’agir, d’<strong>une</strong> responsabilité d’agir, se fait jour.

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