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Judith Soussan, "MSF et la protection, une question réglée?"

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avancer que sans jamais s’y référer explicitement, <strong>MSF</strong> s’inscrit dans <strong>une</strong> conception finalementassez proche de celle du DIH – où <strong>la</strong> <strong>protection</strong> des popu<strong>la</strong>tions civiles inclut, à côté de l’abstentionde <strong>la</strong> violence par les parties au conflit, <strong>la</strong> délivrance de secours appropriés <strong>et</strong> leur libre passage.Dans <strong>la</strong> conception de l’assistance, les considérations re<strong>la</strong>tives à l’exposition auxviolences – c’est dans <strong>la</strong> façon de penser <strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre en œuvre les secours que <strong>MSF</strong> intègre lesouci de l’exposition à <strong>la</strong> violence : aussi, dès février à Mornay, en pleine urgence, l’équipe s’estelleinquiétée de <strong>la</strong> vulnérabilité des dép<strong>la</strong>cés aux attaques de Jenjaweeds aux abords du wadi ;si leur fournir de l’eau était l’objectif premier, le souci de le faire dans un lieu qui les expose lemoins possible à ces attaques a fait explicitement partie des considérations de l’équipe : «il yavait un double objectif, donner de l’eau aux gens <strong>et</strong> les sortir du wadi» « il y avait quelque chose deréfléchi, de décidé [dans le fait d’éloigner les gens du wadi source de danger] » (entr<strong>et</strong>ien logisticienMornay). De son côté, <strong>la</strong> RCO souligne que « les équipes ont (…) aidé les dép<strong>la</strong>cés à se soustraireà certaines formes de violence. En fournissant de l’eau, évitant ainsi aux femmes <strong>et</strong> aux enfants des’éloigner des sites (…) <strong>MSF</strong>-F a en quelque sorte ‘protégé’ <strong>une</strong> partie des dép<strong>la</strong>cés». Une citationqui nous dit que <strong>la</strong> <strong>protection</strong> n’est pas ici comprise comme un objectif, <strong>et</strong> qu’elle s’exprime enquelque sorte en négatif, comme évitement d’exposition à certaines violences. C<strong>et</strong>te façon d’envisagerles enjeux ‘de <strong>protection</strong>’ est illustrée très exactement par les titres de <strong>la</strong> section où ilssont discutés : « avons-nous exposé les popu<strong>la</strong>tions à des violences supplémentaires?»; «eff<strong>et</strong>sd’exposition, eff<strong>et</strong>s de <strong>protection</strong> » (RCO p. 44) – <strong>et</strong> non « avons-nous protégé » ou « soustrait lespopu<strong>la</strong>tions à des violences ». Elle m<strong>et</strong> bien l’accent sur le souci d’éviter l’impact négatif quepourrait avoir l’action de secours, son impact positif n’étant pas recherché, mais éventuellementconstaté.A <strong>la</strong> suite des remarques sur <strong>la</strong> délivrance d’eau comme élément ayant contribué à soustraire lesdép<strong>la</strong>cés à certaines violences, <strong>la</strong> RCO précise en note de bas de page : «A c<strong>et</strong> égard, on peutregr<strong>et</strong>ter que <strong>MSF</strong> n’ait pas disposé de plus de ressources pour distribuer du fourrage, du chaume <strong>et</strong>du bois de chauffe – dont <strong>la</strong> collecte en brousse exposait aux mêmes violences ». L’équipe s’est explicitementposé <strong>la</strong> <strong>question</strong> de fournir du fourrage aux animaux dès le mois de février ; le manquede moyens, <strong>la</strong> difficulté de mise en œuvre sont les raisons avancées pour expliquer que c<strong>et</strong>tevelléité n’ait pas eu de suites (entr<strong>et</strong>ien log Mornay). On peut effectivement imaginer que, débordées,les équipes successives n’aient pas eu pour priorité c<strong>et</strong>te activité. C’est probablement <strong>la</strong> nonconcordanceentre c<strong>et</strong>te activité <strong>et</strong> le ‘noyau’ de l’action de <strong>MSF</strong> (les secours médicaux) qui estégalement en cause. La fourniture de fourrage n’étant pas un champ habituel <strong>et</strong> légitime d’interventionde <strong>MSF</strong>, il a pu apparaître peu pertinent d’y consacrer spécifiquement des moyens.De fait, d’autres raisons sont ensuite évoquées : l’exposition du personnel <strong>MSF</strong>, que l’on auraitmis en danger en le faisant aller sur les routes chercher du chaume, puis le fait qu’on «n’est pas<strong>une</strong> agence de <strong>protection</strong> » (idem). Ce qui est en jeu ici, c’est bien que contrairement à <strong>la</strong> fournitured’eau qui est <strong>une</strong> réponse à un besoin vital, <strong>une</strong> telle activité aurait été motivée prioritairementpar l’objectif de soustraire des personnes à des violences – un état d’esprit dans lequel<strong>MSF</strong> ne se p<strong>la</strong>ce pas.100Toujours concernant les dangers aux abords des camps, on notera que ce n’est pas <strong>MSF</strong>, mais<strong>une</strong> autre organisation, qui a milité pour <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de patrouilles de l’UA visant à atténuerles risques de violences contre les femmes aux abords du camp de Niertiti (les « firewoodpatrols »). <strong>MSF</strong> ne se positionne pas davantage lorsque ces patrouilles sont interrompues quelqu<strong>et</strong>emps plus tard, l’UA ne vou<strong>la</strong>nt pas en prendre seule <strong>la</strong> responsabilité. C<strong>et</strong>te abstention noussemble là encore à m<strong>et</strong>tre en lien avec <strong>la</strong> distance de <strong>MSF</strong> d’avec les « actions de <strong>protection</strong> »homologuées comme telles 98 . <strong>MSF</strong> soigne, m<strong>et</strong> en œuvre des secours, <strong>et</strong> le fait en s’inquiétant

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