éc<strong>la</strong>irer <strong>la</strong> suite. Il nous semble en particulier que ce rapport se situe au terme d’un infléchissementdans <strong>la</strong> façon de prendre position publiquement, dont il constitue en quelque sorte lepivot :- sur l’appréciation des interventions armées au nom de <strong>la</strong> <strong>protection</strong> – d’<strong>une</strong> part, il s’inscritdans <strong>la</strong> lignée de prises de position publiques pour <strong>la</strong> «défense de popu<strong>la</strong>tions en danger » de <strong>la</strong>fin des années 90 (faites dans le sentiment d’urgence impérieuse face à l’imminence de tueries),tout en en amendant le contenu : il ne s’agit plus d’appeler à <strong>une</strong> intervention en vue de <strong>la</strong> <strong>protection</strong>(comme en 1996 au Zaïre), mais de pointer le spectre de l’illusion de <strong>protection</strong>. Ce faisant,le lien avec les promesses non tenues du passé est tissé – on a vu <strong>la</strong> prégnance des références à<strong>la</strong> Bosnie comme au Rwanda. La dénonciation de fausses promesses demeure en substance unappel à respecter celles-ci. D’autre part, le rapport signe <strong>la</strong> fin de c<strong>et</strong>te lignée : après lui, on neverra plus, nous semble-t-il, de référence à <strong>la</strong> <strong>protection</strong> comme objectif, comme idée souhaitable,ni d’‘appels aux armes’. En eff<strong>et</strong>, d’<strong>une</strong> critique de l’illusion de <strong>protection</strong> donnée auxpopu<strong>la</strong>tions par <strong>une</strong> communauté internationale peu déterminée à agir, on est passé à <strong>la</strong> critiqued’<strong>une</strong> illusion de <strong>MSF</strong> face à <strong>la</strong> notion de <strong>protection</strong>, dont il faut s’affranchir 122 . Ce dép<strong>la</strong>cement,qui n’est pas totalement nouveau, est ici comme définitivement entériné. En somme, en simplifiantà l’extrême, on se situerait ici au terme de différents moments de prise de distance d’avec<strong>la</strong> notion de <strong>protection</strong> : remise en cause de l’idée que <strong>MSF</strong> aurait un rôle ou <strong>une</strong> capacité àprotéger (Srebrenica, Kibeho); ensuite, critique des échecs de <strong>la</strong> communauté internationale,appels à protéger réellement (Zaïre 1996); puis, appels à tenir ses promesses <strong>et</strong> critique des illusionsentr<strong>et</strong>enues (Ituri); enfin, critique de l’illusion chez <strong>MSF</strong> que des interventions arméespuissent ‘apporter’ <strong>la</strong> <strong>protection</strong> (comprise comme un état presque parfait, stable, statique, desécurité généralisée), qui achève de frapper <strong>la</strong> notion du sceau du doute (après 2003). Ce mouvementdonne lieu à <strong>la</strong> complexité observée aujourd’hui dans les positionnements – internes <strong>et</strong>externes – sur les interventions internationales : reconnaissance en interne des aspects positifsque peuvent avoir certaines interventions, critique de fond sur l’idée même d’<strong>une</strong> guerre au nomde <strong>la</strong> <strong>protection</strong>, idée d’<strong>une</strong> illégitimité à se prononcer en général, concurrencée par l’idée inverseque l’on n’appelle pas aux armes mais que l’on peut se prononcer contre <strong>une</strong> intervention, <strong>et</strong>c.- sur le champ de légitimité <strong>et</strong> le contenu de <strong>la</strong> communication publique de <strong>MSF</strong> – le rapportse situe dans le contexte du resserrement, depuis 2001, de <strong>la</strong> communication sur son «objectifpremier » qui est d’« obtenir (…) des secours plus efficaces » (RM 2001-02). Articulé autour del’idée de qualité, ce resserrement implique un accent mis sur <strong>la</strong> responsabilité propre de <strong>MSF</strong>face à son action, <strong>et</strong> <strong>la</strong> disqualification re<strong>la</strong>tive du renvoi des autres acteurs à leurs responsabilités,où <strong>MSF</strong> distribuerait «les bons <strong>et</strong> les mauvais points ». En ce sens, le rapport ‘va trop loin’,<strong>et</strong> l’on peut ém<strong>et</strong>tre l’hypothèse que son manque de nuance nourrit l’idée d’<strong>une</strong> faible légitimitéà se positionner sur ce terrain de <strong>la</strong> critique de l’action des autres. Par ailleurs, le rapport intervientégalement à un moment charnière concernant le contenu <strong>et</strong> les méthodes de <strong>la</strong> communication<strong>MSF</strong>, avec <strong>la</strong> remise en <strong>question</strong> du recueil de témoignages. En l’occurrence, ce recueilest au cœur des débats pendant l’é<strong>la</strong>boration du rapport 123 . Par <strong>la</strong> suite, il est de fait <strong>la</strong>rgement122. Voir le rapport moral 2003-2004, cité dans le corps de l’étude (Partie 3, section «<strong>MSF</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong> responsabilité de protéger ») :« nous avons vu resurgir, dans nos discussions sur les conflits, des appels à <strong>la</strong> <strong>protection</strong> internationale qui m’ont semblé peuréalistes. (…) Nous ne devons pas nous faire les propagandistes de telles illusions».123. Lors de sa réponse aux critiques du draft, l’adjoint note que <strong>la</strong> <strong>question</strong> est de savoir si l’on veut ou pas publier quelquechose à partir du travail de recueil de témoignages effectué par <strong>la</strong> chargée de comm’, pour appuyer les demandes <strong>et</strong> réservessur l’intervention internationale (mail responsable juridique, 12 juill<strong>et</strong> 2003). Discussion chargée de comm’ également.Pour celle-ci, en s’interdisant de recourir à c<strong>et</strong>te méthode qualitative de recueil d’information, non seulement onaffaiblit <strong>la</strong> possibilité d’indignation (que les histoires concrètes de gens suscitent naturellement) mais encore on s’interditl’accès à certains éléments de compréhension.129
moins pratiqué, <strong>la</strong>issant <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce à un recueil de données, donc <strong>une</strong> communication, beaucoupplus axés sur l’épidémiologie.VIOLENCES, OPÉRATIONNALITÉ, PAROLEAprès le coup de projecteur sur 2003, il convient de porter le regard sur les positionnementsde <strong>MSF</strong> à propos des violences <strong>et</strong>/ou de <strong>la</strong> <strong>protection</strong> dans les années qui ont suivi ; de fait, ilsont été beaucoup moins nombreux – que le rapport sur l’Ituri ait joué un rôle inhibant est <strong>une</strong>hypothèse probable, mais qui demeure insuffisante à rendre compte de <strong>la</strong> totalité des évolutions.Y a-t-il aujourd’hui <strong>une</strong> p<strong>la</strong>ce pour <strong>une</strong> mention des violences dans les prises de paroles, <strong>et</strong> sioui dans lesquelles, sous quelle forme ?Premier constat émanant de <strong>la</strong> revue des prises de position de <strong>MSF</strong> depuis 2003 : re<strong>la</strong>tivementà d’autres pays, le positionnement de <strong>MSF</strong> sur <strong>la</strong> RDC (<strong>et</strong> sur les violences qui y sévissent)aujourd’hui n’inclut pas de prises de position publiques fortes (rapport, communiqué de presse).Aucun rapport n’a été produit depuis 2003 sur <strong>la</strong> RDC 124 . La « communication » (ou le « témoignage» ou « l’advocacy ») est globalement absente comme enjeu dans les sitreps ou échangesdesk-terrain ; elle est également absente comme rubrique des fiches proj<strong>et</strong> depuis 2005 – annéequi voit se développer un autre type de communication publique s’appuyant sur <strong>une</strong> temporalitédifférente (production d’un film, exposition de photographies sur les violences au Katanga,comme zone oubliée au sein d’un conflit lui-même oublié; invitation d’A. Val<strong>la</strong>eys à visiter unproj<strong>et</strong> en vue de son livre, <strong>et</strong>c.). En 2006, des media ont visité le Nord Kivu (CNN, BBC, TF1, …),en revanche <strong>la</strong> pertinence d’<strong>une</strong> « communication <strong>MSF</strong> » n’est pas apparue, dans un contexte demédiatisation importante autour des élections. Une communication publique sur <strong>la</strong> base dedonnées précises, chiffrées, argumentées, décrivant ce que <strong>MSF</strong> fait <strong>et</strong> constate sur ses terrains,était envisagée pour le second semestre 2007 sous <strong>la</strong> forme d’un rapport (discussion RP desk,mars 2007), mais n’a pas vu le jour. De même, de 2003 à 2006, le nombre de communiqués depresse chute de façon drastique, en cohérence avec les évolutions plus globales évoquées cidessus<strong>et</strong> le souci d’é<strong>la</strong>guer <strong>une</strong> communication devenue très abondante 125 .De façon générale, <strong>la</strong> finalité d’un positionnement public plus étoffé n’apparaît pas n<strong>et</strong>tement:« j’essaie de voir quel serait l’intérêt de faire <strong>une</strong> communication plus générale du genre du rapport<strong>MSF</strong>-H au Darfour… là, on a accès aux popu<strong>la</strong>tions, on a de bonnes re<strong>la</strong>tions avec les autorités, ona des re<strong>la</strong>is locaux avec les Maï-Maï, les FDLR, on n’a pas eu d’incident majeur de sécurité… » (entr<strong>et</strong>ienARP desk RDC). Une explication avancée par plusieurs personnes, du terrain ou du siège 126 .130124. Certes, le rapport Ituri, <strong>la</strong> violence continue est publié en août 2005 : mais il émane de <strong>MSF</strong>-CH, faisant suite à <strong>la</strong> cessation de sesactivités à Bunia. Ce rapport vise à «décrire <strong>la</strong> situation des popu<strong>la</strong>tions en Ituri <strong>et</strong> les difficultés à leur apporter <strong>une</strong> assistance humanitaire». Y figurent <strong>une</strong> description détaillée des violences (« directes », « indirectes ») <strong>et</strong> <strong>une</strong> mention de <strong>la</strong> <strong>protection</strong>.125. Soit, à partir du site Intern<strong>et</strong> <strong>MSF</strong>: 7 communiqués en 2003 dont 2 sont repris de <strong>MSF</strong>-CH <strong>et</strong> purement informatifs (<strong>MSF</strong>«envoie un cargo»…); 2 communiqués en 2004, sur des problématiques humanitaires consistantes (Katanga, dép<strong>la</strong>cés deKanyabayonga, inquiétudes de <strong>MSF</strong> sur leur sort); 4 communiqués en 2005, tous repris de <strong>MSF</strong>-CH (sur l’enlèvement de deuxexpatriés ou <strong>la</strong> situation dans les camps d’Ituri), 2 communiqués en 2006, également de <strong>MSF</strong>-CH. Exception ou changementnotable d’orientation, à l’automne 2007 toutefois, un CP émanant de <strong>MSF</strong>-F est diffusé, au r<strong>et</strong>our d’<strong>une</strong> évacuation de l’équipe(l’<strong>une</strong> des nombreuses en 2007) après d’importants combats dans <strong>la</strong> zone de Nyanzale. Nous y reviendrons.126. Sur les re<strong>la</strong>tions aux autorités: <strong>MSF</strong> a accès au plus haut niveau des autorités politiques <strong>et</strong> militaires, au niveau local (cequi est loin d’être le cas dans d’autres pays) d’où un rapport différent à <strong>la</strong> communication extérieure (discussion ex-CdMRDC). Sur l’absence d’enjeux aigus (problème d’accès, de sécurité, <strong>et</strong>c) où communiquer aurait <strong>une</strong> valeur ajoutée: unCP, «pour quoi faire?» quelle valeur ajoutée par rapport à un communiqué de l’AFP? il y a là <strong>une</strong> conception ‘utilitariste’de <strong>la</strong> communication (discussion ex-ARP desk RDC).
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