La présente étude de cas porte sur l’action de <strong>MSF</strong> au Nord Kivu (République Démocratiquedu Congo) aujourd’hui, en remontant quelques années en arrière jusqu’à 2003.Le choix de ce cas d’étude est motivé par <strong>la</strong> prégnance pour <strong>MSF</strong> au Nord Kivu de <strong>la</strong> problématiquede <strong>la</strong> violence, <strong>et</strong> en particulier celle des violences sexuelles qui intéresse notre suj<strong>et</strong> àplusieurs égards : d’abord, elle situe <strong>la</strong> violence au cœur du proj<strong>et</strong> opérationnel ; ensuite, ellenous semb<strong>la</strong>it introduire <strong>la</strong> <strong>question</strong> d’<strong>une</strong> individualisation de <strong>la</strong> victime ; enfin, sa prise encharge donne lieu à <strong>une</strong> pratique, <strong>la</strong> certification, qui est (à notre connaissance) <strong>la</strong> seule utilisationlégitime, non contestée, du mot « <strong>protection</strong> » à <strong>MSF</strong> aujourd’hui. On verra que ces diversesmotivations se r<strong>et</strong>rouvent inégalement dans ce document.Contrairement aux deux autres études, celle-ci n’est pas organisée selon <strong>une</strong> structure chronologique.L’impossibilité à faire émerger des problématiques spécifiques à des moments précis, <strong>la</strong>chronicité des enjeux décrits, faisaient <strong>la</strong>rgement pencher en faveur d’<strong>une</strong> présentation thématique.Cependant, il va de soi que nous tenterons de souligner, à l’intérieur de chaque thème,les évolutions dans le temps chaque fois qu’elles apparaissent.Comme pour les autres études, <strong>la</strong> définition r<strong>et</strong>enue demeure délibérément ouverte, axée surles pratiques (actes autres que le soin proprement dit, prises de parole) développées en lien avec<strong>la</strong> violence. Face à <strong>la</strong> violence, aux violences dont sont victimes les popu<strong>la</strong>tions, face à des «victimesde violence sexuelle » (VVS), face à des « victimes directes » ou « indirectes » de <strong>la</strong> violence,que fait <strong>MSF</strong>, que dit <strong>MSF</strong>, quelle responsabilité les personnes au siège <strong>et</strong> sur le terrain se donnentelles<strong>et</strong> jusqu’où, comment <strong>MSF</strong> se positionne-t-elle au regard des initiatives internationales envue de « protéger les civils », <strong>et</strong>c. 110 ?110. Précisions en vue de <strong>la</strong> lecture: Les «guillem<strong>et</strong>s» entourent des citations ; les ‘guillem<strong>et</strong>s’ sont utilisés par moi.Jargon <strong>MSF</strong>: sitrep: situation report, rapport hebdomadaire ou mensuel – CA: conseil d’administration – RM: rapportmoral – RA: rapport d’activités – RT: responsable terrain – CdM, coordo : chef de mission (ou coordinateur)– RP : responsablede programmes (desk) – ARP : adjoint responsable de programmes – <strong>MSF</strong>-CH : <strong>MSF</strong> Suisse – <strong>MSF</strong>-H : <strong>MSF</strong>- Hol<strong>la</strong>nde– HAD : Humanitarian Affairs Department (<strong>MSF</strong>-H) – VVS : victimes de violences sexuelles – IST : infections sexuellementtransmissibles – CNT/S : centre de nutrition thérapeutique/supplémentaire – SSP : soins de santé primaires – HRW :Human Rights Watch – DPKO : département des opérations de maintien de <strong>la</strong> paix de l’ONUAbréviations sur <strong>la</strong> RDC: NK : Nord Kivu – KY : Kayna – RU : Rutshuru – KB : Kanyabayonga – FARDC : Forces arméesde RDC – MONUC : Mission des nations unies au Congo – MM : Mai Mai – FDLR : front démocratique de libération duRwanda – RCD : rassemblement congo<strong>la</strong>is pour <strong>la</strong> démocratie – UPDF : Ugandan people defence force – MLC : mouvementpour <strong>la</strong> libération du Congo – ADF : Allied democratic forces (Ouganda) – NALU : National army of Liberation ofUganda – BI : brigades intégrées111
REPÈRES CHRONOLOGIQUES - <strong>MSF</strong> / NORD KIVULa guerre reprend en 1998 en République démocratique du Congo (RDC) après <strong>la</strong> scission entreKabi<strong>la</strong> <strong>et</strong> le Rwanda <strong>et</strong> l’Ouganda, deux pays qui l’avaient aidé à prendre le pouvoir fin 1996. L’UPDF,<strong>une</strong> rébellion soutenue par ceux-ci, progresse dans l’est du pays, puis ce sont le MLC, le RCD, puisle RCD-Goma qui apparaissent également. Des affrontements ont lieu en 1999 <strong>et</strong> les Nations uniesautorisent le déploiement d’<strong>une</strong> force pour le respect des accords de Lusaka. La Monuc, missiondes Nations unies en RDC, voit le jour fin 1999. Sous chapitre 7, elle a pour mandat <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>ncede l’application du cessez-le-feu, le désarmement des milices, <strong>la</strong> facilitation de l’acheminement del’aide humanitaire <strong>et</strong> le respect des droits de l’homme. Elle peut « prendre les mesures nécessaires, dansles zones de déploiement de ses bataillons d’infanterie <strong>et</strong>, pour autant qu’elle estime agir dans les limites deses capacités, pour protéger le personnel, les instal<strong>la</strong>tions <strong>et</strong> le matériel de l’ONU ainsi que ceux de <strong>la</strong> CMM[commission militaire mixte] (…) assurer <strong>la</strong> sécurité <strong>et</strong> <strong>la</strong> liberté de circu<strong>la</strong>tion de son personnel, <strong>et</strong> protégerles civils se trouvant sous <strong>la</strong> menace imminente de violences physiques ».En 2000, <strong>MSF</strong> rapporte l’existence de 200 000 dép<strong>la</strong>cés dus au conflit ; les civils sont l’obj<strong>et</strong> deviolences multiples de <strong>la</strong> part des différents groupes rebelles. En janvier 2001, six membres duCICR sont tués <strong>et</strong> toutes les agences se r<strong>et</strong>irent. Dans un contexte d’extrême tension <strong>et</strong> de vo<strong>la</strong>tilité,<strong>et</strong> de violences répétées sur les popu<strong>la</strong>tions, des avancées politiques interviennent cependanten 2002 : signature d’un accord de paix avec le Rwanda en juill<strong>et</strong> 2002, avec l’Ouganda enseptembre ; <strong>et</strong> d’un « comprehensive peace deal » en décembre, qui <strong>la</strong>nce un processus de transitiondevant mener à des élections, <strong>et</strong> prévoyant le «brassage » des différents groupes rebelles dans lecadre du programme « DDRRR » (démobilisation, désarmement, rapatriement, réintégration,réinsertion), soutenu par <strong>la</strong> Monuc.Après deux missions exploratoires demeurées sans suite pour des raisons de sécurité, <strong>MSF</strong>-F(déjà présente au Katanga) arrive finalement au Nord Kivu en décembre 2002, avec l’ouverturede <strong>la</strong> mission Béni à <strong>la</strong> suite d’<strong>une</strong> nouvelle vague de violences ayant causé des dép<strong>la</strong>cements depopu<strong>la</strong>tion.Début 2003, <strong>la</strong> tension monte non loin de Beni, dans <strong>la</strong> zone de Bunia (Ituri), entre les différentsgroupes rebelles, qui attisent les oppositions entre communautés (Hema, Lendu, en particulier).Courant avril, l’inquiétude croît à <strong>MSF</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>question</strong> de rendre public un rapport sur <strong>la</strong> situationdes civils est posée.Du 9 au 12 mai ont lieu dans <strong>la</strong> zone de Bunia des combats d’<strong>une</strong> extrême violence; différentesONG (Oxfam, Merlin, Human rights watch) demandent le déploiement d’<strong>une</strong> force rapide pour <strong>la</strong><strong>protection</strong> des civils. De son côté, <strong>MSF</strong> rencontre des officiels du département des opérations demaintien de <strong>la</strong> paix de l’ONU (DPKO) ainsi que des membres du Conseil de sécurité pour les‘briefer’ sur <strong>la</strong> situation <strong>et</strong> les informer que « if they don’t act now, they will be left to count the bodies».L’envoi d’<strong>une</strong> force multinationale intérimaire d’urgence chargée de «stabiliser les conditions de sécurité»dans <strong>la</strong> ville de Bunia est décidé le 30 mai par le Conseil de sécurité : c’est l’opération Artémis, quicommence avec un premier déploiement en juin. <strong>MSF</strong> sort le 25 juill<strong>et</strong> 2003 un rapport intitulé112
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LES CAHIERS DU CRASHMSF ET LA PROTE
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RemerciementsJe tiens à remercier
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