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Judith Soussan, "MSF et la protection, une question réglée?"

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du rapport à <strong>la</strong> victime ; c’est elle qui décide, c’est elle qu’il faut avant tout ne pas exposer, avantde penser à compiler des données qui perm<strong>et</strong>traient de dénoncer <strong>une</strong> situation globale. En 2006,à Rutshuru, alors que <strong>MSF</strong> m<strong>et</strong> en p<strong>la</strong>ce <strong>une</strong> consultation dans l’hôpital, c’est <strong>la</strong> <strong>question</strong> primordialedu lieu adéquat qui est discutée : il faut trouver <strong>une</strong> solution «qui ne nuise pas aux victimes»; « il semble que <strong>la</strong> meilleure solution de mener c<strong>et</strong>te activité pour le bien des patients à Rutshurureste l’association avec les IST sur un centre de santé » (sitrep Rutshuru semaine 6, février2006). « Mise en p<strong>la</strong>ce de l’offre de soins (2): sécurité des victimes: confidentialité (…) » (diapositivede <strong>la</strong> présentation « Bi<strong>la</strong>n VVS » à <strong>la</strong> réunion des opérations, 20 juin 2006). Loin d’êtredonnée dès l’ouverture des différents proj<strong>et</strong>s, <strong>la</strong> confidentialité est <strong>une</strong> bataille récente <strong>et</strong> de tousles instants : avant que ne soient systématisés le souci de confidentialité, d’<strong>une</strong> part, les supportsorganisationnels pour l’assurer le mieux possible, d’autre part, il est certain que de nombreuxnon-respects de confidentialité ont eu lieu. Probablement les efforts d’accès des équipes (encouragéspar l’injonction du siège à prendre en charge ces victimes longtemps ignorées) ont-ils pudevenir les pires ennemis de <strong>la</strong> confidentialité (<strong>la</strong> demande adressée à des chefs traditionnels deprocéder au recensement des femmes violées n’étant qu’un exemple possible de ces ma<strong>la</strong>dresses).Aujourd’hui, <strong>la</strong> sensibilité à c<strong>et</strong>te <strong>question</strong>, encouragée de façon pro-active, fait son chemin.Loin de l’annuler cependant, elle ne fait que souligner plus encore l’irréductible tension entreles deux exigences de l’accès <strong>et</strong> de <strong>la</strong> confidentialité.Le certificat établi à l’issue d’<strong>une</strong> consultation d’<strong>une</strong> victime de violence sexuelle présente desenjeux simi<strong>la</strong>ires. Mis en avant aujourd’hui comme <strong>une</strong> part intégrante de <strong>la</strong> responsabilité médicale,le certificat a toutefois été longtemps absent de <strong>la</strong> prise en charge des victimes de violences.Il n’a été systématisé que récemment <strong>et</strong> à <strong>la</strong> suite d’efforts constants <strong>et</strong> répétés de <strong>la</strong> part dequelques personnes 114 . Il est aujourd’hui établi systématiquement <strong>et</strong> proposé à <strong>la</strong> victime. Ainsique nous l’évoquions en introduction, <strong>la</strong> certification est couramment assimilée à <strong>une</strong> pratique« de <strong>protection</strong> » <strong>et</strong> représente même l’<strong>une</strong> des seules, sinon <strong>la</strong> seule occurrence aujourd’hui légitimedu mot à <strong>MSF</strong>. Ainsi le certificat apparaît-il sous <strong>la</strong> rubrique intitulée «<strong>protection</strong> » de <strong>la</strong>présentation du proj<strong>et</strong> Nord Kivu faite au CA du 30 mars 2007. Dans ce même CA, à <strong>une</strong> <strong>question</strong>sur ce que fait <strong>MSF</strong> en termes de lobbying, <strong>la</strong> responsable du programme évoque <strong>la</strong> diffusionde rapports (cf infra) <strong>et</strong> ajoute : «<strong>la</strong> <strong>protection</strong> va jusqu’à <strong>la</strong> délivrance de certificat médicalpour toute personne qui le demande – là on touche un peu à nos limites en termes de <strong>protection</strong> ». Demême, plusieurs personnes à qui <strong>la</strong> présente étude avait été mentionnée réagirent en disantqu’on « ne fait pas de <strong>protection</strong> », puis corrigèrent en remarquant qu’effectivement, on «fait descertificats ». La connotation juridique du terme est génératrice d’<strong>une</strong> confusion sans cesse renouvelée,entre <strong>protection</strong> juridique <strong>et</strong> <strong>protection</strong> au sens des pratiques visant à atténuer ou empêcherdes violences. Le paradoxe de c<strong>et</strong>te assimi<strong>la</strong>tion du certificat à <strong>une</strong> « pratique de <strong>protection</strong> »(qui est le paradoxe de toute pratique homologuée a priori comme telle) est que ce documentpeut se révéler à l’origine d’<strong>une</strong> mise en danger de <strong>la</strong> personne à qui il est délivré, du fait desinformations extrêmement sensibles qu’il contient. De fait, c’est bien ce risque qui est en permanencemis en avant par les équipes <strong>et</strong> le desk : à <strong>la</strong> <strong>question</strong> de celui-ci de savoir si le certificatest proposé systématiquement, le terrain répond «oui c’est proposé systématiquement mais lesfemmes ne le veulent pas, nous ne pouvons l’imposer» (mail desk-coordination janvier 2006). Eneff<strong>et</strong>, « avoir ce document en main m<strong>et</strong> <strong>la</strong> femme en insécurité: ‘je vais être en danger / me faire re-120114. En particulier ceux de F. Saulnier, directrice juridique, pour c<strong>la</strong>rifier <strong>et</strong> adapter un document qui puisse être en cohérenceavec les situations concrètes de terrain. On peut trouver trace des difficultés à systématiser l’établissement de ce documentdans les discussions au cours des réunions ou formations « violence », où c<strong>et</strong>te <strong>question</strong> est toujours amplementdiscutée <strong>et</strong> où <strong>la</strong> demande des personnes de terrain est patente.

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