de <strong>MSF</strong> que « tout soit mis en œuvre pour porter assistance » aux civils s’en approche, sans franchirle cap (CP du 26 mai). « Je pense qu’il a été opportun de ne pas appeler à l’intervention militaire »,commente J-H Bradol (CA août 2003). C<strong>et</strong>te position est ensuite généralisée : «il n’est pas durôle d’<strong>une</strong> organisation humanitaire de réc<strong>la</strong>mer l’usage de <strong>la</strong> force pour que des secours adaptéspuissent être délivrés aux popu<strong>la</strong>tions » (RM 2003-04). Dans le deuxième cas, l’interventioninternationale en Ituri (sous <strong>la</strong> forme de <strong>la</strong> Monuc puis de l’opération Artémis, qui contientexplicitement un vol<strong>et</strong> de <strong>protection</strong> des popu<strong>la</strong>tions) a fait l’obj<strong>et</strong> d’un rapport de <strong>MSF</strong> trèscritique de l’insuffisance de c<strong>et</strong>te « <strong>protection</strong> ». Ce rapport, intitulé Ituri, promesses non tenues ?,est désavoué a posteriori pour le caractère à <strong>la</strong> fois négatif du constat qu’il dresse <strong>et</strong> irréalistedes demandes qu’il porte. La demande qu’il adresse à <strong>la</strong> communauté internationale esteffectivement pour le moins ambiguë : s’il s’aventure vers l’appel à mieux protéger, ce n’est quepour mieux se rabattre vers l’appel à se garder par-dessus tout des «fausses promesses » <strong>et</strong> de <strong>la</strong>« fausse illusion de <strong>protection</strong> » (sic), suggérant que le problème ne serait pas tant le manque de<strong>la</strong> sécurité que celui de <strong>la</strong> vérité. Il signale le ma<strong>la</strong>ise grandissant à se situer sur le terrain de <strong>la</strong><strong>protection</strong>. En ce sens, ce rapport a probablement précipité l’adoption d’<strong>une</strong> position institutionnellesur <strong>la</strong> <strong>question</strong> :« Est-ce qu’<strong>une</strong> force militaire internationale pourrait pacifier, sécuriser l’ensemble de l’Ituri ? je nele crois pas <strong>et</strong> il ne faut pas le <strong>la</strong>isser croire » (CA août 2003) « Nous avons vu ressurgir, dans nosdiscussions sur les conflits, des appels à <strong>la</strong> <strong>protection</strong> qui m’ont semblé peu réalistes. Quand <strong>MSF</strong>réc<strong>la</strong>me que l’intervention militaire internationale pacifie l’ensemble de <strong>la</strong> province, ce<strong>la</strong> me paraîtbien irréaliste. Nous ne sommes pas capables de déployer des secours médicaux cohérents à l’échellede toute <strong>la</strong> province de l’Ituri. Alors pourquoi imaginer, dans c<strong>et</strong>te situation complexe, que ce<strong>la</strong>serait faisable d’arriver de l’étranger, avec des militaires, <strong>et</strong> de subitement résoudre tout problèmede violence, tout problème d’accès des popu<strong>la</strong>tions civiles aux secours, comme par miracle ? Nousne devons pas nous faire les propagandistes de telles illusions… » (RM 2003-04)En somme, d’<strong>une</strong> critique de l’illusion de <strong>protection</strong> donnée aux popu<strong>la</strong>tions par <strong>une</strong> communautéinternationale peu déterminée à agir, concomitante d’appels à protéger (dans les années1990), on est passé à <strong>la</strong> critique de l’illusion qu’auraient certaines personnes à <strong>MSF</strong> face à <strong>la</strong>notion de <strong>protection</strong>. Entre ces deux positions, le rapport sur l’Ituri fait figure de pivot. Fin2003, l’appel aux armes est définitivement qualifié de « tentation », à <strong>la</strong>quelle il faut donc résister,sauf dans le cas extrême du génocide, entérinant ainsi à <strong>la</strong> fois l’historique de <strong>MSF</strong> <strong>et</strong> sanouvelle position 42 . C<strong>et</strong>te formalisation de <strong>la</strong> prise de distance progressive d’avec l’appel à intervention(donc avec le discours de <strong>la</strong> <strong>protection</strong>) se r<strong>et</strong>rouve dans l’évolution des prises de positionpubliques sur les violences en général, où 2003 marque un tournant.DU ‘TÉMOIGNAGE’ AUX ‘PRISES DE POSITION PUBLIQUES’La remise en <strong>question</strong> de l’évidence du témoignage, on l’a vu, est consubstantielle autémoignage lui-même. Après les intenses désaccords inter-sections au moment de <strong>la</strong> traque desréfugiés rwandais <strong>et</strong> les nombreuses réunions qui s’ensuivent, où <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du témoignage a étéréaffirmée, <strong>MSF</strong>-F poursuit son <strong>question</strong>nement sur des dérives possibles : si le témoignage est« <strong>une</strong> tentative, parmi d’autres, d’ouvrir un accès, un espace d’humanité», « de ‘protéger’ (je le disavec beaucoup de prudence)», cependant « <strong>la</strong> prise de parole peut verser dans l’automatisme militant »42. Voir F. Weissman, « L’humanitaire <strong>et</strong> <strong>la</strong> tentation des armes », 2003, disponible sur le site <strong>MSF</strong>.35
(RM 1999-2000). Un <strong>question</strong>nement rendu probablement particulièrement impérieux du faitdu succès <strong>et</strong> de <strong>la</strong> généralisation de <strong>la</strong> notion, ainsi que de l’essor des ONG de défense des droitsde l’homme depuis le début de <strong>la</strong> décennie 1990 : «c’est pratiquement toute <strong>la</strong> ‘famille humanitaire’(qui n’en est pas <strong>une</strong> !) qui se réc<strong>la</strong>me aujourd’hui du témoignage ! (…) méfions-nous des consécrations(…) » (idem) 43 . Ensuite, <strong>la</strong> délimitation du rôle se poursuit avec <strong>la</strong> mise en garde contre <strong>la</strong>transformation de <strong>MSF</strong> en <strong>une</strong> « organisation qui s’autoriserait des prises de positions sur tous lessuj<strong>et</strong>s au nom d’<strong>une</strong> hypothétique morale universelle» (RM 2000-01) ; « nous n’avons pas à nousprononcer sur le bien fondé des guerres, mais plutôt sur <strong>la</strong> façon dont elles sont conduites: c’est là <strong>la</strong>responsabilité de l’humanitaire » (RM 2001-2002).En cohérence avec ces cadrages, eux-mêmes en lien avec <strong>la</strong> nécessité de trouver sa voix entreconfusion militaro-humanitaire <strong>et</strong> critiques des anti-impérialistes, du Kosovo à l’Afghanistan,les prises de position sur les violences dans <strong>la</strong> guerre pendant ces années (jusqu’à 2003) fontapparaître un repli sur le droit humanitaire (DIH) <strong>et</strong> celui des réfugiés comme sphère de légitimité.Dans les situations concernant des réfugiés, <strong>la</strong> référence à ces droits est prégnante <strong>et</strong> explicite,en particulier lorsqu’il s’agit de souligner le principe de r<strong>et</strong>our volontaire, de non-refoulement,en continuité avec les positionnements passés. L’usage du terme de « <strong>protection</strong> » appliqué auxréfugiés demeure de mise ; il n’est pas entaché de <strong>la</strong> même méfiance que celui de «<strong>protection</strong> descivils », du fait qu’il n’a pas subi <strong>la</strong> même torsion qui rend celle-ci synonyme d’interventionmilitaire. Aussi à propos des réfugiés tchétchènes, coréens, libériens, voit-on se multiplier lesdénonciations de «vio<strong>la</strong>tion du principe de r<strong>et</strong>our volontaire », du «droit au refuge », <strong>et</strong> les demandesde <strong>protection</strong> ; par exemple, au moment du scandale de l’exploitation sexuelle dans les campsde réfugiés d’Afrique de l’ouest, il est rappelé en interne que <strong>MSF</strong> précisément n’a fait que « martelerle manque de <strong>protection</strong> des réfugiés dans ces trois pays (3 CP) » (CA mars 2002). Chaque fois qu’ilne s’agit pas de réfugiés, <strong>la</strong> catégorie de «civils»(dont on a déjà souligné l’essor) devient omniprésentedans les discours externes mentionnant des violences. La description des «violences contre lescivils » est fréquemment associée, jusqu’à fin 2003, à des demandes adressées aux «parties enconflit » ou « belligérants » de « respecter leurs droits » ou « respecter <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion civile » (à proposdu Congo-Brazzaville, de <strong>la</strong> Tchétchénie, de <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, du Libéria, de l’Ituri, <strong>et</strong>c.). Quantaux violences commises par des forces occidentales dans leur «guerre à <strong>la</strong> terreur », elles suscitentle recours explicite aux «Conventions de Genève » (CP décembre 2001, octobre 2003).Une n<strong>et</strong>te inflexion a lieu fin 2003, qui procède de <strong>la</strong> volonté de maîtriser <strong>une</strong> communicationexterne devenue abondante 44 . La revue des communiqués de presse (CP) <strong>la</strong> révèle de façonpatente : le nombre de ceux re<strong>la</strong>tifs à des situations violentes chute de façon drastique 45 . Dansces communiqués, si <strong>la</strong> catégorie de « civils » continue d’être utilisée afin de pointer l’existencede violences, en revanche <strong>la</strong> référence au DIH, les appels à «respecter les civils » y deviennentexceptionnels.3643. Il nous semble en eff<strong>et</strong> constater de façon générale un irrépressible réflexe de démarquage de <strong>MSF</strong> (France en particulier)d’avec toute idée qui deviendrait majoritaire (dans <strong>la</strong> «famille » humanitaire, ou dans l’arène publique) : il joue certainementun rôle ici, comme il en joue un à propos de <strong>la</strong> généralisation de <strong>la</strong> notion de <strong>protection</strong>. « Le problème, c’est que jene supporte pas d’être dans <strong>la</strong> majorité », dit R. Brauman dans son entr<strong>et</strong>ien avec M. Potte-Bonneville <strong>et</strong> S. Grel<strong>et</strong>, « Qu’estcequ’on fait là ? », Vacarme n°4-5, été 1997. « Restons des emmerdeurs. C’est un but moral important», rappe<strong>la</strong>it-il dans sonrapport moral 1992-93. Ce trait personnel nous semble être aussi un trait institutionnel de <strong>MSF</strong>, <strong>une</strong> sorte d’‘<strong>et</strong>hos de <strong>la</strong>différence’ ancré dans l’histoire de l’association, <strong>et</strong> auquel tous les <strong>MSF</strong> se réfèrent – ce qui ne <strong>la</strong>isse pas d’ennuyer <strong>MSF</strong>-F, qui doit alors se démarquer de c<strong>et</strong>te différence revendiquée…44. On voit par exemple apparaître <strong>une</strong> section «prises de parole publiques» dans les CA, dédiée à leur revue critique, à partird’octobre 2003. Une rubrique simi<strong>la</strong>ire apparaît dans les rapports moraux à partir de celui de mai 2004.45. Les CP re<strong>la</strong>tifs à des situations violentes sont plus d’<strong>une</strong> trentaine en 2003, <strong>une</strong> quinzaine en 2004, puis moins de 10 en2005, <strong>une</strong> dizaine en 2006, tandis que les CP re<strong>la</strong>tifs à des problématiques médicales deviennent <strong>la</strong>rgement majoritaires(<strong>une</strong> vingtaine en 2005), puis décroissent (<strong>une</strong> dizaine en 2006).
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violer / être exclue par mon mari
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éclairer la suite. Il nous semble
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A chaque fois, ils voient mal quell
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le coordinateur Nord Kivu disait é
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le problème réel n’est pas celu
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