C’est ensuite autour du poids respectif alloué d’<strong>une</strong> part aux risques pris sur <strong>la</strong> sécurité de l’équipe<strong>et</strong> l’opérationnalité (l’accès), d’autre part à <strong>la</strong> nécessité de mentionner les suj<strong>et</strong>s délicats que sontentraves à l’accès <strong>et</strong> violences, que se structurent les différentes positions :- L’argumentation en faveur d’<strong>une</strong> prise de parole mentionnant les violences <strong>et</strong> les entraves à l’accèsrecourt explicitement à <strong>la</strong> mention du «rôle » de <strong>MSF</strong>, allusion à l’idée d’un rôle de témoignageface à des violences d’<strong>une</strong> telle gravité. Ce faisant, elle énonce <strong>une</strong> certaine conception de l’organisationen se p<strong>la</strong>çant sur le terrain de l’identité – donc de l’impératif. Au regard de c<strong>et</strong> impératif,les risques sur <strong>la</strong> sécurité <strong>et</strong> l’opérationnalité sont considérés comme minimaux. C’est c<strong>et</strong>teconfrontation entre l’impératif lié à <strong>la</strong> gravité de <strong>la</strong> situation (parler comme action de <strong>protection</strong>)<strong>et</strong> <strong>la</strong> contrainte liée à l’opérationnalité (se taire comme <strong>protection</strong> de l’action) qui soustendle positionnement en faveur d’<strong>une</strong> mention des violences <strong>et</strong> des entraves. D’autre part, selonson évaluation du rapport de force, il y a nécessité de forcer l’accès <strong>et</strong> contrer les autorités deKhartoum qui se jouent de <strong>MSF</strong> (<strong>MSF</strong>-B <strong>et</strong> <strong>MSF</strong>-H ont vingt expatriés bloqués à Khartoum).Enfin, elle pointe les risques de récupération liés à <strong>une</strong> communication qui ferait l’impasse surces entraves : servir ainsi d’<strong>une</strong> part <strong>la</strong> propagande du gouvernement soudanais (GoS) sur l’accèslibre au Darfour, de l’autre l’oblitération du conflit par <strong>la</strong> communauté internationalesoucieuse de préserver l’image du processus de paix nord-sud ; concentrer indûment <strong>la</strong> responsabilitéde <strong>la</strong> situation sur les acteurs humanitaires ‘défail<strong>la</strong>nts’.- A l’inverse, les justifications d’<strong>une</strong> prise de parole concentrée sur l’insuffisance des secourss’appuient sur un ordre hiérarchique ou sur <strong>une</strong> évaluation des risques différents. Pour certains,<strong>la</strong> nécessité impérieuse d’obtenir <strong>une</strong> mobilisation des acteurs d’aide est le message prioritaireà faire passer afin de faire face à <strong>une</strong> situation en train de s’aggraver (en espérant qu’entre tempsl’accès se soit débloqué, mais sans tenter de le forcer au risque de le perdre). D’autres insistentsurtout sur le spectre de risques importants sur <strong>la</strong> sécurité <strong>et</strong> l’opérationnalité (crainte d’entravesplus fortes à <strong>la</strong> venue de personnel <strong>et</strong> à l’exploration de zones, à commencer par l’expulsion; crainte de mesures de rétorsion contre le personnel humanitaire <strong>et</strong> référence au grave incidentde 1989) 84 . Dans les deux cas, l’argumentation se p<strong>la</strong>ce sur le terrain pragmatique desbesoins. Ce positionnement relève pour <strong>une</strong> part d’<strong>une</strong> conception du rôle premier de <strong>MSF</strong> quel’on pourrait appeler ‘secouriste’ (non explicitement formulée ici), divergente de celle décriteplus haut. Pour <strong>une</strong> autre part, il y a <strong>une</strong> crainte réelle d’investir les terrains délicats de l’entrave<strong>et</strong> des violences, qui menaceraient l’accès déjà acquis (si ce n’était le cas, le rôle de secouristejustifierait pleinement de dénoncer frontalement les entraves à l’accès). En ce sens, le rapportde force avec les autorités est à éviter (d’où <strong>la</strong> mention par certains du grave incident de 1989,<strong>la</strong> mort de volontaires faisant office d’argument imparable dans le débat) <strong>et</strong> les risques de récupérationmentionnés par <strong>la</strong> position adverse sont considérés comme secondaires.Au final, « <strong>la</strong> décision de ne pas communiquer publiquement sur les violences <strong>et</strong> le contingentementdrastique des secours » l’emporte, « fruit d’un arbitrage c<strong>la</strong>irement assumé » 85 . Parler en termes83. Voir étude de cas Traque des réfugiés, où nous avons amorcé ce constat.84. Dans sa présentation au CA du 27 février 2004, l’ARP du desk urgence remarque que «<strong>la</strong> prise de parole est très encadrée puisquel’utilisation même du terme ‘violence’ publiquement génère de sérieuses tensions». Lors du débat, en réponse à deux personnes évoquant<strong>la</strong> nécessité d’<strong>une</strong> communication intensive sur les difficultés à porter secours (y compris en citant un exemple, Meiram, où «touts’est débloqué» à partir de <strong>la</strong> médiatisation de <strong>la</strong> crise), elle mentionne d’<strong>une</strong> part les menaces du gouvernement suite au CP du15 janvier, d’autre part le fait que <strong>MSF</strong> est déjà «favorisé» en obtenant des autorisations au compte-goutte, <strong>et</strong> le débat se clôt.85. RCO, page 112. C’est effectivement ce qu’indique le ton du rapport moral à quelques mois de distance : «Le Darfour a étéégalement <strong>et</strong> à juste titre l’obj<strong>et</strong> de notre mobilisation en matière de diffusion de messages. C<strong>et</strong>te campagne d’information meparaît dans l’ensemble réussie. Nous avons contribué significativement à faire connaître l’importance de <strong>la</strong> catastrophe <strong>et</strong> l’insuffisancedes secours» (J-H Bradol, rapport moral 2003-04, mai 2004).93
d’arbitrage présente l’avantage de montrer que l’action effectivement menée résulte à chaquefois d’un calcul, où sont mis en tension des éléments contradictoires. Le positionnement sur lesviolences fait partie intégrante de c<strong>et</strong>te appréciation de ce qui est le plus bénéfique <strong>et</strong> le moinsrisqué pour les équipes <strong>et</strong> ‘les popu<strong>la</strong>tions’ à différents égards – popu<strong>la</strong>tions assistées, accessibles,popu<strong>la</strong>tions non accessibles, besoins vitaux immédiats, vulnérabilité à <strong>la</strong> violence – : faireprofil bas pour préserver <strong>une</strong> présence, <strong>une</strong> opérationnalité même limitées, en espérant <strong>une</strong>ouverture future de l’espace de travail, dénoncer les violences ou les entraves afin de forcer c<strong>et</strong>espace, au risque de se voir plus entravé encore… «C’est <strong>la</strong> préservation de nos activités <strong>et</strong> l’espoirde les étendre qui ont prévalu », note <strong>la</strong> RCO.On peut ici prolonger le constat fait plus haut d’un r<strong>et</strong>ournement entre les positions tenues par<strong>MSF</strong>-F pendant <strong>la</strong> traque <strong>et</strong> début 2004 au Darfour concernant <strong>la</strong> prise de position publique.Lors de <strong>la</strong> traque, c’est précisément l’importance accordée à <strong>la</strong> préservation de <strong>la</strong> présence, devenuecritère principal de jugement <strong>et</strong> d’action, qui faisait l’obj<strong>et</strong> d’<strong>une</strong> double critique des autressections par <strong>MSF</strong>-France – critique de <strong>la</strong> diplomatie silencieuse comme stratégie inefficace faceà des violences ciblées <strong>et</strong> délibérées, critique du silence comme posture intenable face à <strong>la</strong> gravitéde <strong>la</strong> situation <strong>et</strong> au dérisoire de l’action dans ce contexte. En ce sens, il y a certainement, audelàde <strong>la</strong> différence entre les deux contextes, un changement de ‘culture pratique’ de <strong>MSF</strong>-Fdans le sens d’<strong>une</strong> moindre évidence à prendre <strong>la</strong> parole aujourd’hui.Le r<strong>et</strong>ournement n’est pourtant pas total. Si l’arbitrage début 2004 au Darfour est bien en faveur dusilence sur les violences <strong>et</strong> les entraves, s’il a bien été assumé sur le moment, il est en revanche fortementnuancé rétrospectivement 86 .La RCO remarque ainsi que «<strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce entre le risque d’expulsion <strong>et</strong>les bénéfices des activités de secours ne penchait pas de manière n<strong>et</strong>te <strong>et</strong> tranchée» en faveur de ce choix.Elle pose alors <strong>la</strong> <strong>question</strong> de savoir combien de temps <strong>MSF</strong> aurait ainsi maintenu sa stratégie desilence sur les entraves <strong>et</strong> les violences, suggérant que c<strong>et</strong>te occultation délibérée des causes seraitbientôt apparue à beaucoup comme intenable au regard de <strong>la</strong> situation (gravité des violences, gravitéde leurs conséquences en termes de besoins, <strong>et</strong> sévérité des entraves à <strong>une</strong> réponse à ces besoins); <strong>et</strong>qu’elle serait également apparue inopport<strong>une</strong> en termes de stratégie puisque l’on reconnaissait queseule <strong>une</strong> médiatisation de <strong>la</strong> crise pouvait m<strong>et</strong>tre le Darfour à l’agenda diplomatique.2 - SECOURS ET POSITIONNEMENTS SUR LES VIOLENCES, UNE ARTICULATION SERREEPrécisément, les mois de mars <strong>et</strong> avril voient un infléchissement progressif se produire. Tout enrestant très vo<strong>la</strong>tile, <strong>la</strong> situation sur le terrain connaît <strong>une</strong> re<strong>la</strong>tive accalmie, <strong>la</strong> campagne de destructionautour de Mornay ayant pris fin (pour se dép<strong>la</strong>cer ailleurs, semble-t-il); les proj<strong>et</strong>s Zalingei <strong>et</strong>Niertiti se développent. C’est <strong>la</strong> vulnérabilité au quotidien qui apparaît c<strong>la</strong>irement comme l’enjeuprincipal, justifiant de continuer à demander instamment <strong>une</strong> augmentation des secours.Alertant <strong>une</strong> fois de plus sur <strong>la</strong> situation des dép<strong>la</strong>cés dans les camps, <strong>MSF</strong> s’autorise début mars àfaire référence, en pointillés, aux violences prises comme arrière-p<strong>la</strong>n, comme contexte général: les9486. On peut raisonnablement penser que <strong>la</strong> remarque du rapport moral 2004-05 citée plus haut (sur le fait qu’il était «nécessaireque <strong>la</strong> gravité de <strong>la</strong> crise soit publiquement connue»), qui se réfère au silence fin 2003, porte également sur <strong>la</strong> périodede début 2004.
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