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Judith Soussan, "MSF et la protection, une question réglée?"

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d’arbitrage présente l’avantage de montrer que l’action effectivement menée résulte à chaquefois d’un calcul, où sont mis en tension des éléments contradictoires. Le positionnement sur lesviolences fait partie intégrante de c<strong>et</strong>te appréciation de ce qui est le plus bénéfique <strong>et</strong> le moinsrisqué pour les équipes <strong>et</strong> ‘les popu<strong>la</strong>tions’ à différents égards – popu<strong>la</strong>tions assistées, accessibles,popu<strong>la</strong>tions non accessibles, besoins vitaux immédiats, vulnérabilité à <strong>la</strong> violence – : faireprofil bas pour préserver <strong>une</strong> présence, <strong>une</strong> opérationnalité même limitées, en espérant <strong>une</strong>ouverture future de l’espace de travail, dénoncer les violences ou les entraves afin de forcer c<strong>et</strong>espace, au risque de se voir plus entravé encore… «C’est <strong>la</strong> préservation de nos activités <strong>et</strong> l’espoirde les étendre qui ont prévalu », note <strong>la</strong> RCO.On peut ici prolonger le constat fait plus haut d’un r<strong>et</strong>ournement entre les positions tenues par<strong>MSF</strong>-F pendant <strong>la</strong> traque <strong>et</strong> début 2004 au Darfour concernant <strong>la</strong> prise de position publique.Lors de <strong>la</strong> traque, c’est précisément l’importance accordée à <strong>la</strong> préservation de <strong>la</strong> présence, devenuecritère principal de jugement <strong>et</strong> d’action, qui faisait l’obj<strong>et</strong> d’<strong>une</strong> double critique des autressections par <strong>MSF</strong>-France – critique de <strong>la</strong> diplomatie silencieuse comme stratégie inefficace faceà des violences ciblées <strong>et</strong> délibérées, critique du silence comme posture intenable face à <strong>la</strong> gravitéde <strong>la</strong> situation <strong>et</strong> au dérisoire de l’action dans ce contexte. En ce sens, il y a certainement, audelàde <strong>la</strong> différence entre les deux contextes, un changement de ‘culture pratique’ de <strong>MSF</strong>-Fdans le sens d’<strong>une</strong> moindre évidence à prendre <strong>la</strong> parole aujourd’hui.Le r<strong>et</strong>ournement n’est pourtant pas total. Si l’arbitrage début 2004 au Darfour est bien en faveur dusilence sur les violences <strong>et</strong> les entraves, s’il a bien été assumé sur le moment, il est en revanche fortementnuancé rétrospectivement 86 .La RCO remarque ainsi que «<strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce entre le risque d’expulsion <strong>et</strong>les bénéfices des activités de secours ne penchait pas de manière n<strong>et</strong>te <strong>et</strong> tranchée» en faveur de ce choix.Elle pose alors <strong>la</strong> <strong>question</strong> de savoir combien de temps <strong>MSF</strong> aurait ainsi maintenu sa stratégie desilence sur les entraves <strong>et</strong> les violences, suggérant que c<strong>et</strong>te occultation délibérée des causes seraitbientôt apparue à beaucoup comme intenable au regard de <strong>la</strong> situation (gravité des violences, gravitéde leurs conséquences en termes de besoins, <strong>et</strong> sévérité des entraves à <strong>une</strong> réponse à ces besoins); <strong>et</strong>qu’elle serait également apparue inopport<strong>une</strong> en termes de stratégie puisque l’on reconnaissait queseule <strong>une</strong> médiatisation de <strong>la</strong> crise pouvait m<strong>et</strong>tre le Darfour à l’agenda diplomatique.2 - SECOURS ET POSITIONNEMENTS SUR LES VIOLENCES, UNE ARTICULATION SERREEPrécisément, les mois de mars <strong>et</strong> avril voient un infléchissement progressif se produire. Tout enrestant très vo<strong>la</strong>tile, <strong>la</strong> situation sur le terrain connaît <strong>une</strong> re<strong>la</strong>tive accalmie, <strong>la</strong> campagne de destructionautour de Mornay ayant pris fin (pour se dép<strong>la</strong>cer ailleurs, semble-t-il); les proj<strong>et</strong>s Zalingei <strong>et</strong>Niertiti se développent. C’est <strong>la</strong> vulnérabilité au quotidien qui apparaît c<strong>la</strong>irement comme l’enjeuprincipal, justifiant de continuer à demander instamment <strong>une</strong> augmentation des secours.Alertant <strong>une</strong> fois de plus sur <strong>la</strong> situation des dép<strong>la</strong>cés dans les camps, <strong>MSF</strong> s’autorise début mars àfaire référence, en pointillés, aux violences prises comme arrière-p<strong>la</strong>n, comme contexte général: les9486. On peut raisonnablement penser que <strong>la</strong> remarque du rapport moral 2004-05 citée plus haut (sur le fait qu’il était «nécessaireque <strong>la</strong> gravité de <strong>la</strong> crise soit publiquement connue»), qui se réfère au silence fin 2003, porte également sur <strong>la</strong> périodede début 2004.

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