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Jamais moi sans toi

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C EQUE LES AUTRES PENSENT DE MOI 13<br />

© Dunod –Laphotocopienon autorisée est un délit<br />

Mais dans tous les cas, elle entre dans une situation dedépendance ou,<br />

si elle l’est déjà,celle-cise confirme.<br />

Avant de poursuivre, citons Freud (1914, p. 99 et sq.)àpropos du<br />

délired’observation,danslequel le sujetsevitcomme étantle «centre<br />

d’attention des autres », espionné et surveillé, critiqué àcause deses<br />

«égarements moraux ». Le patient croit que l’on connaît toutes ses<br />

pensées. Des voix lui parlent àlatroisième personne (commentairedela<br />

pensée). En fait,proposeFreud, c’est le sur<strong>moi</strong>, instance intérieure, qui<br />

est projetée vers l’extérieur. Ilest curieux que Freud utilise cet exemple<br />

duproposdélirant,extrême,àla foisparla sévéritédelacritiqueetparla<br />

rupture totale qu’il suppose avec la réalité alors que lesur<strong>moi</strong> implique,<br />

au contraire, unéquilibreaccompli et unsolide critèrederéalité (Freud,<br />

1929). Le délirant ne se fieguère àsa capacité d’auto-observation ;pour<br />

cela ilfaut pouvoir sedétacher de soi, avoir unnarcissisme modéré et<br />

non pas absolu. Parfois le délirant apeur de ce qu’il peut voir en lui ;<br />

prisau dépourvu,sa découverteledéstabilise.<br />

À proposdurôle dusur<strong>moi</strong> dansl’humour,ilest en revanche dépeint<br />

sous unjour bienveillant.Lesur<strong>moi</strong>s’adresseau<strong>moi</strong>enluiexpliquant<br />

que, tel unenfant, «il seprendlatêtepour rien ». Il l’inviteàenvisager<br />

ses difficultés avec légèreté (Freud, 1927). Ce fut en 1923, etplus<br />

nettement en 1929, que Freud fait du sur<strong>moi</strong> une instance intérieure<br />

organisatrice. Auparavant,sesfonctionsparaissaientcomplexesetcontradic<strong>toi</strong>res.<br />

L’idée d’instance permet de discerner que lesentiment éthique<br />

opère depuis l’intérieur du sujet et indépendamment d’une influence<br />

extérieure, bien quedansl’his<strong>toi</strong>redusujetd’autresontpul’infléchirpar<br />

leurscommentaires.Maisl’individucroitferme àson propre critère. En<br />

1929, Freud tient des propos saisissants :grâce au sur<strong>moi</strong> chacun peut<br />

se sentir solidaire del’ami qui souffre, car ce serait comme si cela lui<br />

arrivaitàlui(cf.chap. 5et6).<br />

Pourrait-on conclure que faire allusion àl’avis extérieur est une<br />

question pathologique ?<br />

C OMMENT SE DÉGAGER DE « L’ ÉTAT DE MINORITÉ »?<br />

Un siècle etdemi avant ces observations, lemonde des idées avait<br />

vécu unchangement important, celui del’avènement des Lumières<br />

(l’ Aufklärung). Un article paraît dans unjournal :«Qu’est-ce que les<br />

lumières ?»Il est signé Emmanuel Kant (1784). Laphrase deKant que<br />

nous avons citée en exergue yapparaît :«Aie lecourage dete servir<br />

de ton propre entendement !»Cette phrase touche deprès notre propos.

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