Jamais moi sans toi
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L ARECONNAISSANCE DELADIFFÉRENCE 53<br />
© Dunod –Laphotocopienon autorisée est un délit<br />
(Ricœur, op. cit.,p.394) :un combat pour dissiper la méfiance desoi<br />
envers l’autreetde l’autreenvers soi.<br />
Tentative «de pacification »decette «lutte »,le don se révèle être<br />
l’un des moyens universaux de la reconnaissance mutuelle. Je vais<br />
analyserla question dudon unpeuplus loin,quiseréfèreprincipalement<br />
au cycle dudon et du contre-don décrit par M. Mauss (1926). Le filial et<br />
la différence culturelle,quipourrontaspireràlamême place pacifiante,<br />
seront étudiésséparément.<br />
Nous avons déjà souligné l’intérêt de la dimension de mutualité ;qui<br />
inaugureetconsolidelelienintersubjectif ;en faitelle est l’accomplissementde<br />
l’idée même de reconnaissance. La mutualitérisquecertesde se<br />
laisser envahir par la passion fusionnelle dans une tentativedesoulager<br />
le conflit et la méfiance. Ilimporte toutefois de rappeler que les êtres en<br />
fusion ne disentjamais«merci »ou«derien ».Pour eux,ledon vade<br />
soi ;il n’est pasune conquêteniunlabeur.Ainsiquenous l’entendons,<br />
la mutualité implique reconnaissance du droit àl’intimité d’autrui, à<br />
sa singularité. Elle signifie différencier «ceque tu es »et«ceque tu<br />
m’offres »;«ceque tu gardes pour <strong>toi</strong> »et«ceque tu ne me donnes<br />
pas puisque cela t’appartient et que peut-être tu voudrais l’offrir àun<br />
autre ».Lamutualitéfaitla distinctionentrelesattributsde l’êtreetceux<br />
de l’avoir.Lacastration passepar là.<br />
Le cycle du don et du contre-don a été décrit par le socioanthropologue<br />
Mauss (1926) ; il anime la vie sociale de maints<br />
peuples amérindiens et océaniques. C’est une règle qui stipule une<br />
double obligation dedonner et de recevoir et une série d’actes. Un<br />
individu fait acte degénérosité envers un autre, qui par cette règle se<br />
voitcontraintd’offriruncontre-don de valeur équivalenteousupérieure.<br />
Dansce derniercas,lepremierdonateur estamené àoffrir undeuxième<br />
don pour compenser l’effort «additionnel » du second. Le cycle se<br />
poursuivra tant que ledon dépasse enqualitéeten valeur celui qui aété<br />
précédemment offert 1 .<br />
Ce n’est pas forcément la valeur des dons qui anime l’échange, mais<br />
le fait d’échanger afin de confirmer ce que l’inconscient désire, àsavoir<br />
quelessujets selientet qu’ilsentretiennentune relation entreeux.<br />
Cela légitime l’idée deBowbly (1969), reprise par Stern (1989),<br />
que l’inconscient ne recèle pas de représentations d’objets, mais des<br />
1. J’ai pu longuement développer ce thème dans l’ouvrage La Part des ancêtres. Le<br />
lecteur ytrouveraune réflexion surle don etla dettedansla vie desfamilles ;cesnotions<br />
apportent unenrichissement àlathéorie du sur<strong>moi</strong> ;l’étude de leurs dérives cliniques<br />
présente un grandintérêt.