23.06.2013 Views

Les liaisons dangereuses - Ebooks libres et gratuits

Les liaisons dangereuses - Ebooks libres et gratuits

Les liaisons dangereuses - Ebooks libres et gratuits

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>Les</strong> <strong>liaisons</strong> <strong>dangereuses</strong><br />

sur le compte de votre vertu ; il s'en plaindra peut−être, mais il vous en aimera davantage, <strong>et</strong> pour avoir le<br />

double mérite, aux yeux de l'un de sacrifier l'amour, à ceux de l'autre, d'y résister, il ne vous en coûtera que<br />

d'en goûter les plaisirs. Oh ! combien de femmes ont perdu leur réputation, qui l'eussent conservée avec soin,<br />

si elles avaient pu la soutenir par de pareils moyens !<br />

Ce parti que je vous propose, ne vous paraît−il pas le plus raisonnable, comme le plus doux ?<br />

Savez−vous ce que vous avez gagné à celui que vous avez pris ? c'est que votre Maman a attribué votre<br />

redoublement de tristesse à un redoublement d'amour, qu'elle en est outrée, <strong>et</strong> que pour vous en punir elle<br />

n'attend que d'en être plus sûre. Elle vient de m'en écrire ; elle tentera tout pour obtenir c<strong>et</strong> aveu de<br />

vous−même. Elle ira, peut−être, me dit−elle, jusqu'à vous proposer Danceny pour époux ; <strong>et</strong> cela pour vous<br />

engager à parler. Et si, vous laissant séduire par c<strong>et</strong>te trompeuse tendresse, vous répondiez, selon votre coeur,<br />

bientôt renfermée pour longtemps, peut−être pour toujours, vous pleureriez à loisir votre aveugle crédulité.<br />

C<strong>et</strong>te ruse qu'elle veut employer contre vous, il faut la combattre par une autre. Commencez donc, en lui<br />

montrant moins de tristesse, à lui faire croire que vous songez moins à Danceny. Elle se le persuadera<br />

d'autant plus facilement, que c'est l'eff<strong>et</strong> ordinaire de l'absence ; <strong>et</strong> elle vous en saura d'autant plus de gré,<br />

qu'elle y trouvera une occasion de s'applaudir de sa prudence, qui lui a suggéré ce moyen. Mais si, conservant<br />

quelque doute, elle persistait pourtant à vous éprouver, <strong>et</strong> qu'elle vînt à vous parler de mariage,<br />

renfermez−vous, en fille bien née, dans une parfaite soumission. Au fait, qu'y risquez−vous ? Pour ce qu'on<br />

fait d'un mari, l'un vaut toujours bien l'autre ; <strong>et</strong> le plus incommode est encore moins gênant qu'une mère.<br />

Une fois plus contente de vous, votre Maman vous mariera enfin ; <strong>et</strong> alors, plus libre dans vos<br />

démarches, vous pourrez, à votre choix, quitter Valmont pour prendre Danceny, ou même les garder tous<br />

deux. Car, prenez−y garde, votre Danceny est gentil : mais c'est un de ces hommes qu'on a quand on veut <strong>et</strong><br />

tant qu'on veut ; on peut donc se m<strong>et</strong>tre à l'aise avec lui. Il n'en est pas de même de Valmont : on le garde<br />

difficilement ; <strong>et</strong> il est dangereux de le quitter. Il faut avec lui beaucoup d'adresse, ou, quand on n'en a pas,<br />

beaucoup de docilité. Mais, aussi, si vous pouviez parvenir à vous l'attacher comme ami, ce serait là un<br />

bonheur ! il vous m<strong>et</strong>trait tout de suite au premier rang de nos femmes à la mode. C'est comme cela qu'on<br />

acquiert une consistance dans le monde, <strong>et</strong> non pas à rougir <strong>et</strong> à pleurer, comme quand vos Religieuses vous<br />

faisaient dîner à genoux.<br />

Vous tâcherez donc, si vous êtes sage, de vous raccommoder avec Valmont, qui doit être très en colère<br />

contre vous ; <strong>et</strong> comme il faut savoir réparer ses sottises, ne craignez pas de lui faire quelques avances ;<br />

aussi bien apprendrez− vous bientôt, que si les hommes nous font les premières, nous sommes presque<br />

toujours obligées de faire les secondes. Vous avez un prétexte pour celles−ci : car il ne faut pas que vous<br />

gardiez c<strong>et</strong>te L<strong>et</strong>tre ; <strong>et</strong> j'exige de vous de la rem<strong>et</strong>tre à Valmont aussitôt que vous l'aurez lue. N'oubliez pas<br />

pourtant de la recach<strong>et</strong>er auparavant. D'abord, c'est qu'il faut vous laisser le mérite de la démarche que vous<br />

ferez vis−à−vis de lui, <strong>et</strong> qu'elle n'ait pas l'air de vous avoir été conseillée ; <strong>et</strong> puis, c'est qu'il n'y a que vous<br />

au monde dont je sois assez l'amie pour vous parler comme je fais.<br />

Adieu, bel Ange, suivez mes conseils, <strong>et</strong> vous me manderez si vous vous en trouvez bien.<br />

P.S. : A propos, j'oubliais... un mot encore. Voyez donc à soigner davantage votre style. Vous écrivez<br />

toujours comme un enfant. Je vois bien d'où cela vient ; c'est que vous dites tout ce que vous pensez, <strong>et</strong> rien<br />

de ce que vous ne pensez pas. Cela peut passer ainsi de vous à moi, qui devons n'avoir rien de caché l'une<br />

pour l'autre : mais avec tout le monde ! avec votre Amant surtout ! vous auriez toujours l'air d'une p<strong>et</strong>ite<br />

sotte. Vous voyez bien que, quand vous écrivez à quelqu'un, c'est pour lui <strong>et</strong> non pas pour vous : vous devez<br />

donc moins chercher à lui dire ce que vous pensez, que ce qui lui plaît davantage.<br />

Adieu, mon coeur : je vous embrasse au lieu de vous gronder dans l'espérance que vous serez plus<br />

raisonnable.<br />

LETTRE CV 174

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!