Les liaisons dangereuses - Ebooks libres et gratuits
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LETTRE CVII<br />
AZOLAN AU VICOMTE DE VALMONT<br />
Monsieur,<br />
<strong>Les</strong> <strong>liaisons</strong> <strong>dangereuses</strong><br />
Conformément à vos ordres, j'ai été, aussitôt la réception de votre L<strong>et</strong>tre, chez M. Bertrand, qui m'a<br />
remis les vingt−cinq louis, comme vous lui aviez ordonné. Je lui en avais demandé deux de plus pour<br />
Philippe, à qui j'avais dit de partir sur−le−champ, comme Monsieur me l'avait mandé, <strong>et</strong> qui n'avait pas<br />
d'argent ; mais Monsieur votre homme d'affaires n'a pas voulu, en disant qu'il n'avait pas d'ordre de ça de<br />
vous. J'ai donc été obligé de les donner de moi <strong>et</strong> Monsieur m'en tiendra compte, si c'est sa bonté.<br />
Philippe est parti hier au soir. Je lui ai bien recommandé de ne pas quitter le cabar<strong>et</strong>, afin qu'on puisse<br />
être sur de le trouver si on en a besoin.<br />
J'ai été tout de suite après chez Madame la Présidente pour voir Mademoiselle Julie : mais elle était<br />
sortie, <strong>et</strong> je n'ai parlé qu'à La Fleur, de qui je n'ai pu rien savoir, parce que depuis son arrivée il n'avait été à<br />
l'hôtel qu'à l'heure des repas. C'est le second qui a fait tout le service, <strong>et</strong> Monsieur sait bien que je ne<br />
connaissais pas celui−là. Mais j'ai commencé aujourd'hui.<br />
Je suis r<strong>et</strong>ourné ce matin chez Mademoiselle Julie, <strong>et</strong> elle a paru bien aise de me voir. Je l'ai interrogée<br />
sur la cause du r<strong>et</strong>our de sa Maîtresse ; mais elle m'a dit n'en rien savoir, <strong>et</strong> je crois qu'elle a dit vrai. Je lui ai<br />
reproché de ne pas m'avoir averti de son départ, <strong>et</strong> elle m'a assuré qu'elle ne l'avait su que le soir même en<br />
allant coucher Madame : si bien qu'elle a passé toute la nuit à ranger, <strong>et</strong> que la pauvre fille n'a pas dormi<br />
deux heures. Elle n'est sortie ce soir−là de la chambre de sa Maîtresse qu'à une heure passée, <strong>et</strong> elle l'a laissée<br />
qui se m<strong>et</strong>tait seulement à écrire.<br />
Le matin, Madame de Tourvel, en partant, a remis une L<strong>et</strong>tre au Concierge du Château. Mademoiselle<br />
Julie ne sait pas pour qui : elle dit que c'était peut−être pour Monsieur ; mais Monsieur ne m'en parle pas.<br />
Pendant tout le voyage, Madame a eu un grand capuchon sur sa figure, ce qui faisait qu'on ne pouvait la<br />
voir ; mais Mademoiselle Julie croit être sûre qu'elle a pleuré souvent. Elle n'a pas dit une parole pendant la<br />
route, <strong>et</strong> elle n'a pas voulu s'arrêter à... [Toujours le même village, à moitié chemin de la route], comme elle<br />
avait fait en allant, ce qui n'a pas fait trop de plaisir à Mademoiselle Julie, qui n'avait pas déjeuné. Mais,<br />
comme je lui ai dit, les Maîtres sont les Maîtres.<br />
En arrivant, Madame s'est couchée ; mais elle n'est restée au lit que deux heures. En se levant, elle a fait<br />
venir son Suisse, <strong>et</strong> lui a donné ordre de ne laisser entrer personne. Elle n'a point fait de toil<strong>et</strong>te du tout. Elle<br />
s'est mise à table pour dîner ; mais elle n'a mangé qu'un peu de potage, <strong>et</strong> elle en est sortie tout de suite. On<br />
lui a porté son café chez elle <strong>et</strong> Mademoiselle Julie est entrée en même temps. Elle a trouvé sa Maîtresse qui<br />
rangeait des papiers dans son secrétaire, <strong>et</strong> elle a vu que c'était des L<strong>et</strong>tres. Je parierais bien que ce sont celles<br />
de Monsieur ; <strong>et</strong> des trois qui lui sont arrivées dans l'après−midi, il y en a une qu'elle avait encore devant elle<br />
tout au soir ! Je suis bien sûr que c'est encore une de Monsieur. Mais pourquoi donc est−ce qu'elle s'en est<br />
allée comme ça ? ça m'étonne, moi ! au reste, sûrement que Monsieur le sait bien ? Et ce ne sont pas mes<br />
affaires.<br />
Madame la Présidente est allée l'après−midi dans la Bibliothèque, <strong>et</strong> elle y a pris deux Livres qu'elle a<br />
emportés dans son boudoir : mais Mademoiselle Julie assure qu'elle n'a pas lu dedans un quart d'heure dans<br />
toute la journée, <strong>et</strong> qu'elle n'a fait que lire c<strong>et</strong>te L<strong>et</strong>tre, rêver <strong>et</strong> être appuyée sur sa main. Comme j'ai imaginé<br />
que Monsieur serait bien aise de savoir quels sont ces Livres−là, <strong>et</strong> que Mademoiselle Julie ne le savait pas,<br />
LETTRE CVII 178