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Les liaisons dangereuses - Ebooks libres et gratuits

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LETTRE CXVI<br />

LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES<br />

Madame de Merteuil est partie ce matin pour la campagne ; ainsi, ma charmante Cécile, me voilà privé<br />

du seul plaisir qui me restait en votre absence, celui de parler de vous à votre amie <strong>et</strong> à la mienne. Depuis<br />

quelque temps, elle m'a permis de lui donner ce titre ; <strong>et</strong> j'en ai profité avec d'autant plus d'empressement,<br />

qu'il me semblait, par là, me rapprocher de vous davantage. Mon Dieu ! que c<strong>et</strong>te femme est aimable <strong>et</strong> quel<br />

charme flatteur elle sait donner à l'amitié ! Il semble que ce doux sentiment s'embellisse <strong>et</strong> se fortifie chez<br />

elle de tout ce qu'elle refuse à l'amour. Si vous saviez comme elle vous aime, comme elle se plaît à<br />

m'entendre lui parler de vous ! ... C'est là sans doute ce qui m'attache autant à elle. Quel bonheur de pouvoir<br />

vivre uniquement pour vous deux, de passer sans cesse des délices de l'amour aux douceurs de l'amitié, d'y<br />

consacrer toute mon existence, d'être en quelque sorte le point de réunion de votre attachement réciproque ;<br />

<strong>et</strong> de sentir toujours que, m'occupant du bonheur de l'une, je travaillerais également à celui de l'autre !<br />

Aimez, aimez beaucoup, ma charmante amie, c<strong>et</strong>te femme adorable. L'attachement que j'ai pour elle,<br />

donnez−y plus de prix encore, en le partageant. Depuis que j'ai goûté le charme de l'amitié, je désire que vous<br />

l'éprouviez à votre tour. <strong>Les</strong> plaisirs que je ne partage pas avec vous, il me semble n'en jouir qu'à moitié. Oui,<br />

ma Cécile, je voudrais entourer votre coeur de tous les sentiments les plus doux ; que chacun de ses<br />

mouvements vous fît éprouver une sensation de bonheur ; <strong>et</strong> je croirais encore ne pouvoir jamais vous rendre<br />

qu'une partie de la félicité que je tiendrais de vous.<br />

Pourquoi faut−il que ces proj<strong>et</strong>s charmants ne soient qu'une chimère de mon imagination, <strong>et</strong> que la<br />

réalité ne m'offre au contraire que des privations douloureuses <strong>et</strong> indéfinies ? L'espoir que vous m'aviez<br />

donné de vous voir à c<strong>et</strong>te campagne, je m'aperçois bien qu'il faut y renoncer. Je n'ai plus de consolation que<br />

celle de me persuader qu'en eff<strong>et</strong> cela ne vous est pas possible. Et vous négligez de me le dire, de vous en<br />

affliger avec moi ! Déjà, deux fois, mes plaintes à ce suj<strong>et</strong> sont restées sans réponse. Ah ! Cécile ! Cécile,<br />

je crois bien que vous m'aimez de toutes les facultés de votre âme, mais votre âme n'est pas brûlante comme<br />

la mienne ! Que n'est−ce à moi à lever les obstacles ? Pourquoi ne sont−ce pas mes intérêts qu'il me faille<br />

ménager, au lieu des vôtres ? je saurais bientôt vous prouver que rien n'est impossible à l'amour.<br />

Vous ne me mandez pas non plus quand doit finir c<strong>et</strong>te absence cruelle : au moins, ici, peut−être vous<br />

verrais−je. Vos charmants regards ranimeraient mon âme abattue ; leur touchante expression rassurerait mon<br />

coeur, qui quelquefois en a besoin. Pardon, ma Cécile ; c<strong>et</strong>te crainte n'est pas un soupçon. Je crois à votre<br />

amour, à votre constance. Ah ! je serais trop malheureux, si j'en doutais. Mais tant d'obstacles ! <strong>et</strong> toujours<br />

renouvelés ! Mon amie, je suis triste, bien triste. Il semble que ce départ de Madame de Merteuil ait<br />

renouvelé en moi le sentiment de tous mes malheurs.<br />

Adieu, ma Cécile ; adieu, ma bien−aimée. Songez que votre Amant s'afflige, <strong>et</strong> que vous pouvez seule<br />

lui rendre le bonheur.<br />

Paris, ce 17 octobre 17**.<br />

<strong>Les</strong> <strong>liaisons</strong> <strong>dangereuses</strong><br />

LETTRE CXVI 196

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