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Les liaisons dangereuses - Ebooks libres et gratuits

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d'attendrissement.<br />

Le Père Anselme arriva vers les quatre heures, <strong>et</strong> resta près d'une heure seul avec elle. Quand nous<br />

rentrâmes, le figure de la malade était calme <strong>et</strong> sereine ; mais il était facile de voir que le Père Anselme avait<br />

beaucoup pleuré. Il resta pour assister aux dernières cérémonies de l'Église. Ce spectacle, toujours si<br />

imposant <strong>et</strong> si douloureux, le devenait encore plus par le contraste que formait la tranquille résignation de la<br />

malade, avec la douleur profonde de son vénérable Confesseur qui fondait en larmes à côté d'elle.<br />

L'attendrissement devint général ; <strong>et</strong> celle que tout le monde pleurait fut la seule qui ne se pleura point.<br />

Le reste de la journée se passa dans les prières usitées, qui ne furent interrompues que par les fréquentes<br />

faiblesses de la malade. Enfin, vers les onze heures du soir, elle me parut plus oppressée <strong>et</strong> plus souffrante.<br />

J'avançai ma main pour chercher son bras ; elle eut encore la force de la prendre, <strong>et</strong> la posa sur son coeur. Je<br />

n'en sentis plus le battement ; <strong>et</strong> en eff<strong>et</strong>, notre malheureuse amie expira dans le moment même.<br />

Vous rappelez−vous, ma chère amie, qu'à votre dernier voyage ici, il y a moins d'un an, causant<br />

ensemble de quelques personnes dont le bonheur nous paraissait plus ou moins assuré, nous nous arrêtâmes<br />

avec complaisance sur le sort de c<strong>et</strong>te même femme, dont aujourd'hui nous pleurons à la fois les malheurs <strong>et</strong><br />

la mort ? Tant de vertus, de qualités louables <strong>et</strong> d'agréments ; un caractère si doux <strong>et</strong> si facile ; un mari<br />

qu'elle aimait, <strong>et</strong> dont elle était adorée ; une société où elle se plaisait, <strong>et</strong> dont elle faisait les délices ; de la<br />

figure, de la jeunesse, de la fortune ; tant d'avantages réunis ont donc été perdus par une seule imprudence !<br />

Ô Providence ! sans doute il faut adorer tes décr<strong>et</strong>s ; mais combien ils sont incompréhensibles ! Je<br />

m'arrête, je crains d'augmenter votre tristesse, en me livrant à la mienne.<br />

Je vous quitte <strong>et</strong> vais passer chez ma fille, qui est un peu indisposée. En apprenant de moi, ce matin,<br />

c<strong>et</strong>te mort si prompte de deux personnes de sa connaissance, elle s'est trouvée mal, <strong>et</strong> je l'ai fait m<strong>et</strong>tre au lit.<br />

J'espère cependant que c<strong>et</strong>te légère incommodité n'aura pas de suite. A c<strong>et</strong> âge−là, on n'a pas encore<br />

l'habitude des chagrins, <strong>et</strong> leur impression en devient plus vive <strong>et</strong> plus forte. C<strong>et</strong>te sensibilité si active est,<br />

sans doute, une qualité louable ; mais combien tout ce qu'on voit chaque jour nous apprend à la craindre !<br />

Adieu, ma chère <strong>et</strong> digne amie.<br />

Paris, ce 9 décembre 17**.<br />

<strong>Les</strong> <strong>liaisons</strong> <strong>dangereuses</strong><br />

LETTRE CLXV 274

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