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Les liaisons dangereuses - Ebooks libres et gratuits

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troublé la sécurité de c<strong>et</strong>te femme angélique ; c'est par ses conseils, par ses avis pernicieux, que je me vois<br />

forcé de m'éloigner ; c'est à elle enfin que l'on me sacrifie. Ah ! sans doute il faut séduire sa fille : mais ce<br />

n'est pas assez, il faut la perdre ; <strong>et</strong> puisque l'âge de c<strong>et</strong>te maudite femme la m<strong>et</strong> à l'abri de mes coups, il faut<br />

la frapper dans l'obj<strong>et</strong> de ses affections.<br />

Elle veut donc que je revienne à Paris ! elle m'y force ! soit, j'y r<strong>et</strong>ournerai, mais elle gémira de mon<br />

r<strong>et</strong>our. Je suis fâché que Danceny soit le héros de c<strong>et</strong>te aventure, il a un fond d'honnêt<strong>et</strong>é qui nous gênera :<br />

cependant il est amoureux, <strong>et</strong> je le vois souvent ; on pourra peut−être en tirer parti. Je m'oublie dans ma<br />

colère, <strong>et</strong> je ne songe pas que je vous dois le récit de ce qui s'est passé aujourd'hui. Revenons.<br />

Ce matin j'ai revu ma sensible Prude. Jamais je ne l'avais trouvée si belle. Cela devait être ainsi le plus<br />

beau moment d'une femme, le seul où elle puisse produire c<strong>et</strong>te ivresse de l'âme, dont on parle toujours, <strong>et</strong><br />

qu'on éprouve si rarement, est celui où, assurés de son amour, nous ne le sommes pas de ses faveurs ; <strong>et</strong> c'est<br />

précisément le cas où je me trouvais. Peut−être aussi l'idée que j'allais être privé du plaisir de la voir<br />

servait−il à l'embellir. Enfin, à l'arrivée du Courrier, on m'a remis votre L<strong>et</strong>tre du 27 ; <strong>et</strong> pendant que je la<br />

lisais, j'hésitais encore pour savoir si je tiendrais ma parole : mais j'ai rencontré les yeux de ma Belle, <strong>et</strong> il<br />

m'aurait été impossible de lui rien refuser.<br />

J'ai donc annoncé mon départ. Un moment après, Madame de Rosemonde nous a laissés seuls : mais<br />

j'étais encore à quatre pas de la farouche personne, que se levant avec l'air de l'effroi : «Laissez−moi,<br />

laissez−moi, Monsieur», m'a− t−elle dit ; «au nom de Dieu, laissez−moi.» C<strong>et</strong>te prière fervente, qui décelait<br />

son émotion, ne pouvait que m'animer davantage. Déjà j'étais auprès d'elle, <strong>et</strong> je tenais ses mains qu'elle avait<br />

jointes avec une expression tout à fait touchante ; là, je commençais de tendres plaintes, quand un démon<br />

ennemi ramena Madame de Rosemonde. La timide Dévote, qui a en eff<strong>et</strong> quelques raisons de craindre, en a<br />

profité pour se r<strong>et</strong>irer.<br />

Je lui ai pourtant offert la main qu'elle a acceptée ; <strong>et</strong> augurant bien de c<strong>et</strong>te douceur, qu'elle n'avait pas<br />

eue depuis longtemps, tout en recommençant mes plaintes j'ai essayé de serrer la sienne. Elle a d'abord voulu<br />

la r<strong>et</strong>irer ; mais sur une instance plus vive, elle s'est livrée d'assez bonne grâce, quoique sans répondre ni à ce<br />

geste, ni à mes discours. Arrivés à la porte de son appartement, j'ai voulu baiser c<strong>et</strong>te main, avant de la<br />

quitter. La défense a commencé par être franche ; mais un songez donc que je pars , prononcé bien<br />

tendrement, l'a rendue gauche <strong>et</strong> insuffisante. A peine le baiser a−t−il été donné, que la main a r<strong>et</strong>rouvé sa<br />

force pour échapper, <strong>et</strong> que la Belle est entrée dans son appartement où était sa Femme de chambre. Ici finit<br />

mon histoire. Comme je présume que vous serez demain chez la Maréchale de. , où sûrement je n'irai pas<br />

vous trouver ; comme je me doute bien aussi qu'à notre première entrevue nous aurons plus d'une affaire à<br />

traiter, <strong>et</strong> notamment celle de la p<strong>et</strong>ite Volanges, que je ne perds pas de vue, j'ai pris le parti de me faire<br />

précéder par c<strong>et</strong>te L<strong>et</strong>tre ; <strong>et</strong> toute longue qu'elle est, je ne la fermerai qu'au moment de l'envoyer à la Poste,<br />

car au terme où j'en suis, tout peut dépendre d'une occasion ; <strong>et</strong> je vous quitte pour aller l'épier.<br />

P.S. : à huit heures du soir.<br />

Rien de nouveau ; pas le plus p<strong>et</strong>it moment de liberté : du soin même pour l'éviter. Cependant, autant<br />

de tristesse que la décence en perm<strong>et</strong>tait, pour le moins. Un autre événement qui peut ne pas être indifférent,<br />

c'est que je suis chargé d'une invitation de Madame de Rosemonde à Madame de Volanges, pour venir passer<br />

quelque temps chez elle à la campagne.<br />

Adieu, ma belle amie ; à demain ou après−demain au plus tard.<br />

De ..., ce 28 août 17**<br />

<strong>Les</strong> <strong>liaisons</strong> <strong>dangereuses</strong><br />

LETTRE XLIV 68

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