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Les liaisons dangereuses - Ebooks libres et gratuits

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LETTRE CLVII<br />

LE CHEVALIER DANCENY AU VICOMTE DE VALMONT<br />

Ne doutez pas, mon cher Vicomte, ni de mon coeur, ni de mes démarches : comment résisterais−je à un<br />

désir de ma Cécile ? Ah ! c'est bien elle, elle seule que j'aime, que j'aimerai toujours ! son ingénuité, sa<br />

tendresse ont un charme pour moi, dont j'ai pu avoir la faiblesse de me laisser distraire, mais que rien<br />

n'effacera jamais. Engagé dans une autre aventure, pour ainsi dire sans m'en être aperçu, souvent le souvenir<br />

de Cécile est venu me troubler jusque dans les plus doux plaisirs ; <strong>et</strong> peut−être mon coeur ne lui a−t−il<br />

jamais rendu d'hommage plus vrai que dans le moment même où je lui étais infidèle. Cependant, mon ami,<br />

ménageons sa délicatesse <strong>et</strong> cachons−lui mes torts ; non pour la surprendre, mais pour ne pas l'affliger. Le<br />

bonheur de Cécile est le voeu le plus ardent que je forme ; jamais je ne me pardonnerais une faute qui lui<br />

aurait coûté une larme.<br />

J'ai mérité, je le sens, la plaisanterie que vous me faites sur ce que vous appelez mes nouveaux<br />

principes ; mais vous pouvez m'en croire ; ce n'est point par eux que je me conduis dans ce moment ; <strong>et</strong> dès<br />

demain je suis décidé à le prouver. J'irai m'accuser à celle même qui a causé mon égarement, <strong>et</strong> qui l'a<br />

partagé ; je lui dirai : «Lisez dans mon coeur ; il a pour vous l'amitié la plus tendre ; l'amitié unie au désir<br />

ressemble tant à l'amour ! ... Tous deux nous nous sommes trompés ; mais susceptible d'erreur, je ne suis<br />

point capable de mauvaise foi.» Je connais mon amie ; elle est honnête autant qu'indulgente ; elle fera plus<br />

que m'approuver, elle me pardonnera. Elle−même se reprochait souvent d'avoir trahi l'amitié ; souvent sa<br />

délicatesse effrayait son amour : plus sage que moi, elle fortifiera dans mon âme ces craintes utiles, que je<br />

cherchais témérairement à étouffer dans la sienne. Je lui devrai d'être meilleur, comme à vous d'être plus<br />

heureux. Ô mes amis, partagez ma reconnaissance. L'idée de vous devoir mon bonheur en augmente le prix.<br />

Adieu, mon cher Vicomte. L'excès de ma joie ne m'empêche point de songer à vos peines, <strong>et</strong> d'y prendre<br />

part. Que ne puis−je vous être utile ! Madame de Tourvel reste donc inexorable ? On la dit aussi bien<br />

malade. Mon Dieu, que je vous plains ! Puisse−t−elle reprendre à la fois de la santé <strong>et</strong> de l'indulgence, <strong>et</strong><br />

faire à jamais votre bonheur ! Ce sont les voeux de l'amitié ; j'ose espérer qu'ils seront exaucés par l'amour.<br />

Je voudrais causer plus longtemps avec vous ; mais l'heure me presse, <strong>et</strong> peut− être Cécile m'attend déjà.<br />

Paris, ce 5 décembre 17**.<br />

<strong>Les</strong> <strong>liaisons</strong> <strong>dangereuses</strong><br />

LETTRE CLVII 264

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