KONINKLIJKE ACADEMIE VOOR OVERZEESE WETENSCHAPPEN ...
KONINKLIJKE ACADEMIE VOOR OVERZEESE WETENSCHAPPEN ...
KONINKLIJKE ACADEMIE VOOR OVERZEESE WETENSCHAPPEN ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
— 355 —<br />
réflexion se développa en effet sur une voie alternative, celle de l’implantation<br />
de l’Eglise dans un milieu traditionnel revivifié et protégé des assauts du monde<br />
moderne. C’est dans cette ligne que se développèrent les travaux de Placide<br />
Tempels, religieux franciscain, à la recherche des fondements d’une pensée africaine<br />
susceptible de servir de fondement au christianisme, à l’exemple de ce<br />
qu’avait été la philosophie thomiste en Occident.<br />
D’autres efforts d’adaptation se déroulèrent à la même époque. Soutenu par<br />
l’un ou l’autre haut fonctionnaire partisan de l'indirect rule, le groupe<br />
Æquatoria, animé par deux missionnaires du Sacré-Cœur, Edmond Boelaert et<br />
Gustaaf Hulstaert, se distingua dans une réflexion sur les voies de sortie ouvertes<br />
aux sociétés «traditionnelles» aliénées à la fois par le régime colonial et par le<br />
développement du capitalisme étranger.<br />
L’Eglise dans laquelle Bontinck s’intégra ne fut pas celle de ces réflexions<br />
pionnières, mais bien celle, largement majoritaire, qui était emportée par<br />
l’optimisme des années d’apogée matériel du système colonial et qui était encore<br />
fort marquée par les traditions cléricales. Ses premières expériences au Congo<br />
furent celles du missionnaire historique. Affecté à Libanda, station isolée de<br />
l’Equateur, missionnaire itinérant, il fut chargé de parcourir en pirogue la forêt<br />
inondée de la Giri, procédant dans ce milieu difficile, d’îlot en îlot, de hameau<br />
en hameau, sous la houlette de quelques auxiliaires de la mission. Mais le voici<br />
bientôt affecté à la mission de Bolongo, toujours à proximité du fleuve, où il fut<br />
chargé des travaux classiques de l’Action catholique: enseignement d’humanités<br />
au petit séminaire, constructions, animations et activités culturelles. A ce<br />
moment en effet, il commença à s’intéresser au développement d’un théâtre<br />
capable de construire une identité chrétienne congolaise moderne. En peu de<br />
temps, Bontinck écrivit une quinzaine de pièces, les unes sur le modèle de mystères<br />
du Moyen Age illustrant des étapes de l’année liturgique, d’autres conçues<br />
comme de petites leçons morales, toutes écrites en français et traduites en linga-<br />
la, certaines écrites directement en lingala. La dernière, La Mort de Songolo, fut<br />
celle aussi qui connut le plus de succès et à laquelle Bontinck lui-même tenait<br />
davantage. Il s’agissait d’une transposition en lingala du thème de la bonne mort<br />
tel que traité dans un drame en vieux néerlandais de la fin du XVe siècle [4]. La<br />
langue choisie, le lingala, était la langue du fleuve, véhicule d’idées modernes et<br />
combattue comme telle par le groupe Æquatoria, attaché au lomongo qu’il<br />
entendait sauvegarder comme langue héritière des cultures anciennes de la cuvette<br />
centrale.<br />
Les rêves de construction d’une cité chrétienne sous égide missionnaire<br />
allaient bientôt basculer et pas seulement au Congo. En Belgique, la Revue<br />
Nouvelle publia en 1956 un article prémonitoire, dû à G. Mosmans, alors provincial<br />
des Pères Blancs [5]. S’ouvrant sur une question rhétorique («L’Afrique<br />
sera-t-elle chrétienne, séduite par l’islam ou entraînée par le raz de marée communiste?»),<br />
cet essai témoignait des craintes héritées de la guerre froide mais<br />
aussi des préoccupations historiques des chrétientés du Soudan et de l’Afrique