KONINKLIJKE ACADEMIE VOOR OVERZEESE WETENSCHAPPEN ...
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jamais mis dans l’obligation de renoncer à sa propre identité. Ses hôtes firent<br />
d’ailleurs appel à lui dans des moments de tension [12]. L’itinéraire ne fut toutefois<br />
pas aisé pour un homme de fortes convictions et qui avait grandi dans l’idée<br />
de «croisade». Ce côté passionné surnageait parfois et il n’a pas toujours reculé<br />
devant l’affrontement.<br />
Son désir profond n’était toutefois pas de jouer les inquisiteurs mais bien de<br />
mettre au jour les symbioses profondes dont témoigne l'histoire. C’est le sens du<br />
travail qu’il consacra à la gestation de la réflexion de l’Eglise du Congo sur la<br />
rationalité africaine telle qu’on pouvait la suivre dans la correspondance entre<br />
Tempels et Hulstaert. Partageant le même rejet de l’impérialisme culturel en<br />
Afrique, ces deux religieux avaient toutefois abouti à des conclusions différentes.<br />
Leur confrontation jeta les bases d’une réflexion que les générations suivantes<br />
allaient approfondir. C’est Bontinck qui prit l’initiative d’une publication intégrale<br />
de cette correspondance, la traduisant du néerlandais en français et l’accompagnant<br />
d’un appareil critique détaillé. Ce fleuron des publications de la<br />
faculté de théologie catholique de Kinshasa éclaira un chapitre essentiel de l’histoire<br />
intellectuelle du Congo belge [13]. Empreintes de sympathie, les lettres de<br />
G. Hulstaert, nourries de la pensée de son confrère, E. Boelaert, aboutissaient à<br />
une réfutation des thèses de Tempels. Leur discussion préfigurait les controverses<br />
soulevées de nombreuses années plus tard par la publication de<br />
1’ Orientalism de E. Said. Confronté à une tentative de construire une Afrique<br />
essentielle, et contrairement aux thèses «à la Said», le groupe le plus influent des<br />
africanistes «indigénistes» du Congo colonial avait opté pour une analyse plus<br />
universaliste des cultures congolaises.<br />
Il n’est pas surprenant que Bontinck ait travaillé à mettre sur la table les données<br />
essentielles d’un débat qui éclairait la position de sa faculté, faite de sympathie<br />
pour une démarche «africaniste» mais aussi de lucidité pour ses limites.<br />
La réserve fut-elle parfois poussée trop loin? En certaines occasions, il put arriver<br />
à Bontinck de s’être laissé emporter par une vue étroite de l’orthodoxie<br />
catholique et romaine et, a posteriori, il convint lui-même n’avoir pas fait preuve<br />
de sensibilité suffisante dans ses travaux sur l’histoire du prophétisme dans le<br />
Bas-Congo.<br />
Les publications de sources sur la pensée de Tempels nous rappellent qu’une<br />
des grandes contributions humaines et scientifiques de Bontinck fut de constituer<br />
une bibliothèque historique, conçue — à l’instar de ses écrits — comme sa<br />
contribution au développement d’une identité congolaise moderne. Bibliothèque<br />
au sens figuré tout comme d’ailleurs au sens littéral: la collection de livres qui<br />
lui survit constitue un patrimoine du Congo d’aujourd’hui [14]. Mais c’est sa<br />
bibliothèque au sens figuré qui nous intéresse ici.<br />
Chargé dans un premier temps des cours d’histoire ecclésiastique de la faculté<br />
de théologie, ce ne fut qu’en 1966, à l’ouverture d’un département d’histoire,<br />
que Bontinck élargit ses enseignements à d’autres disciplines historiques, toutes<br />
orientées vers l’histoire du Congo. Jusque-là, celle-ci n’avait occupé qu’une