KONINKLIJKE ACADEMIE VOOR OVERZEESE WETENSCHAPPEN ...

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recours aux sources orales et en particulier des constructions que les chercheurs
occidentaux prétendaient fonder sur des récits fluctuants. En fait, les réflexions
actuelles poussent la critique plus loin encore, mais désormais sur la base d’une
réflexion théorique approfondie qui ne figurait pas dans l’outillage mental des
années 1960-1970 [21], Relevons d’ailleurs que la publication de sources africaines
fut une des contributions majeures de Bontinck à l’historiographie de son
époque. Sa publication de l’autobiographie de Tippo Tip et la réédition, avec
D. Ndembe Nsasi, du catéchisme kikongo de 1624 sont des classiques de l’édition
critique [22],
En 1844, dans une correspondance qui faisait le point sur l’évolution du clergé
au travers d’une période troublée, Lamennais observait que le mouvement qui
emporte les peuples emporte le clergé avec lui: «ses doctrines, ses croyances se
modifient à son insu. Ce grand corps glisse insensiblement comme les glaciers,
sur une pente au bout de laquelle il se trouvera, sans qu’il s’en soit douté, bien
loin de ses origines.» [23]
Au terme du travail de spéléologie auquel je me suis livré, cette observation
me semble bien convenir à un parcours fait d’adaptations pragmatiques. Tout en
maintenant une continuité et un sentiment très fort d’ancrage, le P. Bontinck, ce
missionnaire-savant, réussit à maintenir une efficacité dans des contextes riches
en bouleversements fondamentaux. A l’arrivée, il se trouva toutefois bien loin du
point de départ de ses origines. Son parcours, au point de départ, correspondait
à la moyenne sociologique d’une vocation en milieu traditionaliste flamand.
Orienté vers les carrières scientifiques classiques que Scheut réservait à
quelques-uns, de préférence, il est vrai, dans le contexte extrême-oriental,
Bontinck retrouva cette option plus tard au Congo, mais au terme de détours dans
les forêts équatoriales. A l’issue de sa vie en Afrique, aux premières années du
XXIe siècle, s’inscrivait-il encore dans la moyenne sociologique des évolutions
du milieu missionnaire? Ou était-il devenu un cas exceptionnel de longévité et
de fidélité à l’ancrage scheutiste de ses débuts? Ou encore, avait-il «glissé insensiblement»
comme le glacier dont parlait Lamennais?
Je ne tenterai pas de répondre à ces questions, mais je retiens de F. Bontinck
qu’il fut un homme qui se situait toujours là où il y avait une structure, une armature
qui reliait le présent au passé. Il y avait en effet chez lui la conviction qu’il
existait un ordre objectif qu’il a pensé pouvoir atteindre à la fois par le travail
scientifique, par la démarche de sa pensée et par sa pratique.
Le P. Bontinck resta allergique au relativisme radical qui envahit son temps.
Sans fréquenter les congrès, sans avoir été comblé d’honneurs, sans s’être rallié
aux modes et en leur opposant sa force tranquille, Frans Bontinck n’en exerça
pas moins un rayonnement dont témoigne la correspondance critique et nourrie
qu’il a entretenue avec la communauté savante de son temps. En témoigne aussi
l’affection dont il fut entouré au Congo. Le livre qui lui fut consacré à l’initiative
et sous la direction de son ami, P. Mabiala Mantuba, représente un hommage
d’une ampleur peu commune, mais ce fut le cas aussi des services religieux qui,