KONINKLIJKE ACADEMIE VOOR OVERZEESE WETENSCHAPPEN ...
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place très marginale. En 1957, G. Malengreau, secrétaire de l’université et lui-<br />
même anthropologue, avait, il est vrai, approché Jan Vansina pour l’inviter à donner<br />
un cours portant sur l’histoire de l’Afrique, une initiative prise en marge de<br />
la faculté des lettres. Celle-ci, chargée d’assurer quelques cours d’histoire dite<br />
universelle, les avait confiés à deux médiévistes: ce choix illustrait la vision<br />
européo-centrée qui avait présidé à la conception de Lovanium. Lorsque<br />
Bontinck, indépendant des facultés de sciences humaines ou de lettres, se tournait<br />
vers l’histoire du Congo, de quelle histoire et de quel Congo s’agissait-il?<br />
Une vingtaine d’années plus tard, dressant en quelques lignes le bilan des<br />
études d’histoire dans les universités du Congo, Valentin Mudimbe se concentra<br />
sur la tradition inaugurée à Lovanium, entre-temps devenue la seule université<br />
congolaise à avoir ouvert un programme d’histoire de l’Afrique. Il distinguait<br />
trois conceptions indépendantes l’une de l’autre. L’une, qu’il disait «scientifique»<br />
et qu’il identifiait à Bontinck, ordonnait les peuples du Congo suivant les<br />
grilles fournies par les textes occidentaux. Une deuxième, que Mudimbe personnifiait<br />
sous le nom de Jan Vansina, se présentait comme «une histoire à créer et<br />
à lire» à partir des grilles de la tradition orale. Une troisième enfin, placée par lui<br />
sous le signe de Benoît Verhaegen, «seul et quasi incompris», aurait perçu «les<br />
tensions et l’irrationalité» des apports historiques à l’origine de la culture congolaise<br />
moderne, apports traditionnels, apports coloniaux, apports des impérialismes<br />
économiques et technologiques [15].<br />
Intuitivement, Mudimbe mettait le doigt sur l’ambiguïté que recouvrait à<br />
l’époque le concept d’histoire de l’Afrique, abordée jusqu’alors à partir de perspectives<br />
qui s’étaient développées en compartiments étanches. Trois grandes<br />
filières s’étaient en effet détachées. La plus ancienne se centrait sur l’histoire de<br />
l’ancien Kongo, souvent abordée par des religieux dans la perspective apologétique<br />
de donner un grand ancêtre au projet de Congo chrétien moderne. Le<br />
courant de l’histoire coloniale, exaltant la vocation impériale de l’Europe, était<br />
lui aussi d’inspiration apologétique. La tradition indigéniste, vivace au Congo,<br />
vivait de sa propre tradition apologétique centrée sur l’émergence de grandes<br />
constructions politiques.<br />
Chacune de ces filières se trouvait, dans les années 1960, influencée par un<br />
mouvement de professionnalisation, reflet d’un mouvement général dans les<br />
sciences sociales. Ce fut cet effort de rigueur qui aboutit, au fil du temps, à créer<br />
une véritable synergie entre différentes démarches, leurs ressources documentaires,<br />
leurs problématiques. Au fur et à mesure que des travaux locaux alliaient<br />
informations de source africaine ou européenne, le recours aux sources écrites<br />
fut complété par des sources orales et inversement. Dans le même temps, les<br />
démarches se multipliaient pour une collaboration plus étroite entre sciences<br />
humaines.<br />
Marquons les grands points de repère de l’itinéraire de Bontinck dans ce labyrinthe.<br />
Participant actif du courant de professionnalisation du travail historique,<br />
il poursuivit dans la tradition documentaire écrite, non apologétique, et il resta