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Tu es en train de nous dire que les Aborigènes avaient anticipé<br />
l'Éveil ?<br />
Jardine<br />
><br />
><br />
J'étais gamin à l'époque, mais mon grand-père était un<br />
koradji – un chaman. Je me souviens du jour où on a arrêté<br />
mon père parce qu'il avait commis le crime de pénétrer sans<br />
autorisation sur un site minier illégal. Mon père était furieux. Il<br />
voulait réunir toute la tribu et attaquer la mine pendant la nuit.<br />
Mais mon grand-père s'est avancé, et il a raconté une histoire<br />
qui a calmé tout le monde. Il a dit que le temps du rêve<br />
avait besoin de notre protection, et que les hommes ne<br />
devraient pas sacrifier leur vie bêtement pour ce genre de<br />
transgressions mineures. Il a dit que les Blancs ne respectaient<br />
pas la terre, qu'ils troublaient le sommeil des esprits, et qu'une<br />
calamité s'abattrait prochainement pour les chasser du pays.<br />
Ses paroles se sont vérifiées, non ?<br />
Thorny Devil<br />
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On aurait dû embastiller tous ces mal-blanchis tant qu'on en<br />
avait l'occasion. Comme ça, ils n'auraient jamais pu invoquer<br />
ces tempêtes de mana et assiéger nos villes. L'Australie serait<br />
à nous !<br />
One Nation<br />
><br />
Le SIVTA vint alors menacer l'équilibre des forces, même<br />
si son impact fut moins dévastateur que dans d'autres pays.<br />
En 2010, notre système de santé publique autrefois si brillant<br />
conservait encore une certaine efficacité, et il put aider à lutter<br />
contre l'épidémie, mais notre principal atout fut sans<br />
conteste la faible densité de notre population. Même si certaines<br />
agglomérations reculées furent condamnées en raison<br />
de leur isolement, ce même isolement aida à en sauver beaucoup<br />
d'autres, qui n'entrèrent jamais en contact avec le<br />
virus.<br />
><br />
La crise du SIVTA a coûté tellement cher au système de<br />
santé publique australien qu'il ne s'en est jamais remis. Du<br />
coup, le gouvernement a sauté sur l'occasion de le privatiser,<br />
et bientôt, il s'est fait entièrement absorber par des corpos<br />
médicales qui ont ouvert la voie aux groupes actuels tels que<br />
CrashCart et consorts.<br />
Delilah<br />
><br />
L'ORAGE ÉCLATE<br />
Le 24 décembre 2011, une terrible tempête se leva sur<br />
l'Outback en Nouvelle Galles du Sud. Des nuages noirs, des<br />
vents violents, des éclairs comme s'il en pleuvait, et ce n'était<br />
que le commencement ; immeubles ravagés par d'inexplicables<br />
incendies, troupeaux de moutons mutilés ou sujets à<br />
d'incompréhensibles transformations, bombardements sensoriels<br />
et autres phénomènes de masse se multiplièrent bientôt,<br />
faisant des centaines de victimes. C'était la première des tempêtes<br />
de mana, et elle occasionna dé terribles ravages aussi<br />
bien sur le plan astral que dans le monde matériel. Elle parcourut<br />
le coeur de l'Australie en tous sens et ravagea plusieurs<br />
bourgades et stations. Quand le calme revint, on attribua le<br />
phénomène à une vague d'hallucinations collectives et chacun<br />
put se détendre... jusqu'à la tempête de mana suivante, une<br />
semaine plus tard, qui fut bientôt suivie d'une troisième,<br />
d'une quatrième, d'une cinquième...<br />
Notre belle sérénité fut réduite à néant par le retour de la<br />
magie. Non seulement nous devions affronter les mêmes problèmes<br />
que n'importe quelle autre nation, mais nous devions<br />
aussi apprendre à faire face aux imprévisibles tempêtes de<br />
mana ! Ces tempêtes se multiplièrent et s'étendirent progressivement<br />
à l'ensemble de l'Outback, qui devint un lieu de terreur<br />
et de chaos. La population se réfugia dans les villes<br />
côtières, heureusement épargnées – pour la plupart. Les trajets<br />
d'une ville à l'autre devinrent très dangereux, et l'Australie<br />
fut bientôt en état de siège, directement menacée par le<br />
pouvoir de l'Éveil.<br />
><br />
Les tempêtes de mana sont la version aborigène de la grande<br />
danse fantôme, invoquée pour renvoyer l'Homme Blanc<br />
dans ses villes. Au cours des premières années où elles sont<br />
apparues, elles ont fait des milliers de victimes innocentes –<br />
tout ça sans avertissement, sans déclaration de guerre.<br />
One Nation<br />
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Pur délire raciste. J'ai parlé aux koradjis, et ils m'ont confirmé<br />
qu'ils n'avaient jamais accompli le moindre rituel pour<br />
invoquer les tempêtes, ni les alcheras ni aucune des bizarreries<br />
magiques qui affectent le pays. Ils y voient le signe d'un rejet<br />
brutal de l'homme par une terre blessée ; et si tu veux le savoir,<br />
ils sont les premiers à déplorer leur impuissance face aux tempêtes,<br />
parce qu'ils aimeraient bien pouvoir soigner la terre et<br />
mettre un terme à ces déchaînements magiques.<br />
Cestus<br />
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><br />
Alors, explique-moi comment ils ont prévu les tempêtes.<br />
One Nation<br />
Nous n'avons pas invoqué les tempêtes. Bon nombre des<br />
nôtres ont péri durant ces premières années. Si tu veux un<br />
coupable, regarde-toi donc dans un miroir.<br />
Wareen<br />
><br />
Le gouvernement eut vite fait de déclarer “zones sinistrées”<br />
les différentes régions touchées par les tempêtes de<br />
mana, et d'engager une procédure d'évacuation générale. Un<br />
nombre surprenant de récalcitrants insistèrent pour rester<br />
chez eux, en dépit des risques. La plupart périrent. En désespoir<br />
de cause, le gouvernement finit par se laver les mains de<br />
ce qui pouvait se passer à l'intérieur des terres, et l'Outback<br />
fut livré à l'anarchie.<br />
Très peu d'Aborigènes, en revanche, évacuèrent l'Outback.<br />
Bien que personne ne s'en soit aperçu à l'époque, les tribus<br />
ne furent pas touchées par la catastrophe contrairement<br />
aux Australiens eurasiens ; en fait, elles parurent même<br />
accueillir les tempêtes avec un certain soulagement. En peu<br />
de temps, elles récupérèrent des terres qu'on leur refusait<br />
depuis des siècles. Le temps du rêve se révélait au grand jour<br />
une fois de plus.<br />
><br />
Les Aborigènes ne sont pas les seuls à s'être félicités de la<br />
défection du gouvernement ; des hordes de nomades et de<br />
motards en ont également profité pour se libérer du carcan<br />
de la société – même si c'était au prix de conditions de survie<br />
particulièrement difficiles. En règle générale, les motards restent<br />
à proximité des routes et s'affrontent entre eux ou attaquent<br />
les campements des nomades ; mais ils ne s'en prennent<br />
jamais aux Aborigènes. Les nomades, de leur côté,<br />
mènent une existence isolée, en réoccupant parfois des bourgades<br />
abandonnées ; souvent, ils accueillent les étrangers<br />
avec bienveillance et font du troc avec eux.<br />
Raggedy Man<br />
><br />
Terre d’Éveil 17