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C'est un peu plus terre-à-terre que ça, bonhomme. La<br />
vérité, c'est que le Japon est sur les rotules et qu'il a sérieusement<br />
besoin de territoires vierges. Depuis le fiasco de San<br />
Francisco, ses regards se tournent plutôt vers le sud ; peut-être<br />
qu'on se dit à la cour impériale que le Pérou ferait une<br />
chouette petite extension de l'empire, en particulier si on y<br />
trouve des ressources magiques inexploitées.<br />
Wave-Form<br />
><br />
T'AI-CHAN<br />
Par Lei Kung<br />
Je comptais commencer par le célèbre dicton “Puissiezvous<br />
vivre en des temps intéressants”, et puis je me suis dit<br />
que la formule commençait à s'user. Je me demande d'ailleurs<br />
si le vieux sage qui a pondu cette maxime a jamais imaginé<br />
des temps moitié aussi intéressants que ceux qu'on vit à<br />
l'heure actuelle ; on est bien au-delà de “l'intéressant” pour<br />
moi, on est carrément dans le délire ! Et je suis un mage, je<br />
suis censé être habitué aux trucs délirants. Mais la nature n'a<br />
pas son pareil pour nous rappeler qu'on ne sait rien, au<br />
moment précis où on s'imagine avoir tout compris.<br />
Je ne me considère pas comme quelqu'un de religieux. Je<br />
crois que la majeure partie des grandes vérités spirituelles<br />
nous dépassent allègrement ; “Le Tao qui ne peut pas être<br />
nommé n'est pas le vrai Tao” et tout ça. Cela dit, si j'avais de<br />
la religion, je serais sans doute impressionné par ce qui se<br />
passe en ce moment dans le monde. Hong Kong mise à part,<br />
les derniers développements de l'Éveil dans ma partie du<br />
monde ont eu lieu dans une région perdue au fin fond de la<br />
Chine, dans un endroit appelé T'ai-Chan.<br />
T'ai-Chan est une montagne qui surplombe la plaine du<br />
fleuve jaune, le berceau de la civilisation chinoise, à environ<br />
400 kilomètres de Pékin. Les Hans y vénéraient autrefois les<br />
forces de la nature et y construisirent de très nombreux sanctuaires.<br />
Les empereurs s'y rendaient en visite, montaient les<br />
marches sinueuses qui menaient jusqu'aux temples et priaient<br />
pour le succès de leurs entreprises. La montagne est associée<br />
au taoïsme ancien et à la magie qui l'accompagne. C'est un<br />
lieu de grand pouvoir, où magiciens et sorciers venaient<br />
apprendre leur art et communier avec les esprits et les forces<br />
de la nature.<br />
Bien que la fréquentation de T'ai-Chan ait largement diminué<br />
au cours des deux derniers siècles, la montagne n'a rien<br />
perdu de son caractère sacré. Même les seigneurs de guerre<br />
et tyranneaux locaux qui se partagent la Chine la considèrent<br />
comme un terrain neutre. Personne n'aura jamais l'idée saugrenue<br />
d'y larguer des bombes ou d'y envoyer des soldats,<br />
car un tel sacrilège ne pourrait qu'avoir des conséquences<br />
funestes pour celui qui l'aurait ordonné. Dommage que la<br />
même attitude n'ait pas prévalu dans des lieux extérieurs à la<br />
Chine, comme le Tibet ; mais passons...<br />
La neutralité de T'ai-Chan manqua s'achever dans un bain<br />
de sang quand les pèlerins s'aperçurent que les esprits de la<br />
nature étaient de plus en plus nombreux sur la montagne. Plusieurs<br />
eurent même des visions des anciens dieux ; tout cela,<br />
une semaine après que Ghostwalker eut commencé à semer<br />
la panique à Denver.<br />
On sut rapidement que T'ai-Chan ne détenait pas seulement<br />
les clefs de la paix intérieure, mais également celle<br />
d'une puissance magique non négligeable. Le chi qui s'écoulait<br />
de la montagne était considérable, et un seigneur de guerre<br />
habile pouvait espérer le détourner à son profit. Diverses<br />
factions sur les deux rives du fleuve Jaune convergèrent sur<br />
T'ai-Chan pour l'annexer manu militari. On crut un moment<br />
88<br />
Terre d’Éveil<br />
qu'il y aurait une bataille pour le contrôle des sanctuaires ; et<br />
puis, le dragon intervint.<br />
><br />
Malgré tout le respect que j'ai pour Lei Kung, ses informations<br />
me paraissent un peu courtes. T'ai-Chan se trouve dans<br />
la province industrielle de Chantoung, fief de plusieurs corporations<br />
majeures dont Mitsuhama et Wuxing. Quand ces<br />
corporations firent mouvement vers T'ai-Chan, les communistes<br />
du Honan voisin envahirent brusquement le Chensi,<br />
s'emparèrent de Wa Chan et se préparèrent à marcher vers<br />
l'est sur T'ai-Chan. La Confédération cantonaise mit en<br />
place un blocus de Chantoung, en profitant du départ de la<br />
marine japonaise pour envoyer plusieurs navires le long de la<br />
côte.<br />
Ming<br />
><br />
><br />
Ça m'a tout l'air d'une escarmouche de frontière comme<br />
la Chine en connaît sans arrêt. Pourquoi en faire toute une<br />
histoire ?<br />
Grunt<br />
><br />
><br />
><br />
Parce que T'ai-Chan est l'une des Cinq Montagnes Sacrées.<br />
Junk<br />
Le grand dragon Lung apparut dans les airs au-dessus de<br />
T'ai-Chan le jour du nouvel an chinois, et tout le monde y vit<br />
un présage ; bon ou mauvais, ça, c'est une autre histoire. Personnellement,<br />
je crois que l'apparition inopinée d'un dragon<br />
est toujours un mauvais présage.<br />
Lung s'établit près du temple de la Fille de la Montagne,<br />
la déesse Pi Hsia Yuan Chun, dame de l'aurore. Puis il envoya<br />
des esprits messagers aux chefs des différentes factions qui<br />
approchaient de la montagne et les invita à gravir (à pied,<br />
naturellement) les 7000 marches de T'ai-Chan pour venir le<br />
retrouver. On raconte qu'il leur aurait expliqué, courtoisement<br />
et patiemment, que T'ai-Chan était désormais sous sa protection<br />
; et que la première personne qui poserait le pied sur ses<br />
marches avec une arme, ou qui ordonnerait à ses soldats de<br />
le faire, lui servirait de petit-déjeuner. Les seigneurs de guerre<br />
ne se le firent pas dire deux fois et ordonnèrent à leurs<br />
troupes de se replier. Et depuis ce jour, personne n'a plus<br />
tenté d'annexer T'ai-Chan.<br />
><br />
C'est vrai, mais à mon avis, Lung voulait surtout s'assurer que<br />
les corporations ne feraient pas intervenir leurs propres<br />
armées.<br />
Ming<br />
><br />
La montagne en elle-même n'a pas changé depuis des<br />
milliers d'années. Un immense escalier de 7 000 marches,<br />
emprunté par d'innombrables pèlerins depuis des siècles, serpente<br />
le long de ses flancs escarpés couverts de cyprès, de<br />
pins et autres essences similaires. On dit même que l'un des<br />
pins à proximité du sommet aurait un grade honorifique à la<br />
Cour impériale, pour avoir jadis abrité de son ombre la sieste<br />
d'un empereur. Il faut compter six heures pour grimper cet<br />
escalier à pied ; certains pèlerins le montent même à genoux,<br />
en hommage à la sainteté du lieu.<br />
Le temple du Pic, dédié aux dieux de la montagne, se<br />
dresse au pied de T'ai-Chan. D'autres temples s'échelonnent le<br />
long de l'escalier jusqu'au sommet, dont celui de l'Impératrice<br />
de l'Ouest et celui de la déesse de l'étoile du nord. Près du<br />
sommet, la Porte Sud du Ciel conduit au temple de la Fille de la<br />
Montagne. Le plus grand temple au sommet de la montagne