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Le Bloc

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Il te resservit un petit verre de raki alors que tu venais à<br />

peine de terminer le précédent, en tendant le bras par-dessus le<br />

bureau, et te demanda, sans transition :<br />

— Vous vous amusez bien au <strong>Bloc</strong> Patriotique ?<br />

Tu te doutais bien qu’ils savaient pour ton agitation<br />

politique, mais ils n’y avaient jamais fait allusion aussi<br />

directement et la question te cueillit à froid.<br />

En fait, le lieutenant-colonel n’attendait pas de réponse. Il<br />

avait le regard lointain. Il but son raki, alluma une Peter<br />

Stuyvesant rouge à la précédente, et se mit à parler, toujours les<br />

yeux perdus dans le vide :<br />

— Il y a prescription, maintenant, je peux bien vous le<br />

raconter. J’ai été envoyé avec quelques autres comme<br />

observateur au Liban, entre 75 et 80, quand ça a commencé à<br />

merder. On avait nos bureaux à la résidence des Pins. J’ai bien<br />

connu Delamare, l’ambassadeur qu’on nous a assassiné là-bas.<br />

Un jour, du côté du château de Beaufort, notre Jeep s’est<br />

retrouvée prise dans un convoi des phalanges chrétiennes qui<br />

montaient au feu. Des mortiers palestiniens ont commencé à<br />

arroser. C’était la première fois qu’on me tirait dessus,<br />

Maynard. Oui, vous savez, il y a des militaires à qui ça n’arrive<br />

jamais. En même temps, quand ça arrive, c’est là que vous savez<br />

si vous êtes fait pour le métier. Un des observateurs, un<br />

lieutenant des chasseurs alpins, s’est d’ailleurs mis à pleurer<br />

comme un bébé. On s’est planqués sous un camion. Et soudain,<br />

on a entendu une voix qui a dit : ―Tiens des soldats français !<br />

L’armée a retrouvé ses couilles ou vous êtes là en reportage pour<br />

TerreAirMer ?‖ C’était un de vos camarades de parti, Maynard.<br />

<strong>Le</strong>s obus de l’OLP n’avaient pas l’air de le tracasser plus que ça.<br />

Un certain Molène… Un sacré numéro, non ? Vous le<br />

connaissez ? C’est lui qui nous a fait remonter dans la Jeep et a<br />

fait bouger deux camions phalangistes pour qu’on puisse se<br />

dégager du convoi et atteindre le prochain village avec mon<br />

lieutenant des chasseurs alpins qui couinait toujours. Alors, il va<br />

bien, ce Molène ?<br />

À vrai dire, tu n’en savais rien. Tu l’as dit au lieutenantcolonel<br />

qui a eu l’air déçu et t’a laissé partir. Tu n’étais même<br />

pas encore formellement adhérent au <strong>Bloc</strong>. À Rouen, tes<br />

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