You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
— Tu sais ce que c’est ?<br />
Un instant tu te demandas s’il te parlait de la fille ou du<br />
drapeau et tu compris que tu avais déjà dû boire cinq ou six<br />
verres sans t’en rendre compte et que tu commençais à être ivre.<br />
— C’est le drapeau des gardes-françaises, continua Brou. Il<br />
date de 1762. <strong>Le</strong>s gardes-françaises, ils dépendaient directement<br />
de la maison militaire de Louis XV. Je créerais bien un groupe<br />
politique qui s’appellerait les gardes-françaises, moi.<br />
La fille tanguait, les yeux dans le vague.<br />
Tu murmuras pour toi-même :<br />
— Ça n’en ferait qu’un de plus.<br />
— Qu’est-ce que tu dis ?<br />
— Rien. En même temps, tu sais que la plupart des<br />
régiments des gardes-françaises se sont ralliés au peuple pour la<br />
prise de la Bastille…<br />
— Euh, t’es certain, Maynard ?<br />
Brou eut l’air infiniment contrarié. L’idée qu’une unité<br />
militaire d’élite pût passer du côté de la racaille le perturbait<br />
visiblement.<br />
— Oui.<br />
— Putain, Maynard, ça me désole, ça. Il te plaît ce drapeau ?<br />
— Bah oui !<br />
— Je te le donne.<br />
Tu pensas à une promesse d’ivrogne. Tu allais le lui dire<br />
quand un type en costume cravate, la petite trentaine, arriva en<br />
souriant.<br />
— Tu as l’air bien marri, mon cher Brou, que t’arrive-t-il ?<br />
— C’est Maynard qui me chagrine avec les gardes-françaises.<br />
Ah, mais vous ne vous connaissez pas, il faut que je vous<br />
présente. Antoine Maynard, je te présente Charles Versini, qui<br />
est kiné à Yvetot et accessoirement responsable départemental<br />
du <strong>Bloc</strong> Patriotique. Charles, je te présente Antoine Maynard,<br />
élève de terminale et casseur de gueule de pion pour l’honneur<br />
de Brasillach. Non sans dec’, Charles, Maynard c’est une<br />
tronche, fit-il en te tapotant sur le front. Toi qui cherches du<br />
monde pour ta boutique !<br />
Charles Versini te serra la main. Il était chaleureux et<br />
respirait une certaine bonne santé, ce qui n’était pas fréquent<br />
164