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Le Bloc

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J’entre sous la douche. Un morceau de savon bien crade<br />

traîne là. Je le fais mousser. Sous l’eau tiède, je repense à la<br />

journée à jouer à cache-cache avec mes Deltas.<br />

Ils ont été particulièrement nerveux quand le métro est<br />

arrivé à la gare de l’Est puis à la gare du Nord. Mais, en fait, je<br />

suis descendu à Château-Rouge.<br />

Seul le rouquin est descendu, l’autre, le plus beau étant resté<br />

dans le wagon au cas où. On s’est retrouvés tous les deux au<br />

milieu des Blacks et des muzz et, comme il faisait toujours aussi<br />

tiédasse pour un putain de mois de novembre, le quartier<br />

ressemblait encore plus que d’habitude à une quelconque<br />

contrée bougnoule.<br />

Il y avait juste énormément de flics et de CRS stationnés un<br />

peu partout, à cause de la quasi-guerre civile en banlieue,<br />

évidemment. Ils craignaient le soulèvement généralisé.<br />

Pas très loin d’ici, cette guerre vient d’arriver au cœur de<br />

Paris.<br />

À Belleville, chaque nuit, depuis trois semaines, ça tiraillait<br />

entre Chinetoques, Arabes et karlouches. Tout le monde tirait<br />

sur tout le monde. C’était Beyrouth au métro Jourdain et<br />

Bagdad rue des Rigoles. Des représentants des communautés<br />

nègres hurlaient au pogrom parce que les Jaunes étaient<br />

supérieurement armés. Ils accusaient les flics de fermer les yeux<br />

sur des approvisionnements qui venaient des triades de Hong-<br />

Kong.<br />

Légendes urbaines, disaient les Jaunes. Il n’empêche,<br />

n’importe quel Chinois de Belleville, qu’on avait connu rasant<br />

les murs et baissant les yeux pendant des années, maintenant, il<br />

se promenait en prenant des poses à la Chow Yun-fat dans les<br />

John Woo de la bonne période, la première.<br />

<strong>Le</strong> nombre de fois, avec Antoine, qu’on a pu se faire des<br />

après-midi, chez lui rue La Boétie ou chez moi rue Brézin,<br />

portables fermés, à se regarder à la chaîne des VHS pourries de<br />

The Killer, d’Une balle dans la tête ou du Syndicat du crime I et<br />

II. Dans les rares bons moments de ma vie, dans ce top ten des<br />

meilleurs passages de notre vie sur terre que Dieu, s’il existe,<br />

doit te laisser te repasser en boucle pour l’éternité, et c’est ce<br />

qu’à mon avis on appelle le Paradis, il y aura ces grandes heures<br />

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