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Il y avait, parmi ses cinq portables de campagne, un qui<br />
m’était réservé et qui me permettait de le joindre aussitôt. Il<br />
était dans son QG « Dorgelles Président », au dernier étage du<br />
Bunker, un QG spécialement aménagé pour l’occasion. Et,<br />
d’après son agenda électronique que tout le monde pouvait<br />
consulter dans l’équipe d’un clic de souris, il tenait une réunion<br />
thématique avec Agnès et ce cul-bénit de Samain sur la<br />
condition de la femme, l’opportunité d’un salaire maternel et<br />
toutes ces conneries qui devaient l’ennuyer.<br />
D’ailleurs, tout l’ennuyait, à ce moment-là. Cette campagne<br />
présidentielle, il l’a faite au ralenti. Il avait pris un coup de vieux<br />
et il avait des sciatiques à répétition qui lui faisaient souffrir le<br />
martyre. Il était peut-être aussi un peu dépressif. Pourtant, il n’y<br />
avait pas de quoi. <strong>Le</strong>s sondages étaient vraiment excellents.<br />
Mais bon, il restait souvent comme un peu en dehors, pris dans<br />
un rôle qu’il n’avait peut-être plus envie de jouer. J’avais de la<br />
peine pour lui.<br />
Il n’empêche que, lorsque je lui ai fait part du coup de fil du<br />
type des RG et du sentiment des bloquistes lancrezannais, il a<br />
hurlé dans l’appareil.<br />
— Bordel de Dieu, ils ne vont pas me faire chier. Pas encore !<br />
Pas à Lancrezanne en plus ! Tout le monde, dans mon bureau,<br />
Stanko, avant midi ! Et fissa ! J’annule tout le reste !<br />
Ça m’a fait plaisir, finalement, qu’il gueule comme ça. Je<br />
retrouvais sa voix et ses colères d’avant son coup de vieux,<br />
quand j’étais entré au <strong>Bloc</strong> Patriotique.<br />
Tout le monde, ça voulait dire le comité directeur de la<br />
campagne, c’est-à-dire Frank Marie, le chargé de la<br />
communication, Ströbel, Agnès, Samain, Antoine, et Francesca<br />
Sallivert, la veuve du fameux Sallivert. Celui dont Antoine croit<br />
qu’il a été victime d’un faux accident, en fait un coup monté par<br />
Samain. J’ai cherché parce que c’était pour Antoine et Agnès<br />
mais la piste était froide et je n’ai rien trouvé. Et je ne trouverai<br />
plus, puisque je serai mort demain matin ou après-demain, au<br />
mieux.<br />
On a décidé, à l’unanimité, de maintenir le meeting.<br />
Il devait avoir lieu sur l’esplanade du Mont-Lancre, qui<br />
domine tout Lancrezanne et sa rade. <strong>Le</strong> Mont-Lancre, après<br />
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