etudes binchoises revue de la société d'archéologie et des amis du ...

Rétractation, à Binche, le 15 janvier 1828,
d'un prêtre français, époux d'une divorcée
et écrivain politique (*)
Né à Nismes en 1756, ordonné prêtre à Carpentras, dans le
Comtat Venaissin, ancienne possession papale, Mathieu-Noël Rioust eut
un début de carrière ecclésiastique assez brillant. Il exerça notamment
les fonctions de Vicaire général dans les diocèses de Lombez et de
Nevers (1). Très attaché à la famille royale, il est appelé à prêcher à la
cour de Louis XVI, et entretient les meilleures relations avec celui qui
deviendra, en 1814, le roi Louis XVIII. Sans avoir jamais manifesté
aucune sympathie pour les idées révolutionnaires, il cède toutefois,
comme il le dira lui-même, "à la force des illusions, à l'enchaînement des
circonstances et aux rigueurs qui persécutaient alors le sacerdoce
français" (2), et, en 1794, il épouse la femme divorcée d'un magistrat
français émigré (3). Il en aura trois enfants.
Souhaitant ne prendre aucune part aux excès révolutionnaires
des dernières années du XVIIIe siècle, il se retire avec son épouse dans
le département de l'Eure, au petit village de Saint-Pierre-de-Vauvray. Il
y suivit de loin les opérations des troupes républicaines, et se prit
d'admiration pour Lazare Carnot "l'organisateur de la victoire" dont il
partageait d'ailleurs la réelle aversion pour les ultra-révolutionnaires.
Dans la suite, ses sympathies se portèrent aussi sur le général Bonaparte
qui, en décembre 1799, avait proclamé une amnistie presque générale
dont devait profiter précisément Carnot.
L'action politique de Mathieu Rioust semble n'avoir débuté
qu'en 1814 avec la publication d'Une protestation des membres du
Parlement (un vol. in-8°), qui sera alors suivie, en 1816, d'un ouvrage en
deux parties sur Joseph II, empereur d'Allemagne, peint par lui-même, avec
un précis historique sur la mort de ce Prince. L'auteur y fait l'éloge du
monarque, et ne manque pas de souligner à cette occasion l'heureuse
audace, pleinement justifiée, de ce Prince qui sut faire plier les autorités
religieuses sous la force d'un pouvoir politique souverain.. Ce livre qui
exaltait, dans une certaine mesure, les droits de la royauté fut bien
accueilli dans la France de la Restauration. Mais il n'en fut pas de même
lorsque Rioust publia, peu de temps après, son Carnot (4) où il
défendait, cette fois, la souveraineté du peuple et le principe du
gouvernement de fait.
Assigné à paraître à ce sujet devant le Tribunal de police
correctionnelle de Paris, Mathieu Rioust plaida lui-même sa cause, et,
loin de se rétracter, déclara qu'il saurait "se soumettre à sa
condamnation sans faiblesse et même avec un noble orgueil", n'étant
point de ces "hommes rampans qui s'accomodent de toutes les
révolutions, et s'assouplissent à tous les régimes". Face à ces
99