etudes binchoises revue de la société d'archéologie et des amis du ...

plus de six cents prisonniers français, et puis encore quatre autres, et
puis un paysan de Grand Reng qui s'était caché au lieu de partir comme
on le lui avait ordonné. C'est son voisin qui le racontait; lui avait dû
quitter ses vaches, ses poules, ses cochons, tout; il les retrouverait morts
ou volés. Tous les jours, ils viennent se balader avec leurs aéroplanes.
Ils sont avec tous leurs chariots dans le Parc; ils font là leur cuisine et
leur ménage. On avait travaillé six mois pour l'arranger; on pourra bien
recommencer ! Et maintenant on a tout le temps des expulsés qui
demandent l'aumône, et on ne peut pas leur refuser; ils sont bien
malheureux. On ne peut pas se trouver dans la rue à plus de trois, et à
sept heures, il faut rentrer. Vers six heures, est passée une longue file de
chariots couverts de bâches, qui descendait la rue de Mons. On croit
que c'est encore des morts qu'ils vont enterrer à Péronnes, et, ce soir, on
sent un bien mauvais goût. Gare à nous si les chaleurs continuent ! Il
serait préférable d'être plus près de l'hiver.
Lundi 7 - Toujours la même chose : voitures, chevaux, soldats,
blessés, prisonniers, et des enterrements, plusieurs par jour. Des
prisonniers français bien éclopés (ils savaient à peine marcher) se
soutenant l'un l'autre, des blessés allemands dans des chariots et des
charrettes. Prisonniers et blessés, il y en a bien quatre mille à Binche, et
la lutte pour le pain continue. Après six jours, Léon m'a enfin apporté
du beurre. Ajoutez à cela tous les réfugiés. Binche n'a jamais vu un train
pareil sinon le jour du mardi-gras. On raconte que les Belges se sont
battus à Termonde, et ont dû se replier sur Anvers; que l'on rappelle
des hommes en Allemagne pour combattre les Russes. Ce serait un bon
débarras !
Mardi 8 - Toujours tout le train-train. Espérons qu'ils partiront
bientôt. A Termonde, beaucoup d'Allemands ont été tués, mais des
Belges aussi et des Anglais. Les forts de Maubeuge se sont rendus, mais
cela a coûté cher aux Allemands; on dit qu'ils ont perdu 113 mille
hommes; qu'il y avait des cadavres sur trois mètres de hauteur; que l'on
creusait des tranchées énormes pour les enterrer. Les Russes ont perdu
80 mille hommes près de Berlin. Les Anglais ont pris une grande
quantité de bateaux aux Allemands, avec vivres et munitions. La flotte
allemande est réduite de deux tiers. Les Allemands veulent aller à
Anvers pour empêcher le ravitaillement de l'Angleterre. Ils ont lancé
deux bombes avec un aéroplane. L'une a pulvérisé une usine; l'autre n'a
pas explosé. Voici donc encore une fois nos Belges au feu. Que c'est
triste ! On dit un des fils de l'Empereur gravement blessé, et un autre
prisonnier, et si on bombarde Paris ou Anvers, on le fusillera. Ici, toute
la journée, on voit des cercueils que l'on porte dans les lieux où sont les
blessés, et je crois qu'ils vont par des chemins détournés pour aller au
cimetière. A Charleroi, ils ont pris tout ce qu'il y avait dans les banques,
et ils en voulaient encore plus. A Bruxelles, ils sont partout, au
Ministère, au Palais du Roi et dans les lieux publics, et quand ils sont au
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