etudes binchoises revue de la société d'archéologie et des amis du ...

Les élections de l'an V avaient renforcé les tendances
conservatrices au sein du Conseil des Cinq-Cents et du Conseil des
Anciens aussi une oppostion sans cesse croissante se faisait-elle sentir
entre le Corps législatif et le Directoire lui-même, d'autant plus que la
Constitution de l'an III n'avait rien prévu pour assurer la coordination
de ces deux pouvoirs. C'est pourquoi les membres du Directoire
devinant qu'ils seraient bientôt mis en accusation, prirent les devants,
et, avec l'aide de l'armée, déclenchèrent le fameux coup d'Etat du 18
fructidor (4 septembre 1797) destiné, selon eux, à sauver la République
de la conspiration royaliste qui la menaçait. Parmi les motifs allégués -
après coup ! - pour justifier l'attitude prise par le Directoire, figure en
bonne place l'action subversive exercée par le clergé, en Belgique
notamment. En témoignent ces extraits du discours prononcé, le 26
ventôse an VI (16 mars 1798), à la veille des élections de l'an VI, par le
porte-parole habituel et l'homme à-tout-faire du Directoire, le citoyen
Jacques-Charles Bailleul; à les lire, avec le recul du temps, et au vu des
exagérations manifestes que multiplie à plaisir l'orateur, on devine sans
peine combien il importait au Gouvernement de motiver à tout prix
l'action profondément illégale du 18 fructidor. Qui veut noyer son chien
l'accuse de la rage ! Voici donc comment Bailleul dépeint la situation
politico-religieuse de mai-août 1787 :
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Les prêtres déportés sont accueillis avec plus d'empressement que
jamais par les administrations; ils rentrèrent avec bien plus
d'empressement encore quand une motion d'ordre faite au Conseil des
Cinq-Cents, et trop bien reçue, (58) leur donna la mesure de leurs
espérances, et pour faire honneur au digne membre de son ouvrage, ces
forcenés, joignant le ridicule à l'atrocité, font attacher par des imbéciles
une croix à l'arbre de la liberté, avec cette inscription: Tremblez, infâmes
jacobins, et reonnoissez la croix de votre maître.
Ils distribuent des catéchismes contre-révolutionnaires président des
rassemblements séditieux, insultent, menacent les fonctionnaires
publics, prêchent sans cesse contre la République (...) en un mot, c'est à
eux que l'on doit plus particulièrement l'entière corruption de l'esprit
public.
Mais c'est surtout dans les départements de la ci-devant Belgique
qu'une main cacchée les excite à porter leurs ravages: ils ont l'activité de
la flamme: écrits empoisonnés, complots contre la tranquilité publique,
miracles, prédications attroces à la suite desquelles des fonctionnaires
publics et des citoyens sont assassinés (...)
Une municipalité annonce qu'on peut se dispenser de porter la
cocarde. Des municipaux refusent de prêter le serment de haine à la
royauté; d'autres de faire des poursuites contre des prêtres réfractaires.
Une administration chasse les patriotes de ses bureaux; une autre fait
disparaître du lieu où elle s'assemble tous les signes de la liberté, et
parcourt plusieurt cantons, précédée de plusieurs musiciens qui
chantaient le Réveil du Peuple (59). Une autre administration est obligée
de prendre un arrêté pour empêcher de jouer la tragédie de la Mort de
Louis XVI. Notre devoir nous oblige de dire que ces désordres datent
particulièrement du voyagne de Benezech.