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LES VOYAGES DE GULLIVER

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yahous de ce pays ; mais, après tout, je leur pardonne toutes<br />

leurs qualités odieuses, puisque la nature les a faits tels, et qu’ils<br />

n’ont point la raison pour se gouverner et se corriger ; mais<br />

qu’une créature qui se flatte d’avoir cette raison en partage soit<br />

capable de commettre des actions si détestables et de se livrer à<br />

des excès si horribles, c’est ce que je ne puis comprendre, et ce<br />

qui me fait conclure en même temps que l’état des brutes est<br />

encore préférable à une raison corrompue et dépravée ; mais, de<br />

bonne foi, votre raison est-elle une vraie raison ? N’est-ce point<br />

plutôt un talent que la nature vous a donné pour perfectionner<br />

tous vos vices ? Mais, ajouta-t-il, vous ne m’en avez que trop dit<br />

au sujet de ce que vous appelez la guerre. Il y a un autre article<br />

qui intéresse ma curiosité. Vous m’avez dit, ce me semble, qu’il<br />

y avait dans cette troupe de yahous qui vous accompagnait sur<br />

votre vaisseau des misérables que les procès avaient ruinés et<br />

dépouillés de tout, et que c’était la loi qui les avait mis en ce<br />

triste état. Comment se peut-il que la loi produise de pareils<br />

effets ? D’ailleurs, qu’est-ce que cette loi ? Votre nature et votre<br />

raison ne vous suffisent-elles pas, et ne vous prescrivent-elles<br />

pas assez clairement ce que vous devez faire et ce que vous ne<br />

devez point faire ? »<br />

Je répondis à Son Honneur que je n’étais pas absolument<br />

versé dans la science de la loi ; que le peu de connaissance que<br />

j’avais de la jurisprudence, je l’avais puisé dans le commerce de<br />

quelques avocats que j’avais autrefois consultés sur mes<br />

affaires ; que cependant j’allais lui débiter sur cet article ce que<br />

je savais. Je lui parlai donc ainsi :<br />

« Le nombre de ceux qui s’adonnent à la jurisprudence<br />

parmi nous et qui font profession d’interpréter la loi est infini et<br />

surpasse celui des chenilles. Ils ont entre eux toutes sortes<br />

d’étages, de distinctions et de noms. Comme leur multitude<br />

énorme rend leur métier peu lucratif, pour faire en sorte qu’il<br />

donne au moins de quoi vivre, ils ont recours à l’industrie et au<br />

manège. Ils ont appris, dès leurs premières années, l’art<br />

– 227 –

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