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LES VOYAGES DE GULLIVER

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conseil jugeait la perte de vos yeux un châtiment trop léger, on<br />

pourrait en ajouter un autre. Et votre ami le secrétaire, priant<br />

avec soumission d’être écouté encore pour répondre à ce que le<br />

trésorier avait objecté touchant la grande dépense que Sa<br />

Majesté faisait pour votre entretien, dit que Son Excellence, qui<br />

seule avait la disposition des finances de l’empereur, pourrait<br />

remédier facilement à ce mal en diminuant votre table peu à<br />

peu, et que, par ce moyen, faute d’une quantité suffisante de<br />

nourriture, vous deviendriez faible et languissant et perdriez<br />

l’appétit et bientôt après la vie. Ainsi, par la grande amitié du<br />

secrétaire, toute l’affaire a été déterminée à l’amiable ; des<br />

ordres précis ont été donnés pour tenir secret le dessein de vous<br />

faire peu à peu mourir de faim. L’arrêt pour vous crever les yeux<br />

a été enregistré dans le greffe du conseil, personne ne s’y<br />

opposant, si ce n’est l’amiral Bolgolam. Dans trois jours, le<br />

secrétaire aura ordre de se rendre chez vous et de lire les articles<br />

de votre accusation en votre présence, et puis de vous faire<br />

savoir la grande clémence et grâce de Sa Majesté et du conseil,<br />

en ne vous condamnant qu’à la perte de vos yeux, à laquelle Sa<br />

Majesté ne doute pas que vous vous soumettiez avec la<br />

reconnaissance et l’humilité qui conviennent. Vingt des<br />

chirurgiens de Sa Majesté se rendront à sa suite et exécuteront<br />

l’opération par la décharge adroite de plusieurs flèches très<br />

aiguës dans les prunelles de vos yeux lorsque vous serez couché<br />

à terre. C’est à vous à prendre les mesures convenables que<br />

votre prudence vous suggérera. Pour moi, afin de prévenir tout<br />

soupçon, il faut que je m’en retourne aussi secrètement que je<br />

suis venu. »<br />

Son Excellence me quitta, et je restai seul livré aux<br />

inquiétudes. C’était un usage introduit par ce prince et par son<br />

ministère (très différent, à ce qu’on m’assure, de l’usage des<br />

premiers temps), qu’après que la cour avait ordonné un supplice<br />

pour satisfaire le ressentiment du souverain ou la malice d’un<br />

favori, l’empereur devait faire une harangue à tout son conseil,<br />

parlant de sa douceur et de sa clémence comme de qualités<br />

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