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LES VOYAGES DE GULLIVER

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ordonné une chasse générale des yahous ; qu’on en avait pris<br />

une grande quantité, et, qu’après avoir détruit tous les vieux, on<br />

en avait gardé les plus jeunes pour les apprivoiser, autant que<br />

cela serait possible à l’égard d’un animal aussi méchant, et<br />

qu’on les avait destinés à tirer et à porter. Il ajouta que ce qu’il y<br />

avait de plus certain dans cette tradition était que les yahous<br />

n’étaient point ylnhniam sky (c’est-à-dire aborigènes). Il<br />

représenta que les habitants du pays, ayant eu l’imprudente<br />

fantaisie de se servir des yahous, avaient mal à propos négligé<br />

l’usage des ânes, qui étaient de très bons animaux, doux,<br />

paisibles, dociles, soumis, aisés à nourrir, infatigables, et qui<br />

n’avaient d’autre défaut que d’avoir une voix un peu<br />

désagréable, mais qui l’était encore moins que celle de la<br />

plupart des yahous. Plusieurs autres sénateurs ayant harangué<br />

diversement et très éloquemment sur le même sujet, mon<br />

maître se leva et proposa un expédient judicieux, dont je lui<br />

avais fait naître l’idée. D’abord, il confirma la tradition<br />

populaire par son suffrage, et appuya ce qu’avait dit savamment<br />

sur ce point d’histoire l’honorable membre qui avait parlé avant<br />

lui. Mais il ajouta qu’il croyait que ces deux premiers yahous<br />

dont il s’agissait étaient venus de quelque pays d’outre-mer, et<br />

avaient été mis à terre et ensuite abandonnés par leurs<br />

camarades ; qu’ils s’étaient d’abord retirés sur les montagnes et<br />

dans les forêts ; que, dans la suite des temps, leur naturel s’était<br />

altéré, qu’ils étaient devenus sauvages et farouches, et<br />

entièrement différents de ceux de leur espèce qui habitent des<br />

pays éloignés. Pour établir et appuyer solidement cette<br />

proposition, il dit qu’il avait chez lui, depuis quelque temps, un<br />

yahou très extraordinaire, dont les membres de l’assemblée<br />

avaient sans doute ouï parler et que plusieurs même avaient vu.<br />

Il raconta alors comment il m’avait trouvé d’abord, et comment<br />

mon corps était couvert d’une composition artificielle de poils et<br />

de peaux de bêtes ; il dit que j’avais une langue qui m’était<br />

propre, et que pourtant j’avais parfaitement appris la leur ; que<br />

je lui avais fait le récit de l’accident qui m’avait conduit sur ce<br />

rivage ; qu’il m’avait vu dépouillé et nu, et avait observé que<br />

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